dimanche 23 septembre 2012

La maison des enfants, à Buzet (Belgique)



C’est une maison. Dans un village – Près de l’ancienne école communale. A 100 mètres de l’école maternelle. Elle appartient à la commune de Floreffe. C’est une maison avec cave, cuisine, salle à manger, salon, chambres, greniers…comme dans toutes les maisons de BUZET.

par Charles Pepinster, fondateur de la Maison des Enfants.
 
On sent qu’on y habite, dans cette maison (des souvenirs sur la cheminée, une boîte aux lettres pour un vrai facteur…) mais on s’aperçoit vite que ce _sont des enfants qui y vivent pour apprendre : 
dessins aux murs, poèmes en grand, système solaire pendu au plafond, étagères aux crayons, livres, feutres et … tableau noir. Tableau noir juste à- côté de l’évier de la cuisine, en face du frigo. 
Dans la salle à manger, encore un tableau noir. Mais aussi des tables et des chaises en carrés, ainsi que l’un ou l’autre ordinateur près d’une armoire sans vaisselle, occupée par des dictionnaires, ciseaux, cahiers, 
A l’étage, c’est le domaine des livres et des ordinateurs dans deux des anciennes chambres à coucher : bibliothèque centre de documentation, le cœur de l’école primaire. 
Une troisième chambre est destinée aux travaux de groupes, sans surveillance. En autonomie comme disent les enfants.
Plus on monte, plus on va vers la lumière. Deux vastes greniers éclairés par des Vélux comportent des tables et des chaises disposées au gré des activités. 
Dans le plus grand local sous le toit, on peut rassembler, chaque matin, tous les élèves pour organiser les apprentissages de la journée :
- les moments des projets (arboretum, contacts avec une maison de repos…)
- les moments d’expression (théâtre, graphisme, musique…)
- les moments de construction de savoirs savoureux sur des points de programme jugés importants. 
En prolongement du plus petit grenier, il y a un théâtre d’environ 20 m2 : sol en hêtre clair, Vélux, décors, le tout un rien surélevé, où on joue des pièces tous les jours.

Pourquoi une maison ?

Au début du XX ème siècle, toutes les communes ont été obligées d’ouvrir une école communale et de prévoir un logement pour le maître d’école.
 A Buzet, en 1993, j’ai demandé au bourgmestre non pas d’occuper l’ancienne école (d’ailleurs utilisée par un comité de quartier) mais bien la maison, jadis occupée par la famille de l’instituteur.

En effet, je voulais rouvrir une école communale d’Education Nouvelle résolument placée sous le signe de la créativité, la débrouillardise, la solidarité, la responsabilité, l’alliance avec les parents…
Il m’apparaissait que 9 pièces d’une maison étaient plus propices à cette éducation qu’une grande salle rectangulaire trop froide et trop bruyante, pas assez intime pour une bonne concentration des enfants lors de la construction des savoirs.

D’autres raisons de choisir une maison quand on peut !
L’intégration des enfants dans le tissu social local offre des avantages tels que :
- des contacts plus faciles avec des habitants voisins en particulier les personnes âgés souvent isolées,
- des petites entités où les enfants et les parents de ceux-c se connaissent mieux, se parlent davantage,
- des problèmes de circulation plus simples : la ronde des voitures à l’entrée et à la sortie des classes est réduite. Les enfants du quartier marchent désormais davantage,
- les quartiers ne sont plus vidés d’enfants pendant la journée ; leur vivacité rajeunit le quartier ;

Vers l’auto – régulation.

La trentaine d’élèves qui se sont présentés le 1er septembre 1993 avaient l’habitude des locaux scolaires quasi standardisés : des grandes boîtes avec des rangées de bancs, alignées le long de couloirs rectilignes.
Agés de 6 à 12 an, se connaissant à peine, certains d’être intéressés à la confection de l’horaire, de n’être jamais punis, ni récompensés, ni soumis à des examens, jamais dénoncés à leurs parents…
Ces enfants ont mis quelques jours, voire quelques semaines pour certains avant de se poser, de trouver leurs marques, de profiter du jardin, de s’intéresser aux ateliers d’expression, au théâtre et ensuite … à l’écriture, au calcul etc.
On a beaucoup discuté, réfléchi ensemble (adultes, enfants) et, peu à peu, les travaux en autonomie se sont calmés, régulés. La soif d’apprendre a pris le dessus de telle manière que les nouveaux élèves, d’année en année, s’acclimatent vite à vivre dans ce que Maria Montessori appelait déjà la « Casa dei Bambini ».

Perspective d’avenir.

Les visiteurs, dont les parents, se disent tous impressionnés par l’atmosphère détendue qui règne dans la Maison des Enfants. Les écoliers se relaient pour faire visiter la maison, répondant aux questions avec beaucoup d’à-propos.
 Une question revient souvent dans la bouche des visiteurs :
 « Pourquoi ne fait-on pas plus souvent l’école ainsi ? »
 Je me plais à répéter que ce qui se fait à Buzet est tout à fait légal.
J’étais inspecteur pour le ministre de l’éducation dans ce secteur quand le bourgmestre André Bodson m’a demandé les conditions légales pour la réouverture de l’école tellement souhaitée par un comité de village dynamisé par Pierre Manil. 
J’ai proposé de prendre aussitôt ma retraite et de devenir instituteur de classe unique 
J’ai aussi fait remarquer que la loi, lue de manière émancipatrice, permettait :

- d’occuper une maison,
- de ne pas faire de classes d’âges : 1ère, 2ème, 3ème…
- d’organiser des concertations avec les élèves,
- de permettre les travaux en autonomie,
- de laisser les récréations libres,
- de ne jamais punir, ni récompenser,
- d’abolir les devoirs obligatoires et de les remplacer par des devoirs au choix,
- d’éviter tout redoublement,
- de supprimer les examens, les bulletins habituels, classements, donc sans perdre une année tous les 6 ans,
- de terminer l’école primaire par un chef-d’œuvre pédagogique, que j’ai inventé en 1983, et non par de examens cantonaux ou diocésains,
- de faire du théâtre tous les jours,
- d’explorer les champs, les bois, les musées,
- de faire entrer des visiteurs qui font apprendre,
- d’inviter la presse écrite, la télévision,
- de correspondre, d’utiliser l’Internet,
- de vivre 3 jours à l’école (dormir…) au lieu d’aller en classe verte, de neige ou de forêt,
- de bannir le coca-cola et de fabriquer du jus de pommes...

Ce qui montre que dans des villages ou des quartiers de ville, on pourrait investir des maisons de ci de là, de la cave au grenier, avec deux adultes rémunérés.
On pourrait même, dans les agglomérations faire des rues des enfants, sans voitures puisqu’on interdit bien la circulation pour favoriser le commerce.
 Pourquoi encore construire des écoles qui risquent de souffrir des inconvénients de la concentration ?
  

2 commentaires:

  1. Je les ai vus aux infos télévisées il y a quelques jours (pour une fois qu'elles envoyaient un message optimiste au monde !!), ça m'a beaucoup plu et j'ai trouvé le fondateur plein de douceur, de sérénité et de bon sens. Mais je me suis demandé ce que devenaient ces enfants une fois sortis du primaire : réussissent-ils à s'adapter à un collège "normal" ?

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    1. Oui j'ai beaucoup aimé aussi! ;)
      Quant à ta question, j'ai envie de dire plusieurs choses...
      D'une part, la première idée qui me vient à l'esprit, c'est : est-ce que s'adapter à un système qui ne rend pas heureux est une bonne idée? Faut-il apprendre la difficulté du monde aux enfants le plus tôt possible pour les habituer?
      Je choisis plutôt de les aider à s'épanouir et à créer un monde différent... ;)
      Ensuite, je crois qu'on n'offre jamais assez d'opportunités aux enfants de s'épanouir, de vivre librement... Un enfant qui grandit avec cette confiance pourra d'une part s'adapter plus facilement à toute situation difficile, en apprendre ce qu'il à apprendre, mais aussi transformer cela, et s'épanouir au-delà... Et le monde change.

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