«Dès que je peux, je
quitte l'école» par Véronique Soulé et Marion Garreau
Libération, 12.01.12
«On m’a dit que je n’avais pas le
niveau»
Leila. 19 ans, en première
au microlycée de La Courneuve (Seine-Saint-Denis).
«A la fin de ma seconde, on m’a
orientée en bac pro secrétariat. J’avais pourtant redoublé ma seconde pour
passer en ES [économique et sociale, ndlr] ou en STG [sciences et technologie
de la gestion]. Mais on m’a dit que je n’avais pas le niveau. Au moins,
j’aurais voulu faire ventes, car le commerce, ça m’a toujours plu. Mais on m’a
dit : "Il n’y a pas de place, c’est ça ou rien." J’ai beaucoup séché.
Et j’ai tout arrêté en mai 2011. L’année d’avant, j’avais perdu mon père.
Mais le système est mal fait. L’élève est stigmatisé avec ses notes et son
comportement en classe. Et il est mis dans un bloc. Or il a une vie dehors.
Mais on oublie que c’est aussi une personne. Et on ne l’aide pas. Après, quand
il est déscolarisé, on lui donne des adresses et on le laisse. J’ai cherché
toute seule. On voulait me proposer de l’alternance. Mais moi, je voulais
rejoindre la voie générale. Heureusement j’ai trouvé le microlycée. Je veux
être avocate mais avocate d’affaires à cause de mon goût pour le commerce.»
«J'ai envie de dormir, ça me
fatigue»
Théo . 12 ans et demi, en
cinquième au collège Jean-Moulin à Rodez (Aveyron).
«Je n'aime pas l'école. Depuis
toujours. Je n'aime pas apprendre. Ce que disent les professeurs, ce n'est pas intéressant.
A part savoir lire et écrire, ce n'est pas important. J'aimerais apprendre des
choses plus dynamiques. En plus, j'ai des difficultés dans certaines matières.
La seule que j'aime, c'est le sport, là où je suis le plus fort. La SVT et la
physique-chimie, ça va aussi. C'est plus facile que le français, les maths ou
l'anglais. Comme je n'aime pas, je m'ennuie. Je rêve en classe. Je me sens
plutôt ailleurs. J'ai envie de dormir. Ça me fatigue. Je n'écoute pas. Souvent,
je dessine. Les professeurs me disent d'être plus attentif. Quand je me tiens
la tête avec le bras, ils me demandent d'arrêter. Ils sont pénibles quand ils
donnent du travail. Le soir, j'aimerais bien m'amuser mais je ne peux pas à
cause des devoirs. L'école, je n'y vais que parce que je suis obligé et pour
retrouver les copains. Plus tard, je voudrais être menuisier. Dès que je peux,
je fais un stage. Et je quitte l'école.»
«Chaque année, je passais limite»
Arthur. 17 ans, en première
au microlycée de La Courneuve.
«J'ai des capacités mais j'ai
jamais travaillé. J'ai même été perturbateur. Mes parents ont divorcé,
peut-être que je voulais attirer leur attention comme ça. Chaque année, je
passais limite. Jusqu'en troisième où j'ai redoublé. A l'été 2010, avant
la seconde, mon meilleur ami est parti à New York. J'ai perdu la seule
personne à qui j'arrivais à me confier. En plus, je me suis blessé au rugby.
J'ai dû rester trois mois à la maison. J'ai fait une déprime. La seconde,
je n'y suis pas allé souvent. Sans mot d'excuse, les profs m'excluaient.
J'avais des mauvaises notes. Et c'est dur d'en parler à ses parents, on a peur
de les décevoir. Les profs, eux, disent qu'ils ne sont pas des assistantes
sociales. En avril-mai, j'ai lâché. Je voulais faire une école de sport mais ça
n'a pas marché. A la rentrée, j'ai trouvé le microlycée [pour les décrocheurs,
ndlr] et ça m'a tout de suite plu. Là, tout le monde a son histoire. J'ai
l'impression de passer de l'ombre à la lumière.»
«C'était pénible de ne pas y
arriver»
Bastien. 15 ans, en troisième au
collège République à Nanterre (Hauts-de-Seine)
«Aujourd’hui, ça va mieux. J’ai
eu 11,5 de moyenne au premier trimestre. Mais, pendant tout le primaire, je
n’avais que des mauvaises notes. Du coup, j’aimais pas trop l’école. Ça a
commencé au CP. Je n’arrivais pas à apprendre. Le soir à la maison, ma mère me
faisait travailler. Mais je ne comprenais rien. C’était pénible de ne pas y
arriver. On oublie un peu. Je crois que c’est parce que je ne travaillais pas
assez. On était beaucoup en classe. Il y avait trop d’élèves et les professeurs
ne pouvaient pas m’aider. J’ai redoublé mon CP, puis ma sixième. Depuis que je
suis au collège, chaque mardi, j’ai un étudiant de Zup de Co [une association
de soutien scolaire pour des familles défavorisées, ndlr] qui me fait
travailler sur ce que je n’ai pas compris. Le mercredi, je viens à l’Afev pour
travailler sur l’orientation. Avant, je voulais être photographe dans la
marine. Aujourd’hui, je ne sais plus. Mais, même si je ne sais pas encore la
spécialité, je voudrais aller en "pro" après le collège.»
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire