L'eurythmie est un nouvel art du
mouvement créé au début du XXème siècle. Pratiquement inconnu dans les pays
francophones, il est pratiqué de plus en plus largement en Allemagne, Hollande,
Suède, Norvège et dans toutes les régions du monde ou la pédagogie Waldorf et
le mouvement anthroposophique ont pris une place vivante et significative dans
la culture.
Cette discipline à pris plusieurs
formes : l'eurythmie pédagogique, l'eurythmie de scène et l'eurythmie
thérapeutique. Dans ces trois domaines, elle à déjà donné des preuves du rôle
important qu'elle peut jouer dans le cadre des activités bienfaisantes et
réparatrices face aux excès d'une civilisation actuelle où l'humain s'éloigne
de plus en plus de l'humain.
Extrait de "L'enfant
en mouvement" de Sylvia Bardt (2011, Ed. Triades)
Rudolf Steiner ne rattachait
l'eurythmie à aucune forme de danse existante. On pourrait situer l'une de ses
sources dans la danse sacrée des temples grecs, bien que l'on n'en sache que
fort peu de chose aujourd'hui ; l'autre source étant la parole et le chant.
Rudolf Steiner décrit le lien entre la parole et l'eurythmie de la façon
suivante :
" Pour former un mot, nous
imprimons à l'air un certain mouvement en le comprimant. Quiconque perçoit les
aspects sensibles et suprasensibles des sons que produit la bouche voit
également les formes qui se dessinent à ce moment-là dans l'air ; ce sont aussi
les mots ! En reproduisant ces formes, on obtient l'eurythmie, réplique
expressive et visible du geste invisible imprimé à l'air par la parole. La
pensée pénètre dans ce geste invisible et y produit des ondes, rendant ainsi
audible le tout. L'eurythmie est la transposition du geste de l'air en un geste
corporel visible et expressif ".
Lorsque nous nous écrions :
" Ah ! comme c'est beau ! ", notre âme s'ouvre, elle s'adonne à une
forte impression ; la bouche s'ouvre, elle aussi, pour prononcer le A. Quoi de
plus naturel alors que d'ouvrir les bras et d'exprimer avec son corps le geste
psychique de l'étonnement qui est contenu en lui ! Si nous disons au contraire
: " Ah, quelle misère ! ", le A s'ouvre, certes, mais le geste
retombe un peu, se referme, de même que dans le larynx il perd de son
rayonnement. Dans " Ah ! bon ! " ou " attention " (les
exemples en allemand sont : aber, Abwehr), la nuance de retenue qui entoure le
son a une autre qualité gestuelle et doit trouver une nouvelle forme
d'expression, par exemple dans la main qui s'ouvre vers l'extérieur en formant
un angle, le geste recevant ainsi une sorte de support. À chaque son correspond
ainsi un geste fondamental susceptible de varier pour épouser les nuances de
chaque énoncé. Avec le temps, Rudolf Steiner élabora ainsi le geste correspondant
à chaque phonème du langage.
L'eurythmie ne met pas seulement
les bras à contribution. Les jambes et les pieds doivent également exécuter des
mouvements très différenciés. On " marche " les rythmes, et les
positions des pieds les plus variées sont aussi des moyens d'expression, mais
avant tout on " marche " dans l'espace des formes qui peuvent être
linéaires ou circulaires, individuelles ou collectives, géométriques ou libres
et poétiques. Contrairement à ce qui se pratique dans d'autres formes de danse,
l'eurythmiste doit presque toujours exécuter les formes face au public. Il en
résulte une appréhension de l'espace nouvelle, très différenciée et nécessitant
une conscience particulièrement éveillée. L'énoncé acquiert des nuances
fondamentalement différentes selon que je " monte " pour ainsi dire
dans l'espace arrière, qualitativement spirituel, ou que je " descends
" dans l'espace avant, vers le spectateur. Dans l'eurythmie de scène,
éclairages et étoffes colorés ajoutent de toutes nouvelles possibilités
d'expression en venant souligner et renforcer tant l'atmosphère que le contenu
des gestes et des formes exécutées dans l'espace.
Dans les premiers temps, la
musique était cantonnée dans le rôle très secondaire de prélude ou de postlude.
Rudolf Steiner lui accorda ensuite une place croissante et jeta les bases de
l'eurythmie musicale en donnant une correspondance gestuelle à toutes les lois
de la mesure, du rythme, de la mélodie, de l'harmonie, de chaque ton et des
intervalles Ainsi, nous avions désormais affaire dans l'eurythmie à un art du
mouvement qui réunissait dans un bel ensemble rythmé (ea-rythmos signifiant
" beau rythme ") la musique, le langage, la couleur et une plastique
cinétique. Elle est un art à part entière, mais se met aussi au service de la
pédagogie et de la médecine - l'art de guérir -, se fondant avec elles dans une
dimension nouvelle pour réaliser, au sens large du terme, une oeuvre globale.
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