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Les habitudes sont utiles et
apportent une stabilité à notre quotidien ; elles signifient que nos
apprentissages sont devenus des compétences inconscientes, des réflexes, dont
nous pouvons faire usage sans mobiliser toute notre attention. Elles apportent
aussi un rythme, qui donne sens au temps ; ce sont alors des instruments
dont nous nous servons à bon escient.
Mais il arrive aussi qu’elles
nous enferment : tant elles sont confortables, elles nous empêchent parfois
de nous adapter au changement. Dès la naissance, nous vivons souvent à travers
une multitude d’habitudes que nous ne choisissons pas : « il
faut » nous habituer, sous peine de ne pas être autonomes. On s’habitue
ainsi à une certaine violence banalisée, qui se répète de génération en
génération.
Ensuite, nous allons à la même
école, suivre tous le même programme et les mêmes cours, manger les mêmes
repas, aux mêmes horaires, aux mêmes endroits, avec les mêmes personnes, du
même âge, et globalement du même milieu socioculturel ; et ainsi de suite
chaque année…
Et concernant les
apprentissages : nous n’apprenons pas à inventer, mais à résoudre les
mêmes problèmes déjà résolus par les générations précédentes. Nous apprenons à
nous contenter des habitudes, à régler notre vie, à prévoir et contrôler tout
ce qui peut l’être.
Sur un autre plan, les pensées
dont nous prenons l’habitude – qui sont souvent le fait de notre environnement
- deviennent des croyances, des préjugés, auxquels nous nous accrochons comme
s’il s’agissait de vérités.
« Eveillés, ils
dorment. »
Héraclite
Tout cela nous empêche aussi
d’accéder à une vie consciente ; nous sommes alors comme endormis,
anesthésiés, hébétés, comme l’a montré Bergson. Nous vivons une routine
préméditée. Nous devenons alors esclaves de nos habitudes – une servitude
volontaire - qui sont autant d’obstacles.
N’en oublie t’on pas de s’écouter
et de se connaître vraiment ?
N’en oublie t’on pas de vivre, et
surtout de vivre avec spontanéité ?
N’en oublie t’on pas de s’étonner
et d’inventer ?
Il nous faut alors faire un
effort parfois très douloureux pour aller à contre-courant de nos habitudes de
faire, de penser, afin de (re)devenir acteurs et créateurs, (re)découvrir notre
liberté. Il s’agit de s’émanciper d’une culture de l’habitude. Prendre des
risques, oser, douter, remettre en question, interroger, faire preuve d’audace,
expérimenter, tenter. Garder la conscience éveillée. Se reprendre, se
ressaisir, au prix d’une tension presque permanente – car tout autour de nous
concourt à la facilité, à l’assoupissement, à l’abrutissement. « Reprends possession de toi-même »,
enjoint Sénèque à Lucilius.
« La seule
habitude qu'on doit laisser prendre à l'enfant est de n'en contracter
aucune. »
Rousseau, Emile ou de l’éducation
Nous vivons une époque où nous ne
pouvons plus nous contenter de ces habitudes, du « prêt-à-penser »,
mais où nous devons oser changer. Les enjeux sont inédits, et les solutions
devront l’être. Cela doit prendre racine dans l’éducation même.
Nous devrions sans cesse nous
adapter et anticiper les changements : parce que nous sommes des êtres de
changements, dont l’existence est aussi changement, dans un monde mouvant. La
science a démontré que la matière, qui semble inerte, est pourtant animée de
mouvements, tels que vibration, ondulations, oscillations. Tout est dynamique,
à tous les niveaux, tout est en perpétuelle création et enrichissement.
Aussi, l’éducation ne devrait pas
être sclérosante, elle devrait accompagner ce mouvement, ce changement, et
permettre à chacun de créer les outils dont il a besoin pour se renouveler et
actualiser ses connaissances. Elle devrait permettre à chacun de vivre selon
ses rythmes. Elle devrait accompagner les prises de conscience, aider l’esprit
à rester ouvert et alerte. Notre élan vital, notre force créatrice, ne
doivent pas être étouffés, mais encouragés et nourris.
« Rien n'est
permanent, sauf le changement.»
Héraclite
Héraclite
Merci Aurore ! C'est un très joli billet ! Je relaie sur ma page facebook ! Voilà une réflexion qui va aider de nombreux parents! Très bon week end !
RépondreSupprimerMerci beaucoup Merepoule, j'apprécie :)
SupprimerUne très bonne semaine chez vous!
Ah! Oser le changement!? Moi maman de 3 adolescentes qui quittent le nid tranquillement mais certainement...J'en rêve. Mais comment se débarrasser de la peur qui s'insinue dès que l'on parle, ou même dès que l'on pense à changer nos habitudes? J'en rêve, j'ai déjà bousculé des ordres établis, mais allez savoir pourquoi, aujourd'hui la peur est plus forte qu'auparavant? Pour sortir des habitudes, il faut déjà en prendre conscience de ces habitudes et puis "oser" sortir des sentiers battus... Votre billet me fait vraiment réfléchir! De manière générale, je suis très sensible à vos réflexions dans lesquelles je retrouve beaucoup des miennes! Encore Bravo, tout le monde n'est pas en mesure de mettre en mot de façon si claire et "douce" des pensées qui nous traversent.
RépondreSupprimerBonjour chère anonyme,
Supprimermerci de votre appréciation, cela me touche beaucoup.
C'est (parfois) un long chemin que de quitter son manteau de peur... Lorsque l'on se rapproche de la lumière, les ombres sont plus fortes ;)
Le plus difficile est de faire le premier pas. Une chose à la fois, à son rythme juste...
Bon cheminement, et heureux premier pas!