Les pédagogies alternatives
(Montessori, Freinet, Steiner, etc.) attirent de plus en plus de parents.Mais à
quoi correspondent-elles réellement ? Qu'apportent-elles à l'enfant qui se
construit ? Autant de questions que Buzzlim.fr a posé à Sylvia Dorance, qui a
elle-même fait sa scolarité dans ce type d'établissement. Fondatrice de l'école
vivante, une maison d'édition spécialisée dans les outils pédagogiques de la méthode
Montessori, elle revient pour nous sur son parcours et sur l'engouement pour
ces pédagogies. Entretien.
Buzzlim.fr : Pourriez-vous
d'abord présenter L'école vivante ?
Sylvia Dorance : L’Ecole Vivante
est une maison d’édition en ligne entièrement dédiée à la pédagogie active,
essentiellement Freinet et Montessori. Nos publications s’adressent à tous ceux
qui font de l’enseignement, du soutien ou de l’accompagnement scolaire :
les enseignants professionnels mais aussi les parents. Notre but est de rendre
accessible au plus grand nombre, et de façon approfondie, les méthodes qui
permettent à l’enfant non seulement d’apprendre et de développer
harmonieusement sa personnalité mais aussi d’être heureux dans ses
apprentissages. Nous militons pour une école qui favorise l'émulation – et non
la compétition –, la coopération et le dialogue – au lieu de l'individualisme
–, l'autonomie et l'autodiscipline – pas la soumission. Une école qui apprend à
vivre et à apprendre en même temps qu'elle enseigne des contenus.
Vous avez vous-même été
scolarisée dans une école appliquant une pédagogie alternative. L'expérience
a-t-elle été concluante ?
S. D. : J’ai eu la chance de
passer toute ma scolarité primaire dans une école publique Freinet, avec des
enseignants qui adoraient leur métier et le faisaient de façon remarquable. J’y
ai appris, dans un climat serein de dialogue et d’ouverture, ce que tous les
enfants apprennent à l’école… et bien plus que cela. Je sais que je dois à cet
enseignement le désir et la faculté de chercher, de partager, d’échanger,
d’inventer, d’aller de l’avant. Tout et tous m’intéressent, et cela vient de
cette école.
Quels arguments avanceriez-vous à
des parents qui hésiteraient entre école traditionnelle et école alternative ?
S. D. : Pour résumer l’essentiel,
on peut dire que l’école traditionnelle ne se focalise pas sur l’enfant mais
sur les connaissances : elle les inculque tant bien que mal, les contrôle, les
note, et classe les enfants en fonction de la quantité de connaissances
acquises. Cet enseignement ne convient parfaitement qu’à très peu d’enfants. Il
en laisse beaucoup d’autres de côté. Au passage, ceux-ci ont perdu une grande
part de leur enthousiasme naturel et de leur confiance en leurs capacités.
L’école active, au contraire, met
l’enfant au cœur de l’enseignement : elle favorise le développement de sa
personnalité, de sa confiance en lui, de ses comportements harmonieux en
société. Dans un tel contexte, l’acquisition des connaissances et des
compétences se fait tout naturellement, parce que l’enfant sait pourquoi il
fait des efforts et parce qu’il devient passionné et curieux de nature.
Il faut préciser cependant que le
type de pédagogie ne fait pas tout. Le rôle de l’enseignant et du cadre est
très important. Il faut, pour une éducation équilibrée, une école à taille
humaine et des enseignants bien formés sur le plan pédagogique.
Qu'est-ce qui fait la force de la
pédagogie Montessori ? Freinet ?
S. D. : Ce qui fait que ces méthodes
convainquent de plus en plus de gens, ce sont les outils qu’elles donnent aux
enseignants pour les aider dans leur démarche et aux enfants pour favoriser
leur progression. Pour Montessori, il s’agit du matériel didactique, qui permet
la découverte et l’assimilation sensorielle, par le toucher, la vue, de toutes
sortes de notions abstraites. Pour Freinet, ce sont des pratiques telles que le
texte libre, le tâtonnement expérimental, l’imprimerie, la correspondance, qui
portent les apprentissages et favorisent la créativité.
Observez-vous un engouement pour
ces pédagogies ? Si oui, pourquoi ? Qu'est-ce qui ne plaît pas dans l'école
traditionnelle ?
S. D. : L’engouement est très net
et cela est dû à plusieurs facteurs. D’une part le public est de plus en plus
informé sur la pédagogie active et se rend compte à quel point elle est
performante et bénéfique pour les enfants. D’autre part l’école traditionnelle
et, malheureusement, l’école publique en France, se dégradent : effectifs
pléthoriques, programmes inadaptés, diminution du nombre des enseignants,
insuffisance de leur formation, manque de fonds, absence de soutien de la part
de la hiérarchie et du ministère de l’Education, absence de vision à long
terme. Certains enseignants tentent de maintenir une école de qualité, parfois
avec beaucoup d’énergie et de courage, mais c’est vraiment difficile dans un
tel contexte. De ce fait, la proportion d’élèves en échec scolaire ou
simplement malheureux à l’école ne fait que croître.
Pour le moment, la majorité des
parents qui se tournent vers la pédagogie active ne le font que lorsque leurs
enfants ont des difficultés dans le système traditionnel. Mais des parents
toujours plus nombreux font aussi le choix de Montessori ou Freinet de plein
gré et dès le début de la scolarité de l’enfant. Il reste à démocratiser cet
enseignement.
Comment sont perçues ces
pédagogies au sein de l'Education nationale ?
S. D. : De plus en plus de jeunes
enseignants s’intéressent à la pédagogie active. Mais il faut bien dire que
l’Education nationale ne leur facilite pas la tâche. Elle ne l’a d’ailleurs
jamais fait. Ni les programmes officiels, ni le système de contrôles, d’examens
et de notation ne les encouragent. Il existe des expériences officielles
ponctuelles depuis des décennies. Elles font toutes la preuve éclatante des
bienfaits de la pédagogie active, aussi bien en ce qui concerne l’acquisition
des compétences et des connaissances, que dans la lutte contre la violence à
l’école ou l’absentéisme. Mais elles ne sont jamais généralisées.
Interview réalisée par Assmaâ Rakho-Mom le 7 mai 2012.