mardi 2 décembre 2014

Vers une culture de la bienveillance et de l'empathie

Source

Une culture de la responsabilité et de la bienveillance

Depuis l’enfance nous apprenons, lorsqu’un problème survient, non pas à nous orienter vers sa résolution, mais à chercher un coupable que nous voulons absolument punir, exclure, afin qu’il « paie » pour sa « faute », sans chercher à comprendre. On punit les enfants pour des comportements jugés inappropriés. Mais l’enfant puni a t’il seulement compris la raison pour laquelle il l’était ? Cela l’empêchera t’il recommencer ?
Nous jugeons incessamment le comportement de l’autre, de nos enfants, parce qu’il ne correspond pas à notre vision, croyance ou opinion – et nous cherchons souvent à orienter les choix des autres selon notre jugement – quand il s’agit pas de les empêcher. A la rigueur, nous tolérons. Mais rares sont ceux qui acceptent et accueillent avec bienveillance et empathie.
Ainsi, notre quotidien, dans de nombreux domaines alimente cette culture du coupable, de la punition : c’est la faute de ceci, d’untel, ou la mienne. Et l’on ne manque pas d’imagination quant aux punitions : dans les actes ou dans les consciences, les processus de paiement font des ravages.

Dans son œuvre, Nietzsche n’a eu de cesse de mettre en garde contre la culpabilité. Le sentiment de culpabilité, la mauvaise conscience (véhiculées par le biais de la morale et de l’éducation) servent à asservir l’homme : impuissant, il ne peut plus que suivre ce pour quoi il est conditionné, incapable de confiance, incapable de souci de soi. Le philosophe assimile cela a une relation bourreau et victime, ou « créancier et débiteur », basé sur « le sentiment de la faute, de l’obligation personnelle » : ainsi, les relations humaines (et donc la morale, le droit) sont basées sur l’achat ou plutôt le rachat de la faute ou de la dette (et donc du devoir qui s’en suit) – une économie de la faute - et le sentiment de culpabilité.

Attention, il ne s’agit pas de ne pas assumer les conséquences de ses actes quand a lieu un méfait, ni de les cautionner. Au contraire, nous parlons d’une responsabilité et d’un enjeu bien plus importants : il s’agit de s’émanciper d’une culture de la culpabilité et de la violence, de comprendre, de se responsabiliser et de privilégier une culture de la paix et de la bienveillance. Il s’agit de créer ou de trouver un nouveau mode d’entrée en relation : non plus sur le « devoir » ou le pouvoir, mais sur l’égalité, le partage, la co-création. L’autre – partenaire, enfant, relation - ne me doit rien, il n’a pas la responsabilité de mon être ni de ma vie. Moi seul en suis responsable.

C’est en travaillant à s’émanciper de cette vision et à s’accepter tels que nous sommes que nous pourrons nous faire confiance, redécouvrir notre génie (idée présente également chez Rousseau) et aller vers la métamorphose, en nous aidant de structures de confiance. Il s’agira avant tout de travailler sur soi, de suivre sa nature, de s’écouter. Chez Ricœur aussi, la capabilité, sentiment de confiance en soi et en son pouvoir personnel (de dire, de faire), devient le ferment de la responsabilité. La confiance en soi est donc un facteur essentiel de l’émancipation.

Concrètement, nous pouvons favoriser d’autres manières, bien plus intelligentes et bienveillantes, de prévenir et de régler les conflits. Et ainsi, de favoriser une culture plus consciente et plus éthique.  



Des alternatives pour sortir de ce cercle vicieux
  
- Dans les pratiques éducatives 

Dans l’éducation, nous pouvons observer les germes de cette idéologie. Nous pourrions déjà nous en prémunir en mettant en place quelques éléments clés qui favoriseraient une culture de paix et de responsabilité :

- Abandonner les pratiques qui relèvent de la violence éducative ordinaire et de la peur,   en famille et dans les institutions éducatives (crèche, écoles, etc.) telles que : chantage, punitions, menaces, humiliations, culpabilisations, exiger des excuses, entre autres[1]. Tout cela mène l’enfant, dominé, à modifier ses comportements et ses dires pour répondre à la demande de l’adulte : il apprend à se soumettre, à tromper, à mentir.

- Réhabiliter le droit à l’erreur[2] : l’erreur est un processus naturel, elle signifie qu’un apprentissage est en marche ; elle n’est en rien une « faute ». En ne donnant pas le droit à l’erreur à un enfant, sanctionnant en plus d’une note, nous favorisons un sentiment d’échec, de honte et de culpabilité. L’enfant perd confiance en ses capacités. Il perd l’envie d’apprendre. Tout le monde est perdant, de l’enfant à la société.

- Favoriser la réparation au lieu de la punition : dans les cas de conflit mais aussi lorsqu’un enfant commet un impair. Voir ci-dessous les cercles réparateurs. Voir aussi les 20 alternatives à la punition de Aletha Solter[3], celles de Faber et Mazlish[4] ou de Jan Hunt[5].

- Favoriser la CNV, l’empathie – tant du point de vue des éducateurs que de montrer et de pratiquer ces outils avec les enfants.

- Au niveau familial ou collectif 

Nous pouvons mettre en place des cercles réparateurs ou restaurateurs. Il s’agit ici d’une inspiration de la justice réparatrice, qui a pour objectif la réintégration de la personne qui a commis un méfait et la réparation vis-à-vis de la personne qui a subi le méfait (matériellement ou symboliquement).
Il s’agit d’un encadrement global de chacun des acteurs, avec empathie, à l’aide de la CNV et de l’approche centrée sur la personne[6], d’un cheminement collectif, où chacun est co-responsable, afin de comprendre cette expérience et de lui donner sens, de trouver ensemble des solutions créatives, dans la perspective du pardon, de la guérison et de la réconciliation. Une telle expérience peut être transformatrice et chacun en ressort grandi. Cette idée n’est pas neuve, on en attribue la parenté aux populations Indiennes d'Amérique du Nord.


Conclusion

Il est temps de changer de paradigme, plus que temps d’adopter et de créer de nouveaux modes relationnels, qui font sens, qui laissent chacun grandir à son rythme, dans sa joie, libre d’apporter une valeur ajoutée au vivre ensemble et à la société. Il est temps de vivre de manière plus éthique, privilégiant des valeurs de coopération, d’épanouissement personnel et collectif : faisons un pas de plus, chaque jour, vers une civilisation de la reliance et de l’empathie. Car c’est bien de notre survie dont il s’agit.






[1] Voir les travaux d’Olivier Morel, fondateur de l’OVEO (Observatoire de la Violence Educative Ordinaire)
[2] Voir l’article « L’erreur n’est pas une faute » : http://www.education-joyeuse.com/2012/10/lerreur-nest-pas-une-faute.html
[5] Auteur de (« La véritable nature de l'enfant: choisir l'amour pour guide » ou « Natural Child Project ») : https://chloeek.wordpress.com/2012/11/12/22-alternatives-a-la-punition-the-natural-child-project/
[6] Voir l’article « Education et empathie » : http://www.education-joyeuse.com/2014/11/education-et-empathie.html

3 commentaires:

  1. Tellement en accord avec ce que tu exprimes, Aurore ! Je crois que je vais afficher ton article pour le lire et le relire régulièrement, et en faire profiter ceux qui entrerons dans notre maison. :-)

    RépondreSupprimer
  2. Tout à fait d'accord avec tout ça. Je connais cette théorie et l'approuve complètement. Je suis sur cette voie moi aussi, mais parfois, la fatigue aidant, des réflexes liés à l'éducation que j'ai reçue balaient tout ça, et m'empêchent d'être patiente, à l'écoute et d'innover de façon créative pour ne pas nuire à l'éducation de mes enfants. Je le vis très mal ...

    RépondreSupprimer