lundi 1 décembre 2014

« La Grande aventure Lego », une fable éducative ?



Mon fils adore les Lego, y jouant plusieurs heures par jour, seul ou accompagné, avec ou sans les instructions - plus souvent sans d’ailleurs, s’autorisant ainsi à créer et recréer des engins étranges parmi les millions de possibilités qu’offrent les petites briques.

Un jour, nous avons regardé le film « La Grande aventure Lego » (depuis, nous l’avons visionné plusieurs fois, vous vous en doutez) et j’ai été agréablement surprise par les multiples messages transmis, et on a beaucoup ri !

- Emmet, un personnage ordinaire

Le nom d’Emmet n’a pas été choisi au hasard, il fait référence à la tradition juive du Golem (« embryon », « inachevé »), présente dans l’Ancien Testament : sur le front de la créature d’argile, se trouve inscrit le mot « Emeth », vérité.
Emmet est donc un être banal, inachevé : il n’est pas créatif et suit scrupuleusement les instructions pour tous les domaines de sa vie : comment se lever, s’habiller, etc. Il est incapable de réfléchir, de penser. Et pourtant, c’est bien ce personnage qui va changer le cours des événements. Pas besoin d’être un super-héros ou un maître constructeur, tout être, même le plus banal, qui se pense sans compétence, peut être « l’élu ». Parce que finalement, d’une certaine manière, nous le sommes tous : « Vous êtes la personne la plus extraordinaire de l’univers, tout comme moi, et tous les autres… Tu as le pouvoir de changer les choses. » explique Emmet à lord Business à la fin de l’histoire.

Voilà un message positif à comprendre : tant pour soi, que pour les enfants que nous accompagnons. Oui, chacun de nous a le pouvoir de changer les choses, chacun de nous peut choisit d’être le responsable de sa vie, et de prendre des initiatives en ce sens. Nous avons tous des talents, des potentiels, de la créativité.

- Les instructions et la colle forte

Dans le film Lego, le monde est séquencé en divers « univers ». On apprend que longtemps avant cela, les univers communiquaient entre eux, et chacun pouvait inventer à l’envie ce qui lui plaisait. Lord Business, volant le Kragel, arme absolue, s’est emparé du pouvoir pour créer un monde parfait, lisse, à la manière d’un entrepreneur, où tout est régi par des instructions conçues par les maîtres-constructeurs emprisonnés. Evidemment, cela nous fait penser à 1984 d’Orwell. Il y règne une telle obsession de l’ordre et des règles, que toute construction « bizarre » doit être détruite. Les citoyens se croient libres, tandis qu’ils n’ont jamais été aussi aliénés dans ce monde virtuel où « tout est super génial » – cela nous rappellera sans doute Matrix. Nous comprenons que la psychorigidité du Président Business mène le monde à son anéantissement : à l’aide du Kragel, il s’apprête à tout pétrifier.

N’est ce pas ce que nous vivons bien souvent dans notre éducation ? Nos bizarreries ou différences sont niées, détruites, tandis que nous devons suivre scrupuleusement les règles et les instructions scolaires. Tout cela en vue d’une uniformisation des compétences, des savoirs et des personnes. Nous n’avons pas la possibilité de créer, ni de réfléchir. Le meilleur et le plus intelligent est celui qui obéit le mieux aux règles. Et pourtant, ces règles ne reposent souvent sur rien de légitime – ou plutôt sur la domination du plus fort. Elles étouffent l’élan de vie, pour le domestiquer.

Nous faisons aussi usage de colle, une arme redoutable, qui pétrifie et fige la créativité, l’inventivité : elle empêche tout mouvement, elle emprisonne le mouvant. Lorsque nous envisageons la vie et les apprentissages d’une manière rigide, dans le contrôle, non seulement nous figeons les capacités d’apprentissage et de confiance, mais nous figeons une infime partie d’un savoir immense, incroyable, extraordinaire, réduit alors à de petites séquences ridicules – ou univers Lego – qui ne communiquent plus entre elles.

En étouffant les forces vives, nous empêchons aussi le monde de se renouveler, de se recréer, par peur de l’inconnu, par manque de confiance. Nous nous sclérosons. Allons-nous continuer à collectionner les Lego et les coller comme le fait ce père dans sa cave, ou allons-nous enfin nous autoriser à jouer avec ceux-ci, nous amuser, recréer, réinventer ? N'est ce pas l'occasion aussi de retrouver son  âme d'enfant, de co-créer un univers avec un enfant? Nos schémas sont déjà dépassés, morts, anachroniques parce que nous avons tué les savoirs, au lieu de continuer à apprendre. Nous ne préparons pas les générations à changer le monde et à s’adapter à des défis que nous ne relevons pas, que nous nions, nous les préparons à perpétrer les mêmes erreurs que nous, dans un contexte de plus en plus violent sur les plans social, économique, environnemental, politique.
N’est-il pas temps de fermer le tube de colle ?


- Réflexion, créativité, ingéniosité

Les maîtres constructeurs sont en résistance contre Lord Business et le monde qu’il a créé : hyper créatifs, ils suivent leur instinct, inventant dans l’instant l’outil ou l’objet dont il ont besoin. Ils mettent aussi leurs intelligences très différentes en commun, pour construire des univers incroyables. « Nous avons tous des capacités créatives, brisons les règles, soyons révolutionnaires, vive la liberté ! » crie Lucie à tous.

Voilà ce qui arrive quand on lâche le contrôle : ni le chaos, ni la mort, mais l’expression de la vie, des forces de vie, incroyables, immenses,… Avec la possibilité de se tromper, de défaire sa création pour la réinventer. Car la vie se base sur ce principe des Lego : il n’y a pas d’erreur, pas d’échec, on peut toujours recommencer ! C'est ce processus qui nous apprend et nous fait grandir. Les Lego, tout comme la vie, nous mènent à réfléchir, à inventer, à faire preuve d’ingéniosité. A avoir confiance en nos capacités, en nous passant des instructions et des tubes de colle. Et il n’y a pas d’âge pour jouer aux Lego.

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