Aujourd'hui à 10h, avec André Stern, Claudia Renau (Association Les Enfants D'Abord). Cette semaine, certains élèves ne sont pas sortis de chez eux pour aller à l'école, puisque leur école, elle est à domicile. Qui sont ces écoliers solitaires ? Pourquoi leurs parents ont-ils fait ce choix ?
Cela concerne 40.000 enfants en
France, et environ 1 million et demi aux USA.
André Stern : il faut faire la différence entre unchooling et homeschooling ; a lui-même vécu le un-schooling, c’est à dire aucun apprentissage introduit, donc pas d’ « école à la maison ». Il se définit comme un enfant de 41 ans, parce qu’il n’a pas fini d’apprendre. L’état d’enthousiasme que connaît l’enfant libre lui donne des ailes.
Il dit être dans le « grand
bain social », fréquentant des gens de tous les âges, d’expériences
différentes ; cette diversité est enrichissement. Sans concurrence, tous
sont partenaires, ensemble pour atteindre des buts plus élevés. Il a donc du
mal à faire la distinction entre ses passions et la notion de métier, parce
qu’il ne vit que ses passions. Il définit alors son « métier » comme
un métier mobile, qui évolue au fil des passions, des rencontres et de
l’enthousiasme.
Un enfant de 2 ou 3 ans vit une
poussée d’enthousiasme toutes les 3 minutes ; un adulte une à deux fois par
an.
Claudia Renau : En fait, l’instruction en famille, c’est du
« vivre ensemble » ; la motivation première est de ne pas voler
le plaisir jubilatoire des enfants qui apprennent et comprennent par eux-mêmes,
au fil de leurs découvertes. A l’école, le risque est grand de perdre ce
plaisir. En réalité, Claudia et sa famille ne font ni l’école, ni la
maison : elle accompagne beaucoup ses enfants à leurs activités, ils ne
sont pas beaucoup à la maison.
A la question de l’animateur
concernant l’exemple de l’apprentissage de la lecture, elle lui explique que
ses enfants ont appris en le pratiquent 10 à 15 min. par jour – s’aidant
parfois de supports, comme l’ouvrage Apprendre à lire en famille (Ed. de l'Instant présent) ; cela leur laisse donc plus de temps pour les jeux
et les activités.
En ce qui concerne les moyens
financiers, il est vrai que lorsque les enfants sont en bas-âge, l’un des
parents doit ne pas travailler. Mais lorsqu’ils grandissent, il est tout fait possible de reprendre une activité,
comme un mi-temps par exemple. Ceci dit, les revenus sont peut-être moindres,
mais les dépenses aussi !
Reportage d’Antoine Ly, auprès d’une famille non-sco, dont la maman
souhaite rester anonyme : les enfants sont en activité sportive ce
jour-là. La mère témoigne du mal-être de son fils à l’école, qu’elle a
réellement compris lorsqu’elle a décidé de l’en ôter. A ce moment, l’enfant
s’est épanouie, éveillé… Lors de l’activité sportive, escalader des arbres, le
rythme de chaque enfant est respecté, sans compétition, sans jugement.
Le petit garçon parle : il
est content d’être libre d’apprendre ce qu’il souhaite, et ses copains ne lui
manquent par parce qu’il retrouve d’autres enfants pendant les activités.
Finalement, l’école, c’est la
vie ! dit le reporter. Alors que l’école éteint la curiosité naturelle de
l’enfant, lorsqu’ils sortent du système, il peut suivre son enthousiasme, et va
plus loin dans ses découvertes.
A la question « n’est ce pas
égoïste de garder ses enfants avec soi ? » la mère répond :
« Mais n’est ce pas égoïste justement de laisser ses enfants dans un lieu
inconnu pendant des heures, des mois, des année ? »
André Stern : Rien ne lui a été enseigné par ses parents, tout
son cheminement est une histoire d’enthousiasme. S’il n’a aucune raison
d’apprendre quelque chose, il ne se l’inflige pas. Il n’a pas peur de ses
lacunes, il les voit comme des espaces libres pour de nouvelles connaissances.
A la question des diplômes, il ajoute que la qualification n’a aucun rapport avec
les compétences.
Brigitte Prot (psychopédagogue) : Un enfant s’enthousiasme en apprenant
dans plusieurs lieux, mais l’école n’est pas un lieu comme les autres, c’est un
lieu où l'enfant vit un passage, quittant la sphère familiale pour découvrir l’altérité,
apprendre des et par les autres. Surtout pour cette génération interconnectée. La
première motivation de l’école est de rencontrer les autres. La question ne se
pose pas au sens de la socialisation (au sens simpliste), mais au sens de l’altérité
comme passage vers une sphère différente de la famille. Question aussi de la
connaissance reconnue officiellement, par les diplômes par exemple.
Pour elle, l’exemple d’André
Stern vaut par la singularité d’un parcours, qui correspond à une
personne, qui a pu se développer de cette façon là, avec l’enthousiasme. Mais
pour l’ensemble des enfants, surtout la question du collectif. Brigitte Prot participe
à la concertation / refonte de l’école.
Cas d’un enfant non-scolarisé qui connaît des problèmes de comportement Brigitte
Prot : un risque important en ce qui concerne l’école à la maison, c’est
de ne pas sortir de chez soi.
Sortir de chez soi, c’est aller rencontrer l’autre, et les adultes (donc un regard
qui n’est pas lié aux relations affectives). L’école représente l’ouverture
vers autre chose ; sachant toutefois que l’école a des progrès à faire en
la matière.
Claudia Renau : il existe beaucoup d’échanges entre les
familles, pour justement ne pas prendre ce risque : des rencontres, avec
les associations aussi, et même pour les enfants qui vivent à la campagne. A
Paris, 450 familles avec environ 800 enfants non-sco ; d’échanges, d’organisation, des parents
proposant leurs passions, compétences, enthousiasme.
Le fait de vivre avec ses enfants
demande un travail sur soi, pour ne pas être dans la comparaison, pour créer
une bonne ambiance à la maison. Mais les enfants ne sont pas toujours avec les parents,
il y a les activités extérieures, les grands-parents etc. les parents ne sont
pas les seuls adultes.
Témoignage de Valérie, 6 enfants : deux de ses filles sont
entrées au collège après un parcours de vie non-sco, pour avoir le brevet, Valérie
a remarqué qu’elles étaient bien en avance sur le programme tout en ayant
travaillé seulement 2 h / jour. Pourquoi les enfants passent 8 h par jour à
l’école, avec en plus des devoirs à la maison ?
Brigitte Prot : encore une fois, refondons l’école car évidemment,
l’école d’aujourd’hui ne répond pas aux enjeux actuels, pour cette génération
particulièrement. Cette maman, bravo, on applaudit ; mais se pose tout de
même la question du lycée pour la suite, vont-elles intégrer le lycée ou
continuer à la maison. Travail important au sein de l’école concernant la
question des rythmes.
André Stern : Ce n’est pas une question d’argent, l’enthousiasme
est bon marché, voire gratuit. Les enfants ne reprennent pas à leur compte les
connaissances de leurs parents, ils vont à la recherche de leur propre culture.
Les parents n’observent pas assez leurs enfants, ils ne leur font pas assez
confiance. Ses propres parents étaient motivés par la curiosité et l’enthousiasme,
ils ont observés leurs enfants tellement occupés, qu’ils n’avaient plus envie
d’intervenir dans ce qu’ils vivaient. Ils se demandaient quel serait le
prochain pas naturel dans le développement de l’enfant. Tout cela est à la portée
de chacun, et ne demande pas de connaissances particulières ou d’argent. Il
faut juste respecter l’enfant.
Dimension juridique, intervention de Cédric Plantavin,
avocat spécialisé dans le droit de la famille : le droit prévoit une instruction obligatoire jusqu’à 16 ans, à
l’école ou la maison. Il travaille avec des familles pratiquant la
non-scolarisation, dont les problèmes sont assez récents (le livre d’André Stern
montre qu’il n’y avait pas de contrôles à l’époque), mais depuis une dizaine d’années,
le code prévoit un contrôle de l’instruction par l’Education Nationale, 1 ou 2
fois par an pour vérifier l’enseignement donné par les parents. On a souvent
parlé du problème des sectes, mais cela a été réglé en 2007 par la Miviludes ;
la loi interdit aux familles de se réunir pour enseigner ensemble, ce qui
est souvent le principe même des sectes.
Des familles refusent de se
soumettre aux tests, qui ne sont d’ailleurs pas légaux. Ces familles ont décidé
de laisser évoluer les enfants au gré de leurs envies et passions, rejetant
idée de concurrence, d’autorité, des notes. Les inspecteurs ne regardent pas la
manière dont se déroule l’instruction en famille et décident de faire des tests
pour comparer avec les enfants du même âge à l’école. Les familles préfèrent que
l’on voie la façon dont l’enfant apprend ; il s’agit d’une différence
philosophique. Mais cela conduit à des mises en demeure, devant le juge pour
enfants, etc.
Claudia Renau : recommande de consulter le site Hors des murs.
A la question de l’animateur, elle répond qu’elle n’a pas d’avis sur ce que doivent
faire ses enfants plus tard, l’avenir leur dira.
André Stern : Il ne scolarisera pas et n’enverra pas ses enfants
à l’école. Ils auront le même cadre, mais ne feront pas comme lui, car chacun est
différent.
Conclusion personnelle:
Sujet assez bien traité, bien que de manière très rapide. Mais c'est déjà un pas que l'on parle d'école à la maison, en cette rentrée. J'ai particulièrement apprécié les interventions d'André Stern, porteuses de sens, d'évidence, et tellement vivantes! Fidèles à son livre. Le témoignage de Claudia était intéressant également. Je suis plus mitigée quant à l'apport de Brigitte Prot, dont on sentait bien le conditionnement lié à l'Education Nationale, ramenant toujours à la suprématie de celle-ci.
Pourtant, l'institution n'est pas l'unique voie d'apprentissage - surtout dans le monde actuel, qui offre tant d'opportunités. Il existe tant de lieux, de manières, et tant de moments dans sa vie pour apprendre. Aujourd'hui un nombre croissant de parents décident de faire usage d'un droit - celui d'accompagner leur enfant autrement - par choix personnel, mais aussi évidemment devant la faillite de l'école. Les professionnels l'attestent eux-mêmes, et c'est également pour cette raison qu'on prévoit une nouvelle réforme en profondeur avec la concertation actuelle. C'est une bonne chose, évidemment, mais sans diaboliser l'Education Nationale, on peut choisir une autre voie, en toute responsabilité.
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