Mon fils adore les Lego, y jouant plusieurs heures par
jour, seul ou accompagné, avec ou sans les instructions - plus souvent sans
d’ailleurs, s’autorisant ainsi à créer et recréer des engins étranges parmi les
millions de possibilités qu’offrent les petites briques.
Un jour, nous avons regardé le
film « La Grande aventure Lego » (depuis, nous l’avons visionné
plusieurs fois, vous vous en doutez) et j’ai été agréablement surprise par les
multiples messages transmis, et on a beaucoup ri !
- Emmet, un personnage ordinaire
Le nom d’Emmet n’a pas été choisi
au hasard, il fait référence à la tradition juive du Golem
(« embryon », « inachevé »), présente dans l’Ancien
Testament : sur le front de la créature d’argile, se trouve inscrit le mot
« Emeth », vérité.
Emmet est donc un être banal,
inachevé : il n’est pas créatif et suit scrupuleusement les instructions pour
tous les domaines de sa vie : comment se lever, s’habiller, etc. Il est
incapable de réfléchir, de penser. Et pourtant, c’est bien ce personnage qui va
changer le cours des événements. Pas besoin d’être un super-héros ou un maître
constructeur, tout être, même le plus banal, qui se pense sans compétence, peut
être « l’élu ». Parce que finalement, d’une certaine manière, nous le
sommes tous : « Vous êtes la
personne la plus extraordinaire de l’univers, tout comme moi, et tous les
autres… Tu as le pouvoir de changer les choses. » explique Emmet à
lord Business à la fin de l’histoire.
Voilà un message positif à
comprendre : tant pour soi, que pour les enfants que nous accompagnons.
Oui, chacun de nous a le pouvoir de changer les choses, chacun de nous peut
choisit d’être le responsable de sa vie, et de prendre des initiatives en ce
sens. Nous avons tous des talents, des potentiels, de la créativité.
- Les instructions et la colle forte
Dans le film Lego, le monde est
séquencé en divers « univers ». On apprend que longtemps avant cela,
les univers communiquaient entre eux, et chacun pouvait inventer à l’envie ce
qui lui plaisait. Lord Business, volant le Kragel, arme absolue, s’est emparé
du pouvoir pour créer un monde parfait, lisse, à la manière d’un entrepreneur,
où tout est régi par des instructions conçues par les maîtres-constructeurs
emprisonnés. Evidemment, cela nous fait penser à 1984 d’Orwell. Il y règne une telle obsession de l’ordre et des
règles, que toute construction « bizarre » doit être détruite. Les
citoyens se croient libres, tandis qu’ils n’ont jamais été aussi aliénés dans ce
monde virtuel où « tout est super génial » – cela nous rappellera
sans doute Matrix. Nous comprenons
que la psychorigidité du Président Business mène le monde à son
anéantissement : à l’aide du Kragel, il s’apprête à tout pétrifier.
N’est ce pas ce que nous vivons
bien souvent dans notre éducation ? Nos bizarreries ou différences sont
niées, détruites, tandis que nous devons suivre scrupuleusement les règles et
les instructions scolaires. Tout cela en vue d’une uniformisation des
compétences, des savoirs et des personnes. Nous n’avons pas la possibilité de
créer, ni de réfléchir. Le meilleur et le plus intelligent est celui qui
obéit le mieux aux règles. Et pourtant, ces règles ne reposent souvent sur rien
de légitime – ou plutôt sur la domination du plus fort. Elles étouffent l’élan
de vie, pour le domestiquer.
Nous faisons aussi usage de
colle, une arme redoutable, qui pétrifie et fige la créativité,
l’inventivité : elle empêche tout mouvement, elle emprisonne le mouvant. Lorsque
nous envisageons la vie et les apprentissages d’une manière rigide, dans le
contrôle, non seulement nous figeons les capacités d’apprentissage et de
confiance, mais nous figeons une infime partie d’un savoir immense, incroyable,
extraordinaire, réduit alors à de petites séquences ridicules – ou univers Lego
– qui ne communiquent plus entre elles.
En étouffant les forces vives,
nous empêchons aussi le monde de se renouveler, de se recréer, par peur de
l’inconnu, par manque de confiance. Nous nous sclérosons. Allons-nous continuer
à collectionner les Lego et les coller comme le fait ce père dans sa cave, ou
allons-nous enfin nous autoriser à jouer avec ceux-ci, nous amuser, recréer,
réinventer ? N'est ce pas l'occasion aussi de retrouver son âme d'enfant, de co-créer un univers avec un enfant? Nos schémas sont déjà dépassés, morts, anachroniques parce
que nous avons tué les savoirs, au lieu de continuer à apprendre. Nous ne
préparons pas les générations à changer le monde et à s’adapter à des défis que
nous ne relevons pas, que nous nions, nous les préparons à perpétrer les mêmes
erreurs que nous, dans un contexte de plus en plus violent sur les plans
social, économique, environnemental, politique.
N’est-il pas temps de fermer le
tube de colle ?
- Réflexion, créativité, ingéniosité
Les maîtres constructeurs sont en
résistance contre Lord Business et le monde qu’il a créé : hyper créatifs,
ils suivent leur instinct, inventant dans l’instant l’outil ou l’objet dont il
ont besoin. Ils mettent aussi leurs intelligences très différentes en commun,
pour construire des univers incroyables. « Nous avons tous des capacités créatives, brisons les règles, soyons révolutionnaires, vive
la liberté ! » crie Lucie à tous.
Voilà ce qui arrive quand on
lâche le contrôle : ni le chaos, ni la mort, mais l’expression de la vie,
des forces de vie, incroyables, immenses,… Avec la possibilité de se tromper,
de défaire sa création pour la réinventer. Car la vie se base sur ce principe
des Lego : il n’y a pas d’erreur, pas d’échec, on peut toujours
recommencer ! C'est ce processus qui nous apprend et nous fait grandir. Les Lego, tout comme la vie, nous
mènent à réfléchir, à inventer, à faire preuve d’ingéniosité. A avoir confiance
en nos capacités, en nous passant des instructions et des tubes de colle. Et il
n’y a pas d’âge pour jouer aux Lego.
Magnifique...
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