jeudi 11 avril 2013

Le processus d’éducation




I - Ce que l’éducateur n’est pas (seulement)
1 ) Un éducateur n’est pas un instructeur
- Il ne vise pas à transmettre des informations mêmes légitimes, en fonction d’injonctions institutionnelles (des consignes)
2 ) Un éducateur n’est pas un enseignant
- Qui a pour fonction d'enseigner, de marquer, d’inscrire dans un circuit de légitimation. - Qui distribue un enseignement, d’une façon magistrale, même de caractère non scolaire. Transmettre un savoir à des sujets destinés pour cela 
 
3) Un éducateur n’est pas un formateur 

- Celui qui « moule » ; qui fait prendre une forme ou reconnaître sa forme propre.

II - L’éducateur est plutôt un accompagnateur

1) accompagner c’est cheminer ensemble et être avec
- Etre à côté, être en relation 

- Aller dans une même direction 

- Se parler et/ou faire silence 

- Informer quand il est demandé « Je t’aiderai à venir si tu viens et à ne pas venir si tu ne viens pas » (Antonio Porchia)

2) Accompagner, c’est interférer par la présence
- Une présence sans projet : l’observation non-attachée 

- Une présence animée d’une attention vigilante 

- Un présence d’ouverture aux savoirs pluriels 

- Une présence d’approfondissement à la connaissance de soi 

- Une présence de questionnement permanent sur ce que l’on fait, ce que l’on dit, ce que l’on réalise

3) Accompagner vers la reconnaissance des 5 naissances du sujet
Cinq naissances me semblent à devoir être mis au jour et assumer dans le processus d’éducation de soi-même. Ces cinq naissances prendront effet au cours du déroulement processuel d'une vie, dans la mesure ou la personne en prendra conscience dans une sorte d'insight à la fois lié à sa capacité de discernement et d'intuition. 
  


La première naissance est celle, intrinsèque, à la pulsion sexuelle. Nous sommes nés d’un désir de rapprochement de deux corps, d’union corporelle de deux êtres qui se désiraient. Ce désir commun de nos parents est notre base constitutive. Il est important d’en parler à nos enfants. Il est essentiel pour eux de le reconnaître et de le revivre dans l’imaginaire. Nous sommes des « enfants de ». Nous avons des racines. Ce désir qui nous a engendrés, nous insère dans l’ordre de la nature. Il nous permet de nous rendre compte que nous sommes des éléments du Vivant. 
  


La deuxième éclate avec la naissance proprement biologique et le cri primal. 
C’est le moment de l’arrachement et de l’émergence dans un monde radicalement inconnu. Nous porterons à jamais ce sens de l’aventure dans un monde « autre » issu de notre naissance. Le cri primal qui scelle ce surgissement est la première expression  humaine digne de ce nom. Dans tout cri déchirant, on perçoit l’écho de ce cri des profondeurs. 
 

La troisième apparaît par le truchement de la fonction paternelle initiant à la Loi symbolique et permettant au petit homme de se séparer de sa mère. Cette épreuve de séparation, on le sait, n’est jamais achevée. C’est la fonction paternelle qui est essentielle, pas le père biologique. Une autre personne peut faire l’affaire, dès lors qu’elle assume réellement ce rôle à la fois rassurant et structurant.

La quatrième nous introduit à la naissance sociale et à la citoyenneté comme élément-clé de la "polis" grecque. Il s’agit d’une prise de conscience de notre être social, de la dimension du « socius » en nous-mêmes. Comme je le rappelais plus haut, les anciens Chinois, dans l’idéogramme de la vertu d’humanité (ren) nous proposent à la fois un homme et le chiffre deux. L’homme est social dans sa profondeur éthique. La façon dont nous organisons notre monde, sur les plans économique, social et politique, nous constitue ou non comme « être humain » véritable. Comme chacun sait, nous avons encore fort à faire pour esquisser une figure humaine reconnaissable et digne de ce nom. 
  

La cinquième, la plus subtile et la plus importante sans doute, nous ouvre à l'infini et à notre place dans la nature. Elle nous engendre comme être digne de l’Ouvert. Ce cheminement à l’intérieur de nous-mêmes, débouche sur un niveau de réalité sans commune mesure avec la réalité habituelle. Il nous fait comprendre et connaître que nous sommes des êtres finis au cœur de l’infini. Cette conscience de l’infini au cœur de notre être, révolutionne totalement notre existence. Nous nous ouvrons alors à la compassion, à la fraternité solidaire, à la création non-narcissique, à la liaison entre mort et naissance. Nous entrons, ainsi, dans la Vie. 
 

III ­ L’éducateur est un médiateur qui questionne et met au défi 

- Le questionnement par les savoirs constitués de la connaissance de soi 

- Le questionnement des savoirs constitués par la connaissance de soi 

- L’éducateur comme tiers-inclus et ses « moyens habiles » (dispositifs pédagogiques) 


IV ­ L’éducateur et les moments d’une vie
L’éducateur accompagne un sujet dans ses moments de vie :
- Le moment primaire de la structure de l’homme fermé (les conditionnements cosmiques, génétique, biologique, psychologique, sociaux, culturels : perfection de l’habitus) 

- Le moment tragique de la structure de  l’homme existentiel (le désir et le conflit) 

- Le moment intuitif de la structure de l’homme poétique (le dépassement symbolique) 

- Le moment englobant de la structure de l’homme noétique (l’éclairement, l‘éveil de l’intelligence) 

- Le rôle des « flashs existentiels »

V ­ Une esquisse de l’homme en mouvement
- Un homme de sécurité (matériel, économique, physique, psychologique, ontologique) 

- Un homme de pulsion (de vie, de mort, d’affrontement : Eros, Thanatos, Polemos) 

- Un homme de dépassement (imagination radicale et illusion) 

- Un homme d’étrangeté (un noyau infracassable de nuit, l’altérité, comme élément en relation avec le fond du réel (l’autreté de Krishnamurti) 
- 


VI - Le sage, le philosophe et l’éducateur 

- Le sage est du côté de la connaissance de soi (Homme de connaissance expérientielle)
- Le philosophe est du côté des savoirs multiples (quête sempiternelle de la Vérité intellectuelle) 

- L’éducateur, du côté du sage, s’exprime plutôt poétiquement 

- L’éducateur, du côté du philosophe, développe une logique qui fait sens 

- L’éducateur comme agent double entre le sage et le philosophe est homme du paradoxe, de l’humour et de l’inachèvement 
 :
o Il donne à voir en lui, par sa présence, l’articulation vivante du sage et du philosophe 

o Il questionne le formé sur cette articulation dans ses réalisations, ses pratiques et ses discours

VII ­ Une profil plus complexe encore de l’éducateur
Les quatre pôles de l’éducateur 
  

Réfléchissons maintenant à ce qui fait la spécificité d’un éducateur. Quelles sont ses grandes dimensions qualitatives ? Elles se répartissent en quatre pôles. 

- Le pôle du savant 

- Le pôle de l’aventurier 

- Le pôle du poète 

- Le pôle du sage

2 commentaires:

  1. Bel article en effet, je rajouterai juste un grain de sel à propos des naissances successives: il y en a une supplémentaire ou qui complète la première naissance, c'est la prise de conscience que nous venons de plus loin que nos parents, comme le disait Gibran, "Vos enfants ne sont pas vos enfants.Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même, Ils viennent à travers vous mais non de vous..."

    RépondreSupprimer