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La simplicité est une démarche
philosophique, écologique, humaniste, voire spirituelle et poétique, qui prône
un retour à l’essentiel. Elle est déjà présente chez des penseurs tels que
Tolstoï, Ruskin ou encore Bergson. Il s’agit d’une véritable éthique, qui
répond à la question du « comment doit-on vivre ? », recherchant les « vraies »
richesses de la vie, telles que l’épanouissement personnel, la relation à la
nature, etc. « Mieux que l’amour,
l’argent, la gloire, donnez-moi la vérité. » demandait Thoreau.
Il nous est nécessaire de nous désencombrer,
de privilégier l’être à l’avoir et le faire, les apparences, la superficialité,
le gaspillage, qui nous emprisonnent et nous aliènent. Nous privilégions alors
la valeur à la médiocrité, la beauté à la vulgarité, le bon sens naturel à
l’absurdité et à la bêtise – car la simplicité n’est pas simplisme mais
intelligence du vivant. Il s’agit d’un questionnement émancipateur, qui permet
de distinguer les besoins réels des désirs d’accumulation, de remettre en
question les préjugés de l’apparence, les mirages de la publicité et les tentations
de la superficialité. Apprécions et remercions pour ce que nous avons, mais
n’en soyons pas les prisonniers.
Il est essentiel de revoir notre
rapport à la nature et aux objets, pour être dans une relation juste et
bienveillante. Pour Thoreau, la nature est la source de morale, de sagesse
spirituelle, et l’homme a tout à y gagner : en préservant la nature, il est
aussi question aussi de préserver sa propre nature, sage et morale.
En favorisant l’être, je nourris
donc, à moi-même et aux autres, des relations d’authenticité, d’empathie et de
présence réelle. Dès lors, nous sommes alors dans la rencontre et la
reconnaissance mutuelle.
Ce cheminement mène à
l’autonomie, et permet de quitter les pensées de peur pour entrer dans la
confiance. Alors, nous sommes libres, et nous connaissons l’abondance réelle,
qui est richesse véritable, synonyme d’authenticité, de qualité, de beauté. « Développe en toi l’indépendance à tout moment, avec bienveillance,
simplicité et modestie. » conseillait Marc-Aurèle.
Quittant la frénésie systématique
et esclavagisante de notre époque compulsivement surfaite, nous nous recentrons, pour pratiquer l’agir juste
au temps juste ; il s’agit de ne plus réagir sans réflexion, mais d’agir
avec sagesse, justesse, douceur. Et parfois même, de pratiquer l’art de ne rien
faire. La sieste, le repos, le silence et la solitude, la rêverie, sont invités avec joie dans une vie de
simplicité.
On peut également voir une
opportunité pour la créativité : de peu, nous pouvons créer de grandes
choses. Possibilité que nous n’avons plus lorsque nous sommes dans le tout prêt
ou le tout fait – qu’il s’agisse d’objets ou de pensées, de réel ou d’imaginaire.
Choisissons des objets – ou jouets – simples, nobles, naturels, qui nous
correspondent vraiment. Choisissons des nourritures éveillant et embellissant
notre conscience.
La simplicité offre aussi
l’opportunité de l’émerveillement de toute chose : une abeille butinant,
un rire d’enfant, le printemps revenant. L’émerveillement est étonnement et
fraicheur de l’âme. Ainsi disait Barjavel : « Il ne suffit pas d'être en vie, il faut être vivant. C'est à
dire savoir à chaque instant qu'on est au cœur d'un prodige et être en contact,
en harmonie avec lui. Pourtant chacun de nous est au centre de tout, au milieu
de l'univers entier. Chacun de nous possède les portes que le créateur (ou la
nature, comme l'on voudra) lui a données pour y pénétrer. Mais nous oublions de
les ouvrir. Pour ma part, je suis sans arrêt ébloui par le phénomène de la
vie. »[1]
L’art de vivre simplement
signifie aussi et surtout expérience poétique. Ainsi l’écrit Hölderlin : «
l’homme vit sur la terre poétiquement.
» Car la poésie a pour fonction de nous rendre voyants, conscients, et plus
humains aussi. La poésie n’est-elle pas, après tout, le langage qui échappe aux
conditionnements et aux règles, pour revenir, dans un éclair de simplicité, à
la parole essentielle?
Nous terminerons par ce passage
d’Edgar Morin, dans le sixième tome de La
Méthode, qui résume parfaitement l’esprit
de cet article :
« Vivre, c’est vivre poétiquement.
L’état poétique est un état de participation, communion, ferveur, amitié,
amour qui embrase et transfigure la vie. Il fait vivre à grand feu dans la
consumation (Bataille), et non à petit feu dans la consommation.
L’état poétique porte en lui la qualité de la vie, dont la qualité
esthétique qu’il peut ressentir jusqu’à l’émerveillement devant le spectacle de
la nature, un coucher de soleil, le vol d’une libellule, devant un regard, un
visage, devant une œuvre d’art…
Il porte en lui l’expérience du sacré et de l’adoration, non dans le
culte d’un dieu, mais dans l’amour de l’éphémère beauté.
Il porte en lui la participation au mystère du monde. »
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