lundi 8 décembre 2014

Un accompagnement de l’être vers la sagesse


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Gnthi seautόn, « Connais-toi toi-même », est une inscription présente sur le frontispice du Temple de Delphes. Si l’évidence antique de la philosophie comme manière de vivre n’est plus d’actualité, nous gagnerions pourtant à nous en inspirer.

Pour les philosophes de l’Antiquité, le souci de soi était une nécessité, assortie de la pratique d’exercices spirituels (askésis). Celui qui ne pratique pas, celui dont la manière de vivre n’est pas alignée sur son discours, n’est qu’un sophiste, un imposteur. Le premier à poser la question est sans doute Socrate, à l’aide du questionnement et du dialogue, avec lesquels il amène le disciple à prendre conscience de son ignorance et de la nécessité de se connaître soi-même, à s’accoucher lui-même (maïeutique). Dans L’Alcibiade, Socrate invite ce dernier à se soucier de soi : Alcibiade se rend alors compte qu’il n’a pas souci de lui, qu’il s’ignore lui-même. Comment pourrait-il dès lors être à la hauteur d’une fonction politique ?

A partir du moment où la question est posée, celle-ci ouvre sur un grand mystère. Elle ouvre sur la sagesse, qui fait lien avec l’épanouissement de soi. Il s’agit de quitter une conscience ou plutôt une inconscience de soi, de dépasser son égoïsme et son égocentrisme pour atteindre un rapport à soi plus authentique. De quitter l’état du stultus, d’esclave, dont parle Sénèque[1], pour s’élever vers la figure du sage, du philosophe. Entre ces différents états, une transition, une prise de conscience ou un éventuel «flash existentiel » illumine la pensée et l’être ou, plus simplement, le travail sur soi et la volonté modèlent progressivement le sujet vers ses émancipations et métamorphoses, ouvrant à de nouvelles formes de conscience.

Vivre signifie alors actualiser notre potentiel, notre essence, réaliser notre nature (« Se réaliser, c’est, pour l’essentiel, devenir ce que l’on est depuis toujours » selon le mot de Jankélévitch[2]), faire l’effort d’être soi (et le devoir et l’effort de faire son éducation, selon la formule de Nietzsche) dans un mouvement d’extension.
Pour Thoreau, « (…) il n’en est sur un million qu’un seul de suffisamment éveillé pour l’effort intellectuel efficace, et sur cent millions qu’un seul à une vie poétique ou divine. Être éveillé, c’est être vivant.[3] »




[1] SÉNÈQUE, La tranquillité de l’âme, II, 6-15, in STOÏCIENS (Les), tome II, sous la direction de Pierre-Maxime Schuhl, Gallimard Tel, 1997, p.664-666
[2] JANKELEVITCH Vladimir, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, tome 2 : La Méconnaissance - Le Malentendu, Seuil, 1981, p.157
[3] THOREAU Henry David, Walden, ou la vie dans les bois, Trad. Louis Fabulet, Ed. du groupe des e-books libres, 2011, p.95

2 commentaires:

  1. J'ajouterais : "Comprendre la vie c'est nous comprendre nous-mêmes, et voilà le commencement et la fin de l'éducation." - Krishnamurti ;)

    C'est toujours un plaisir de te lire Aurore! Merci pour ces billets pleins de justesse!

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    1. Merci pour cet ajout Keïko :)
      Exactement: aux confins de l'éducation, la vie...
      Belle journée.

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