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Bien souvent, quand on pense
éducation, on pense autorité. L’autorité est en effet un thème qui revient bien
souvent, et accompagné de croyances telles que : « un enfant a besoin
d’autorité, de cadres, de limites, de règles, etc. »
Mais revenons à la définition
même de ce terme : qu’est ce que l’autorité ?
Selon le dictionnaire Larousse,
l’autorité est le « pouvoir de décider ou de commander, d'imposer ses
volontés à autrui », « Ensemble de qualités par lesquelles quelqu'un
impose à autrui sa personnalité, ascendant grâce auquel quelqu'un se fait
respecter, obéir, écouter »[1].
Nous insisterons sur les
termes : pouvoir, commander, imposer, obéir.
Aussi, je peux ajouter de
nombreux qualificatifs au terme, tels que
« naturelle », « bienveillante », « authentique »,
ou encore complexifier le concept à l’aide des sciences de l’éducation ou de la psychologie, il n’en
reste pas moins qu’elle institue toujours une relation de pouvoir, une relation
de dominant/dominé.
Michel Serres disait ainsi que
« La seule autorité possible est fondée sur la compétence »[2],
mettant en relation le terme avec la valeur morale de l’humain, qui doit faire
grandir l’autre. Grandir l’autre, l’élever, n’est ce pas le principe de base de
l’éducation ?
Dans son travail, il a également mis en valeur la perte de crédibilité des adultes, évoqué l’autonomie des enfants dans leurs apprentissages et la nécessité de repenser et reconstruire les relations parent-enfant, maître-élève, État-citoyen.
Dans son travail, il a également mis en valeur la perte de crédibilité des adultes, évoqué l’autonomie des enfants dans leurs apprentissages et la nécessité de repenser et reconstruire les relations parent-enfant, maître-élève, État-citoyen.
Pour Serres, enfin,
« L'autorité doit être une forme de fraternité qui vise à tous nous
augmenter. » Cela signifie que bien évidemment, nous changeons de
paradigme, pour une nouvelle conscience où nous serions tous gagnants.
Finalement, les seuls qui prônent
avec force l’autorité ne sont-ils pas ceux-là même qu’elle arrange, à qui elle confère
cette illusion de pouvoir et de puissance ? Sur quelle base, quelle
crédibilité, quelle légitimité ?
Ou bien ceux qui sont rassurés
par son évocation ; quand on a toujours vécu avec une croyance, on a du
mal à s’imaginer vivre sans celle-ci. Le parent qui a entendu et vécu l’autorité
dans son enfance, a du mal à imaginer comment faire sans celle-ci.
Ce questionnement est donc de
mise dans l’éducation. Récemment paraissait un article intitulé « Les
spécialistes de l’éducation ne sont pas ceux et celles que vous croyez »[3],
qui mettait en valeur ces experts animés par la « volonté de diriger, voire de contrôler leur public, ces faux
spécialistes compensent leur manque de connaissances par une image inflexible,
autoritaire et implacable et usent de propos décontextualisés, fragmentés et
souvent déconnectés de la réalité. »
Il s’agit non seulement d’une
invitation à ne pas accorder de crédit à n’importe qui sous prétexte d’un titre
ou d’une fonction, mais surtout d’une invitation à s'en libérer et à se responsabiliser : se
faire confiance, s’écouter, et apprendre, toujours.
Finalement, la question
fondamentale et essentielle à poser est celle-ci : qu’est ce que je
souhaite créer comme relation avec mon enfant ? Pour ma part, je préfère
quitter la sphère de l’autorité et créer une autre relation, une relation respectueuse,
aimante, bienveillante pour chacun.
Il s’agit d’un changement de paradigme. Einstein disait à juste
titre qu’« un problème créé ne
peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu'il a été créé. »
C’est exactement de cela dont il est question ici. L’éducation, telle que nous l’avons envisagée jusqu’à présent (sauf quelques exceptions et alternatives) se situe encore et toujours dans la perspective de l’autorité. Tous les rapports que nous entretenons avec les enfants sont érigés sur une base autoritaire, qui nous donne l’illusion ou l’impression d’avoir le contrôle. Nous vivons dans une société hyper-contrôlante. Mais la vie ne se contrôle pas, elle se vit, s’expérimente, se jouit… L’éducation, hors de ces enjeux de pouvoir, est un grand bonheur partagé, une joie quotidienne, un émerveillement. Cela en vaut la peine non ?
C’est exactement de cela dont il est question ici. L’éducation, telle que nous l’avons envisagée jusqu’à présent (sauf quelques exceptions et alternatives) se situe encore et toujours dans la perspective de l’autorité. Tous les rapports que nous entretenons avec les enfants sont érigés sur une base autoritaire, qui nous donne l’illusion ou l’impression d’avoir le contrôle. Nous vivons dans une société hyper-contrôlante. Mais la vie ne se contrôle pas, elle se vit, s’expérimente, se jouit… L’éducation, hors de ces enjeux de pouvoir, est un grand bonheur partagé, une joie quotidienne, un émerveillement. Cela en vaut la peine non ?
Je suis bien d'accord avec vous... on pense souvent qu'il est important d'avoir de l'autorité sinon "les enfants prennent le dessus"... comme si les rapports humains se résumaient à une lutte de pouvoir... et cette idée arrive (hélàs) dès la maternelle: http://www.droledemaman.com/cest-celui-qui-lache-qui-gagne/
RépondreSupprimerBonsoir Drôle de maman,
Supprimermerci pour votre commentaire!
J'ai lu votre article que j'ai beaucoup apprécié :)
C'est exactement cela: sortir des enjeux de pouvoir! Pour créer une autre forme de relation.
Bonne soirée :)
Bonjour,
RépondreSupprimerEheh, je vois que le débat passionne! ;-)
La Larousse propose plusieurs définitions, après chacun prend celle qui lui convient! Par exemple ma conception de l'autorité est celle là :
" Crédit, influence, pouvoir dont jouit quelqu'un ou un groupe dans le domaine de la connaissance ou d'une activité quelconque, du fait de sa valeur, de son expérience, de sa position dans la société, etc. ; caractère de quelque chose dont la valeur, le sérieux, communément reconnus, lui permettent de servir de référence "
Je ne vois pas pourquoi les notions de cadres, règles et limites font autant peur. Comme si ça excluait la bienveillance, le dialogue, l'ecoute de l'autre et la concertation.
Le pape de la CNV pour les enfants, Thomas Gordon, de même que Faber et Mazlich, ne sont absolument pas contre les règles, le cadre, et une forme d'autorité.
Ex : "il pleut dehors, tu choisis entre tes bottes bleues ou tes bottes rouges pour sortir?". Ou "il pleut dehors, quelle chaussures met on quand il pleut?"
Le cadre c'est : il pleut, nous sommes au mois de novembre, il fait 5°. Donc on ne va pas mettre de sandales mais des bottes pour éviter de tomber malade.
Voilà une forme d'apprentissage! Ma fille met un manteau pour sortir en ce moment , pourtant elle ne supporte pas les manteaux et ne veut pas le mettre. pourtant elle le met.
Deux façons de faire :
- je la prends, je dis "tu mets ton manteau point barre", elle crie, hurle, ça dégénère, je lui passe le manteau de force (et après j'ai très chaud, je suis énervée, elle aussi...). Pour moi c'est l'autoritarisme.
- autre solution (elle a 21 mois) : "je vois que tu n'as pa envie de mettre ton manteau. tu n'aimes pas le manteau, tu aurais envie d'etre toute nue comme en été, c'est tellement plus agréable. Pourtant il fait tellement froid qu'on doit mettre un manteau pour que sortir reste agréable. Tu as quand même envie de sortir voir les camions? (grande fan des camions qui stationnent à côté du chantier de la rue...) alors on met le manteau!". Et là c'est une forme d'autorité...
Pour moi, il y a un cadre, des règles, et j'ai fait preuve d'une autorité due à mon expérience et ma connaissance (froid, désagréable risque de n ième maladie qui va nous tenir éveillés encore trois nuits etc).
Qu'en penses tu Aurore?
Amicalement
Hélène
Bonjour Hélène,
Supprimeren effet le débat passionne! Merci de ton commentaire. :)
Pour commencer, nulle part, je ne dis qu'il y a des choses bonnes ou mauvaises. J'invite à s'interroger sur le concept d'autorité, et à repenser la relation. Chaque accompagnement est différent, parce que nous sommes tous différents et uniques - et faisons du mieux que nous pouvons là où nous sommes arrivés.
Pour cette vision de l'autorité, c'est ce que je met en avant en citant Michel Serres, mais nous ne sommes pas ici dans une relation de dominant/dominé: simplement, quelqu'un a acquis une compétence, une expertise, on reconnait son savoir, il est une référence - terme qu'emploie d'ailleurs la définition.
"Je ne vois pas pourquoi les notions de cadres, règles et limites font autant peur."
Personnellement, je n'ai pas peur... Le nombre et l'intensité des réactions que j'observe depuis hier me porte plutôt à croire que ce serait l'inverse: imaginer un accompagnement hors cadre (même bienveillant), hors règles semble faire très peur...
Pour ma part, j'essaie simplement d'être plus consciente des rapports de forces conscients ou non que nous mettons dans nos relations. Nous sommes tous animés d'un ego, qui veut être le premier, le meilleur, celui qui a raison. Et force est de constater que si nos sociétés sont hiérarchisées, si inégalitaires, si violentes, c'est bien parce que nous enseignons à nos enfants ces rapports de force, dans leur éducation.
J'essaie donc de proposer une autre forme de relations, avec soi-même, son enfant ou tout autre. N'est ce pas cela une éducation au service de la vie? Observons le vivant: les choses se mettent en place, naturellement, à leur rythme... Et plus nous contrôlons, et moins la nature s'épanouit. Prenons l'exemple des agriculteurs passés en permaculture: il ne s'agit pas d'intervenir, d'être intrusif, mais de respecter et de laisser la nature pousser à son rythme, intervenir le moins possible...
Et même si un enfant voulait tester les sandales sous la pluie? Et bien, d'abord ce n'est pas bien grave, ensuite je parie qu'il voudra rentrer dans les 5 min. pour changer de chaussures. Cette expérience peut être drôle, et un apprentissage intéressant, dès tout petit. Personnellement, j'aurais commencé par "Quel temps fait-il? Que veux-tu mettre comme chaussures?"
Même chose pour le manteau. Quel temps fait-il, on regarde la température, est-ce chaud? Est-ce froid? Ouvrons la fenêtre pour voir. Que veux-tu mettre comme vêtement? Ok mets ce que tu veux" (Et si l'enfant a choisi une veste d'été, rien n'empêche de prendre un bon manteau sous le bras, parce qu'encore une fois, arrivé dehors, il est tout à fait possible qu'il aura froid.)
VOTRE expérience ne LUI sert à rien - parce que c'est l'enfant qui fait cet apprentissage. Vous pouvez lui dire tout ce que vous savez, avez fait, etc. Ca ne changera rien à son expérience, son vécu, ses déductions.
Par contre, si on laisse à un enfant la possibilité de se responsabiliser, d'évaluer sa liberté, et bien il est bien plus autonome.
Je pense que ces petits détails peuvent aussi être laissé à la charge de l'enfant... Il s'implique, il teste, il essaie, il évalue, il déduit... n'est ce pas la base de l'apprentissage - ou même des sciences? ;)
Je vois comment vous fonctionnez... alors disons que de mon cote, je fixe des limites - qui sont posees la ou moi, le comportement risque de me poser un probleme. Dire a son enfant 'quel manteau veux tu mettre ? Ok mets ce que tu veux', je n'adhère pas. Tout simplement parce que c'est de ma responsabilité que ma fille ne soit pas malade parce qu'elle est en sandales au mois de novembre dehors, et aussi parce que je ne peux pas poser encore un congé pafce qu'elle est malade si je peux l'éviter. Mon cadre, c'est celui propose par faber et mazlich ou gordon, qui, c'est le moins qu'on puisse dire, sont hyper a l'écoute des besokns de l'enfant et du fait qu'il doit faire son expérience. Ici nous fonctionons Montessori, bienveillance, cnv etc mais il y a des regles de vie familiales : respect, entraide, bienveillance par exemple (elles sont ecrites sur le frigo :-) ). Donc il y a des regles et un cadre :-)
SupprimerEt je rappelle que les auteurs que j'ai cités okus hauts voient souvent leurs propos travestis et lors de ma formation gordon, il a bien ete rappele l'importance des regles et du cadre....
Comme le dis Crecerelle, i, faut s'adapter a l'age de l'enfant egalemebt.
D'ailleurs moi dans l'exemple que je donne j'adopte la position 2 : ma fille de 21 mois a une latitude de décision, elle fait ses choix, d'ailleurs elle a beaucoup de liberté. Mais au sein d'un cadre, posé avec respect, bienveillance et toujours flexible pour s'adapter a son age, ses besoins, son evolution, ce qui ne change pas ce sont nos valeurs familiales dont découlent nos regles de vie (respect donc on ne blesse pas les gens ou les animaux par exemple).
Pourquoi une education sans limite et sans cadre peuvent faire peur, demandes tu? Mais... parce que notre société est faite de limites et de cadres. A quel age et où l'apprend on si ce n'est pas en famille avec toute la bienveillance et tout l'amour qui aident a le comprendre? A quel age apprend on qu'on ne frappe pas par exemple? Mon experience ne lui servira a rien c'est certakn, mais c'est grâce a mon experience que j'apprends a ma fille comment marcher sur un trottoir et traverser la rue pour qu'elle ne soit pas en danger. Et je ne lui laisserai certainement pas faire l'expérience de debouler devant une voiture... encore une limite. ?.
Bon, c'est un vaste débat et il est bien compliqué de le mener par ecrit mais je pense qu on se rejoint sur l'essentiel : la bienveillance, le respect des besoins de chacun, un equilibre familial. Et surtout, que ma fille grandisse en développant une belle confiance en elle, de l'harmonie dans sa vie, de la joie et du bonheur. Comme vous avec vos enfants comme je le constate d1ns vos ecrits!
Belle journée a vous Aurore!
Amicalement
Oui, l'important, c'est de trouver son rythme juste. Chaque personne, chaque famille fonctionne avec une dynamique différente. Certains sont sécurisés par des cadres plus strics, tandis que d'autres ne les supportent pas.
SupprimerJe vous remercie pour cet échange riche de réflexions et d'expérimentations.
Nous sommes d'accord pour l'essentiel, en effet!
En vous souhaitant un bon dimanche,
Aurore
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai lu vos 2-3 derniers articles il y a quelque jour et ma réflexion s'attarde sur deux points:
> il est important de moduler son discours en fonction de l'âge de l'enfant. Cela peut paraître évident mais en pratique (mon aîné a 2 ans) je me rends compte que l'on parle volontiers d'une certaine façon aux enfants avant qu'ils ne sachent marcher puis d'une autre façon après.
> Autre point: dans quelle mesure les besoins de l'adulte sont-ils satisfait?
Bonjour Crécerelle,
Supprimermerci pour votre commentaire.
Oui, tout à fait, je ne cesse de le répéter, notamment dans mes participations actives sur FB, après publication de mes articles. Dans un article, je ne peux pas tout aborder, d'où le fait que je continue à écrire, me centrant sur tel ou tel aspect auquel je pense.
Disons que l'on est plus concis avec un tout petit, parce qu'il ne rationalise pas comme nous l'entendons, question de développement. J'ai toujours parlé très clairement avec mon fils, même tout petit. Je n'ai jamais utilisé de langage bébé ou autre.
Quant aux besoins de l'adulte, à chacun de poser ceux-ci. Je ne suis pas dans la tête et le corps et l'histoire de chacun - aussi ces derniers peuvent varier d'une personne à l'autre. Mais globalement, nous avons des besoins de sommeil et de repos, ainsi tout ce qui touche au physique, mais aussi des besoins émotionnels, parfois plus ou moins conscients qui vont s'exprimer dans nos attitudes, nos réactions, nos envies.
Tout cela est de la responsabilité de l'adulte, et très souvent, nos enfants, par leur comportements et leurs demandes, vont justement appuyer et mettre en valeur nos besoins, d'autant plus quand il ne sont pas entendus. Avez-vous remarqué que le jour où vous êtes extrêmement fatiguée, votre enfant va être plus "difficile"? Lorsque vous avez peur pour lui, il va vous donner raison également... Mon idée, c'est de vous prémunir de tout cela, en effectuant un travail régulier et approfondi sur soi, afin d'être clair avec soi-même. Je crois que nous nous situons ici au carrefour de l'éducation et du développement personnel, tant notre histoire personnelle peut influencer l'éducation que nous souhaitons pour nos enfants. Pour prendre conscience de tous ces mécanismes, une hygiène de la relation que nous entretenons à nous-même est nécessaire : en prenant soin de moi, je ne subis plus des choix qui se jouent dans mon inconscient, je deviens responsable, je guéris, et j'agis en fonction de ce que je suis.