samedi 25 août 2012

Sylvia Dorance: L’école active met l’enfant au cœur de l’enseignement



Les pédagogies alternatives (Montessori, Freinet, Steiner, etc.) attirent de plus en plus de parents.Mais à quoi correspondent-elles réellement ? Qu'apportent-elles à l'enfant qui se construit ? Autant de questions que Buzzlim.fr a posé à Sylvia Dorance, qui a elle-même fait sa scolarité dans ce type d'établissement. Fondatrice de l'école vivante, une maison d'édition spécialisée dans les outils pédagogiques de la méthode Montessori, elle revient pour nous sur son parcours et sur l'engouement pour ces pédagogies. Entretien.

Buzzlim.fr : Pourriez-vous d'abord présenter L'école vivante ?
Sylvia Dorance : L’Ecole Vivante est une maison d’édition en ligne entièrement dédiée à la pédagogie active, essentiellement Freinet et Montessori. Nos publications s’adressent à tous ceux qui font de l’enseignement, du soutien ou de l’accompagnement scolaire : les enseignants professionnels mais aussi les parents. Notre but est de rendre accessible au plus grand nombre, et de façon approfondie, les méthodes qui permettent à l’enfant non seulement d’apprendre et de développer harmonieusement sa personnalité mais aussi d’être heureux dans ses apprentissages. Nous militons pour une école qui favorise l'émulation – et non la compétition –, la coopération et le dialogue – au lieu de l'individualisme –, l'autonomie et l'autodiscipline – pas la soumission. Une école qui apprend à vivre et à apprendre en même temps qu'elle enseigne des contenus.

Vous avez vous-même été scolarisée dans une école appliquant une pédagogie alternative. L'expérience a-t-elle été concluante ?
S. D. : J’ai eu la chance de passer toute ma scolarité primaire dans une école publique Freinet, avec des enseignants qui adoraient leur métier et le faisaient de façon remarquable. J’y ai appris, dans un climat serein de dialogue et d’ouverture, ce que tous les enfants apprennent à l’école… et bien plus que cela. Je sais que je dois à cet enseignement le désir et la faculté de chercher, de partager, d’échanger, d’inventer, d’aller de l’avant. Tout et tous m’intéressent, et cela vient de cette école.

Quels arguments avanceriez-vous à des parents qui hésiteraient entre école traditionnelle et école alternative ?
S. D. : Pour résumer l’essentiel, on peut dire que l’école traditionnelle ne se focalise pas sur l’enfant mais sur les connaissances : elle les inculque tant bien que mal, les contrôle, les note, et classe les enfants en fonction de la quantité de connaissances acquises. Cet enseignement ne convient parfaitement qu’à très peu d’enfants. Il en laisse beaucoup d’autres de côté. Au passage, ceux-ci ont perdu une grande part de leur enthousiasme naturel et de leur confiance en leurs capacités.
L’école active, au contraire, met l’enfant au cœur de l’enseignement : elle favorise le développement de sa personnalité, de sa confiance en lui, de ses comportements harmonieux en société. Dans un tel contexte, l’acquisition des connaissances et des compétences se fait tout naturellement, parce que l’enfant sait pourquoi il fait des efforts et parce qu’il devient passionné et curieux de nature.
Il faut préciser cependant que le type de pédagogie ne fait pas tout. Le rôle de l’enseignant et du cadre est très important. Il faut, pour une éducation équilibrée, une école à taille humaine et des enseignants bien formés sur le plan pédagogique.
  
Qu'est-ce qui fait la force de la pédagogie Montessori ? Freinet ?
S. D. : Ce qui fait que ces méthodes convainquent de plus en plus de gens, ce sont les outils qu’elles donnent aux enseignants pour les aider dans leur démarche et aux enfants pour favoriser leur progression. Pour Montessori, il s’agit du matériel didactique, qui permet la découverte et l’assimilation sensorielle, par le toucher, la vue, de toutes sortes de notions abstraites. Pour Freinet, ce sont des pratiques telles que le texte libre, le tâtonnement expérimental, l’imprimerie, la correspondance, qui portent les apprentissages et favorisent la créativité.

Observez-vous un engouement pour ces pédagogies ? Si oui, pourquoi ? Qu'est-ce qui ne plaît pas dans l'école traditionnelle ?
S. D. : L’engouement est très net et cela est dû à plusieurs facteurs. D’une part le public est de plus en plus informé sur la pédagogie active et se rend compte à quel point elle est performante et bénéfique pour les enfants. D’autre part l’école traditionnelle et, malheureusement, l’école publique en France, se dégradent : effectifs pléthoriques, programmes inadaptés, diminution du nombre des enseignants, insuffisance de leur formation, manque de fonds, absence de soutien de la part de la hiérarchie et du ministère de l’Education, absence de vision à long terme. Certains enseignants tentent de maintenir une école de qualité, parfois avec beaucoup d’énergie et de courage, mais c’est vraiment difficile dans un tel contexte. De ce fait, la proportion d’élèves en échec scolaire ou simplement malheureux à l’école ne fait que croître.
Pour le moment, la majorité des parents qui se tournent vers la pédagogie active ne le font que lorsque leurs enfants ont des difficultés dans le système traditionnel. Mais des parents toujours plus nombreux font aussi le choix de Montessori ou Freinet de plein gré et dès le début de la scolarité de l’enfant. Il reste à démocratiser cet enseignement.

Comment sont perçues ces pédagogies au sein de l'Education nationale ?
S. D. : De plus en plus de jeunes enseignants s’intéressent à la pédagogie active. Mais il faut bien dire que l’Education nationale ne leur facilite pas la tâche. Elle ne l’a d’ailleurs jamais fait. Ni les programmes officiels, ni le système de contrôles, d’examens et de notation ne les encouragent. Il existe des expériences officielles ponctuelles depuis des décennies. Elles font toutes la preuve éclatante des bienfaits de la pédagogie active, aussi bien en ce qui concerne l’acquisition des compétences et des connaissances, que dans la lutte contre la violence à l’école ou l’absentéisme. Mais elles ne sont jamais généralisées.

Pour en savoir plus : L'école vivante

Interview réalisée par Assmaâ Rakho-Mom le 7 mai 2012.

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