samedi 2 avril 2016

Rendons leur liberté à nos enfants.


Mademoiselle Maurice

Libérer l’éducation : libérons-la de tout ce qui l’enferme, la sclérose ou la gangrène : c’est à dire tout ce qui relève du pouvoir et du contrôle. En réalité, la liberté est indispensable à l’homme, elle est même sans aucun doute sa raison d’être.

Notre éducation actuelle est en faillite ; elle est structurée par un système de conditionnement, d’aliénation, qui assoit et légitime le pouvoir des uns sur les autres, et qui appuie les inégalités. Qui perpétue la violence sous toutes ses formes, la banalisant à tel point que nous ne sommes plus capables de la voir. Des valeurs qui sont des anti-valeurs, qui favorisent l’indifférence à la solidarité, la peur à la bienveillance, le jugement à la compréhension, la violence à la non-violence. A travers l’éducation, nous transmettons nos propres limites et peurs, encore et encore.

Nous prenons nos enfants en otage, nous nous substituons à leur libre arbitre, nous nous ingérons dans leur rapport à eux-mêmes. Nous leur signifions qu’ils n’ont pas le droit d’être eux-mêmes, que ce n’est pas une bonne chose, qu’ils doivent culpabiliser, et que s’ils veulent mériter notre amour, ils doivent sans cesse obéir et faire mieux. Nous faisons d’eux des personnes dépendantes, fragiles, influençables, qui n’ont plus confiance en eux (ni en nous) et aucune estime de leur personne. En fait, nous leurs apprenons à être des esclaves qui n’ont pas conscience d’être des esclaves.

C’est à force de nier leur droit à la liberté d’être soi que des jeunes désespérés sont récupérés par des mouvement extrémistes, y trouvant un sens à la vie et une raison de vivre (ou de mourir), pour avoir enfin le droit d’exister.

C’est la faillite de tout un système éducatif, mais aussi de notre société. Une crise, à la fois sociétale, économique, environnementale, politique. Une polycrise, comme le dit Edgar Morin. Et le seul facteur commun à ces crises est le facteur humain. Nous ne pouvons plus continuer de la sorte. Mais une crise révèle toujours une opportunité : nous avons enfin l’opportunité de changer ; pas seulement de réformer tel ou tel domaine, mais de recréer, de transformer, de (nous) métamorphoser. Autrement dit, nous devons hacker notre éducation. Les pédagogies nouvelles ont déjà entrouvert les portes de la liberté, mais bien souvent, elles ont été récupérées pour devenir des idéologies ou des dogmes.

Nous avons un grand travail à accomplir : une profonde remise en question et une déconstruction de nos pensées, de nos comportements et habitudes. L’éducation a ici un rôle crucial à jouer, elle est un puissant levier d’action et d’émancipation, elle a le pouvoir de changer le monde. Mais il ne s’agit pas de faire peser sur les épaules de nos enfants le fardeau du monde ou de nos attentes – et par là de nous déresponsabiliser encore. La première forme d’éducation commence par nous-mêmes, dès aujourd’hui. Il nous faut aller à la rencontre nous mêmes, exprimer notre vérité, notre authenticité.

Les enfants n’ont pas besoin qu’on leur dise qui ils doivent être, ce qu’ils doivent penser ou faire. Par contre, ils ont besoin d’être accompagnés de manière respectueuse et bienveillante, libre et responsable. Avec bon sens et empathie, et un regard positif inconditionnel. Il n’est pas question non plus de laxisme ou d’anarchie. Au contraire, c’est un travail exigeant : accompagner les enfants dans leur découverte du sens de leur liberté et de leur responsabilité. Alors, les punitions sont obsolètes. Et à un niveau évolué de ces pratiques, nous n’aurions plus besoin de prisons.

Par l’éducation, ou plutôt l’auto-éducation, il s’agit donc de libérer l’être humain. Et avec lui, les talents, les potentiels, les dons, la créativité, les passions, les compétences,… Libérer les rêves. Il est temps d’accepter, d’accueillir les différences : le droit pour chacun d’être et de devenir qui il est, de s’épanouir dans son humanité profonde, car notre monde a besoin de nos différences. Notre société a besoin de toutes les intelligences, de toutes les imaginations possibles. Elle a besoin de citoyens engagés dans le vivre ensemble et l’organisation de la cité.

Rendons leur liberté à nos enfants.

samedi 26 mars 2016

De la banalisation de la violence à la responsabilisation


Comme l'exprimait Averroès, ce grand philosophe, théologien et mathématicien musulman du 12ème siècle : « L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l'équation. » 
Mais comme à chaque fois que nous vivons des événements tragiques, les réactions sur les réseaux sociaux démontrent combien cette simple observation est toujours, au 21ème siècle, tragiquement méconnue. Tandis que certains en profitent pour déverser des idées douteuses, banalisant le rejet et la haine - nourrissant la stigmatisation et les amalgames, d'autres font de leur mur le lieu ultime de l'étalement de leurs peurs et angoisses - voire de fascination morbide déplacée. 
Malheureusement, peu d'entre nous ont conscience de l'importance de leur rôle : c'est exactement ces postures - conscientes ou non - qui permettent de banaliser, d'attiser le recours à la haine et à la violence, et de perpétuer ce cercle vicieux. 
Les attentats n'ont rien à voir avec le véritable Islam, avec les musulmans, ni avec les réfugiés... 
Il s'agit donc d'être vigilants et critiques. De gérer les peurs et les émotions, de comprendre la situation intelligemment.
Il s'agit surtout de prendre ses responsabilités de citoyen et plus encore d'être humain.

En tant que parents, nous avons la grande responsabilité d'accompagner nos enfants dans leur perception et leur compréhension du monde. D'écouter leurs peurs. De les aider à formuler des réponses aux questions qu'ils se posent, à comprendre les raisons et à donner du sens à ces événements. Si la parole n'est pas facile, il est possible de favoriser leur expression d'une autre manière : en dessinant, en écrivant... Ou par un geste symbolique, comme aller une bougie, écrire une lettre.

Il est question pour eux de devenir les acteurs responsables et engagés de cette société et non des réceptacles passifs dépourvus de réflexion, soumis à toutes les influences possibles. Il n'est pas question donc ni d'ignorer les évènements, ni de les dramatiser. Dans les deux cas, c'est faire preuve de naïveté et d'irresponsabilité. La violence fait partie de notre société, à nous de la débusquer, de trouver des alternatives et de faciliter les changements nécessaires. Et cela dépendra en grande partie de notre propre cheminement personnel.

dimanche 7 février 2016

Pour une langue vivante et joyeuse




Qu'on le veuille ou non, la langue, tout comme la culture, évolue. Supports d'expression, de communication, elles sont vivantes, mouvantes, et perméables aux influences et aux changements. La langue française, tout au long de son histoire, a intégré le latin, le grec, le gaulois et l'allemand; et plus récemment de l'hébreu, de l'arabe, de l'italien, de l'espagnol, et bien sûr de l'anglais, etc. Support par excellence de métissages et d'hybridations, la langue révèle sa capacité créative, dans la perspective de la rencontre de l'autre - et de soi. Aussi, une langue doit être capable d'innover, d'inventer, de se recréer. Alain Rey, en 2015, disait : "Il faut bousculer, approfondir la langue." Il s'agit donc d'un phénomène naturel, que l'on ne peut arrêter.

Qu'il y ait une crise des apprentissages et de l'enseignement, c'est une réelle et nécessaire question. Partageons dès lors notre interêt pour la langue et les lettres : allons dans les bibliothèques et les librairies, emparons-nous des livres, de la langue, lisons, parlons, écrivons... car seul l'usage fait sens, dans les apprentissages, à tout âge. 

Autre facteur à prendre en compte : un certain repli réactionnaire et identitaire cristallisé autour de la nation et de ses attributs. Dont la langue. C'est un autre débat, mais en temps de crise, l'être humain à tendance à chercher des repères qui le rassurent et le protègent, à se refermer sur une construction identitaire qui se voudrait imperméable. Pour nombre d'entre nous, la langue française n'est-elle pas notre langue "maternelle"? Peur de l'avenir, peur de l'autre, peur de la vie... 
A cela, il ne nous reste plus qu'à répondre avec patience, bienveillance et confiance.