Existe-t-il une éducation qui n'hésite plus à répondre aux questions
sur le sens de la vie que posent les enfants et les adolescents
d'aujourd'hui ? Une telle éducation peut-elle accepter de ne plus répondre
par une attitude dogmatique de vérité, mais par un nouveau questionnement
typiquement socratique ? C'est l'objet de la sagesse transdisciplinaire
contemporaine.
La sagesse transpersonnelle aujourd'hui
L'éducation transdisciplinaire
est une approche de la complexité d'un rapport aux savoirs, aux savoirs-faire
et aux savoirs-être qui n'exclurait plus les dimensions spirituelles,
méditatives de l'être humain, tout en acceptant le regard des disciplines
scientifiques comme des réflexions philosophiques et artistiques. Elle s'ouvre
sur une interrogation vraiment contemporaine au-delà du "désenchantement
du monde" promis par Max Weber et de la "fin du religieux"
pensée par Marcel Gauchet. Peut-être fallait-il une désoccultation radicale du
religieux pour commencer à vivre, authentiquement, sur le plan d'une
spiritualité laïque, une sagesse moderne du monde. Loin d'être une conséquence
d'une démocratie désabusée et sérielle d'individus sans appartenance ouvrant
sur la folie comme le pense Dany-Robert Dufour, l"époque contemporaine
inaugurerait, dans ce cas, une chance inouïe pour l'avenir de l'humanité.
Par "sagesses du monde"
j'entends toutes les formes d'intelligibilité et de sensibilité que les êtres
humains, au sein des différentes cultures, anciennes et modernes, ont inventées
pour symboliser et exprimer, souvent d'une façon mythique et poétique, leurs
rapports à la connaissance de l'être-au-monde et à son mystère d'exister.
Le qualificatif de
"transpersonnelle" renvoie à une approche de plus en plus vive en ce
début du XXIe siècle : l'éducation transpersonnelle. La psychologie
transpersonnelle est une orientation de la psychologie et une voie de
connaissance de l'être humain qui intègre à la fois les dimensions spirituelle,
émotionnelle, corporelle, cognitive et créatrice. Elle tient compte des grands
courants de pensées de la psychologie contemporaine tel que la psychanalyse, la
bioénergie et l'approche cognitivo-comportementale. Elle accepte aussi
plusieurs pratiques spirituelles tel la méditation et la prière comme autant de
chemins permettant à l'être humain de transcender ses limites.
La psychologie transpersonnelle
propose d'appliquer les dernières découvertes de la physique quantique au
développement d'une explication scientifique des différents états de
conscience. Ainsi, elle tente de comprendre ce qu'est l'être humain en relation
avec lui-même et l'univers qui l'entoure.
La psychologie transpersonnelle
est une approche intégrative et inclusive qui présente une ouverture suffisante
pour considérer toutes les voies utiles à la croissance de l'homme.
Ma conception du
"transpersonnel" refuse de se figer dans l'orbite de la pure
tradition comme d'un post-modernisme psychédélique de type "Nouvel
Age". Elle est proche de la transdisciplinarité de Basarab Nicolescu ou du
sens de la complexité d'Edgar Morin et soucieuse de réalisme. Dans mon
"approche transversale, l'écoute sensible en sciences humaines"
(Barbier, anthropos, 1997), je revendique le droit à l'émotion et à
l'affectivité, beaucoup plus du côté des "émotions-sentiments" que
des "émotions-chocs" comme le propose aujourd'hui le philosophe
Michel Lacroix dans son livre sur "la culture de l'émotion"
(Flammarion, 2001). Elle signifie que le sens doit être construit par rapport à
un tiers inclus qui dépasse toute singularité personnelle, quoi qu'il l'intègre
totalement. Le transpersonnel ne se réduit à aucun dogme, aucune religion,
aucun rituel mais il les considère tous avec attention bienveillante et
vigilance active. Il sait que tout symbole, tout mythe, porte les germes d'une
autreté (Krishnamurti), d'un regard, à la fois ancré et dégagé, sur le monde,
inexprimable en dernière instance.
Le transpersonnel nous conduit
tout naturellement vers une "poésie verticale" dont parle Roberto
Juarroz, ou vers les aphorismes d'Antonio Porchia (Voix), dans le meilleur des
cas. Mais également le transpersonnel connaît la force de l'illusion possible
enracinée dans la croyance. Il sait nommer le faux mystique, l'idéologue de
tous les registres, qui traque le savoir critique pour assurer impunément son
autorité illégitime. "Les chercheurs de Dieux. Délivrez-nous des dieux
vivants, des pères du peuple et du besoin de croire" proclamait, il y a
plus de vingt ans, le poète Claude ROY (Paris, Gallimard 1981). Sa prière nous
servira d'avertissement salutaire dans tous les domaines de la vie humaine.
Mais cette prise de position ne
nous fera pas tomber, pour autant, dans les nouvelles formes de l'Inquisition
soi-disant républicaine qui, dans les discours et les commissions
parlementaires, stigmatisent toutes orientations spirituelles non conformistes.
Peut-on, en effet, en arriver à penser que les écoles Steiner réputées pour
leur qualité pédagogique depuis des lustres ou encore la thérapie
ethnopsychiatrique de Tobie Nathan, reflètent des tendances sectaires, comme le
proclame le dernier rapport parlementaire sur les sectes sous l'égide d'Alain
Vivien (2002) ?
Le transpersonnel nous oblige à
travailler sur ce qu'on appelle "la foi". Il reconnaît que la foi ne
saurait être approchée uniquement sous l'angle de l'idéologie comme le font les
sciences de l'homme et de la société, de la sociologie à la psychnalyse.
Certes, il y a dans la foi une part de conditionnements sociaux,
psychologiques, culturels, que la science peut tenter de comprendre. Mais il
existe également une part inconnue, irréductible à tout savoir, qui anime
totalement son élan et qui est vécue d'une façon absolument singulière. Le
point de vue de Sirius propre aux sciences sociales ne peut rien en dire de
pertinent. Seule l'approche phénoménologique peut avoir des chances de
l'éclairer. L'art et la poésie savent parfois fournir une trace lumineuse de
son apport. Cette part inconnue anime ce que Raimon Panikkar nomme l'esprit du
moine dans son livre sur "l'éloge du simple" et que les phénoménologues
des religions qualifient de "sanctum". Mircea Eliade parle de
"sacré" pour définir ce qui fait partie de la structure de la
conscience et non, simplement, un élément conjoncturel et historique de
l'évolution de cette conscience.
La difficulté avec cette part
inconnue - ce Chaos, Abîme, Sans-Fond - à la racine de la philosophie de
Cornelius Castoriadis, c'est qu'elle est habituellement reprise d'une façon
coutumière par les grandes religions. Celles-ci l'inscrivent dans des dogmes
intangibles, des rituels incontournables. Elles la figent dans une structure
immobile mais rassurante.
Peut-on se dégager des
rituels ? Peut-on vivre le sacré sans avoir besoin de grands prêtres, de
gourous aux regards flamboyants, d'initiations interminables, d'extases
extraordinaires ? C'est l'enjeu de la spiritualité laïque et libertaire de
notre temps. Nous allons alors vers une éthique de la perdition dont nous
entretient Edgar Morin dans "la terre-patrie", une éthique
personnelle qui dépasse toute morale sociale pour l'affiner et la rendre plus
efficace. Cette démarche n'est pas sans tragique : une morale du desespoir
et de la béatitude à la manière d'André Comte-Sponville réfléchissant sur la
sagesse non dualiste de Swami Prajnanpad. Dans ce processus d'approfondissement
intérieur, de prise de conscience de l'avénement du phénomène vie, la
philosophie devient vraiment un art de vivre comme l'annonce Pierre Hadot, avec
les philosophes de l'antiquité grecque.
J'ai beaucoup de respect pour les
chamanes Kogis, ces indiens de la Sierra Nevada, du nord de la Colombie. Ils
tentent de sauvegarder une culture de haute spiritualité écologique datant de
l'ère pré-colombienne. Ils nous interrogent sur les "trous" que nous
faisons dans la terre (les tunnels) pour aller toujours plus vite. Mais
pourquoi voulez-vous aller plus vite et pour aller où, nous disent-ils ?
Pourtant faut-il comme dans leur intitiation traditionnelle devoir passer dix
huit ans dans l'obscurité la plus totale pour connaître la réalité intrinsèque
de notre monde intérieur ? Quel prix faut-il payer symboliquement pour
accéder à la sagesse transpersonnelle qui nous conduit à la pleine conscience
de l'unité du vivant, de tout le vivant. Eric Julien qui relate son expérience
bouleversante avec les indiens Kogis dans "le chemin des neuf
mondes", a entrepris la seule oeuvre que nous puissions accomplir pour ces
cultures "autres" qui ont quelque chose d'essentiel à nous
dire : racheter les terres ancestrales qui ont été spoliées et les
redonner à la communauté indienne pour qu'elle puisse accomplir son destin.
Les sages de tous les pays ont,
sans cesse, posé la question du sens. De ce côté, Michel Lacroix se trompe en
pensant qu'il y a un paradoxe à vouloir accroître sans cesse, d'un côté le
culte du moi et de la réussite sociale, et de l'autre le détachement et
l'abolition de l'ego. En vérité, les chercheurs de vérité authentiques
n'arrêtent pas de creuser les illusions du moi social au profit de l'éveil de
l'intelligence, c'est à dire la pleine réalisation de leur être-au-monde par la
voie négative. Leur finalité est précise et leur attention totale. Ils ne sont
aucunement dans un paradoxe. C'est pourquoi on ne peut mettre Krishnamurti dans
le même sac que tous les adeptes inconstants du New Age, comme le fait Michel
Lacroix et d'autres sociologues des religions. A ma connaissance Krishnamurti
n'a jamais connu l'angoisse paradoxale décrite par Michel Lacroix. Celle-ci est
réservée à ceux qui n'ont pas su faire un choix de vie. lls veulent le beurre
et l'argent du beurre, le pouvoir du social et le non-attachement à tout
pouvoir qui résulte de la connaissance intime de la réalité ultime.
S'il est vrai, comme le pensent
Gilles Deleuze et Félix Guattari que "les philosophes ont entériné la mort
du sage" après les pré-socratiques, ils n'ont pas perdu l'aiguillon du
questionnement ontologique dans leur quête permanente de la sagesse. Au-delà
des grands systèmes philosophiques de plus en plus incertains aujourd'hui,
l'homme cherche un homme, comme Diogène dans la cité. Il semble le rencontrer
dans des espaces sociaux inhabituels et non académiques, au sein des ces
associations humanitaires qui augmentent de jour en jour et dans les
expériences de bénévolat. Sur ce point un philosophe comme Luc Ferry, parlant
de "l'homme-Dieu et du Sens de la vie", ou un sociologue comme
l'Américain Jeremy Rifkin qui analyse "la fin du travail", paraissent
se tenir sur une position analogue.
Nous avons à notre disposition
une richesse incommensurable pour réfléchir et pour méditer
silencieusement : les textes venus du fond des âges écrits ou prononcés
par des personnes ayant transcendé le règne de l'égo. Contrairement à d'autres
époques, nous trouvons dans les librairies, en livres de poche, la quintescence
de la sagesse de l'humanité. Paradoxalement il semble que cette richesse ne
passe pas dans nos collèges, nos lycées et nos universités. La sub-culture
adolescente cherche des valeurs et trouve les soirées "rave" où la
musique "techno" sert répétitivement de rituel de transe. Si la parole
devient inexistante, le corps danse frénétiquement au coeur d'une solitude
gigantesque et collective. Les jeunes y trouvent leur compte et prétendent
comparer leurs réunions extatiques aux rituels africains. Ils oublient
simplement que dans les pays de tradition les rituels en question sont portés
par une mythologie ancestrale qui soude la communauté depuis des générations.
Les "Maîtres-fous" africains de Jean Rouch eux-mêmes, dans leur
amalgame défensif de la tradition et du colonialisme moderne, inventent des rituels
qui incluent encore l'histoire de leur peuple. Nos enfants, eux, sont de plus
en plus sans histoire, sans parole et sans espoir. Il ne leur reste que la
violence ou l'apathie.
Pourrons-nous retrouver le sens
de la parole et la transmettre à nos enfants dans cette tragique post-modernité
culturelle ? Saurons-nous aller puiser dans ce fond commun mondial de la
sagesse humaine, religieuse ou laïque, pour retrouver le fil du sens ?
Sa première perspective est de
jeter les bases d'un métissage axiologique universel à partir de l'histoire
humaine de la pensée et de la méditation, quelles que soient les cultures.
La vie intérieure
Aujourd'hui les valeurs sont en
question mais la question de la valeur en sort peut-être fortifiée. L'Éducation
se nourrit de valeurs. Elles sont "le contraire de l'indifférence"
comme l'écrit le philosophe Olivier Reboul. Elles constituent l'essentiel de ce
qui fait sens pour un être humain. C'est la raison pour laquelle le sens ne
peut se réduire à l'analyse habituelle en termes sémantique, syntaxique ou
pragmatique. Le sens, tissé de valeurs, dépasse toutes les catégories des
sciences du langage et même des sciences de l'homme. Il est porté par une
expérience singulière enracinée dans un tremblement de l'être qui, souvent,
échappe à l'interprétation d'un "autre".
J'enseigne depuis plus de trente
ans dans l'enseignement supérieur. J'ai souvent été interpellé, durant mon
existence universitaire, par la demande des jeunes et moins jeunes étudiants,
concernant les dimensions multiples de cette vie intérieure. J'ai essayé d'y
répondre, tant bien que mal, au sein des enseignements que je me suis autorisé
à proposer, notamment une approche expérientielle de la philosophie de
Krishnamurti depuis une quinzaine d'années. Peu à peu j'ai développé une approche
spécifique en sciences humaines, conjuguant aussi bien les disciplines variées
que le regard philosophique, la sensibilité esthétique et poétique ou le
questionnement ontologique issu des cultures du monde. J'ai nommé cette
perspective critique et compréhensive "l'approche transversale". Les
différentes interrogations des étudiants et les résultats de mes recherches
impliquées sur le terrain m'ont conduit à parler d'"écoute sensible en
sciences de l'homme et de la société".
C'est avec ce type d'approche que
je veux comprendre aujourd'hui les rapports entre la vie intérieure et
l'éducation.
La vie intérieure pose la
question permanente : qui suis-je ? Un approfondissement de cette
interrogation débouche sur une totale conversion du regard sur soi-même et sur
le monde. Les thérapeutes comme les sages orientaux le savent bien. Il s'agit
d'une question explosive lorsqu'elle est menée à son terme. "Je est un
autre" répond Rimbaud avant de quitter la poésie pour devenir trafiquant
d'armes.
Pour les bouddhistes, comme pour
les lacaniens, le "je" est un leurre, une illusion d'optique, que la
méditation ou l'analyse vont dénouer. Les structuralistes et les partisans de
la "mort de l'homme" ne s'intéressent au sujet que pour mieux mettre
en lumière son imbrication et sa consistance éphémère dans le jeu structuré des
relations sociales. Les existentialistes, les personnalistes, les
phénoménologues, les freudiens nord-américains, les interactionnistes, les
ethnométhodologues, ne veulent pas abandonner l'importance du "moi"
dans l'interprétation du monde et dans l'action sur celui-ci. Dans cette lutte
pour l'explication de l'être-au-monde, le sujet, après une période de déclin,
revient à la mode en sciences humaines, non sans une interrogation permanente
sur "le désenchantement du monde" et une sortie de la société hors
toute religion (Marcel Gauchet). On parle du "retour du sujet" (Alain
Touraine) en même temps que du "retour du religieux", de la
"plénitude de l'univers" (David Bohm) ou du réenchantement du monde
par une "nouvelle alliance" et une métamorphose de la science (Ilya
Prigogine et Isabelle Stengers).
La bataille fait rage entre les
différents courants qui veulent s'approprier la présence ou l'absence du sujet.
L'homme, dans tout cela, l'homme de la rue, n'y retrouve pas ses petits et
regarde, ahuri, la mitraille des concepts et les exclusions théoriques.
Personne ne sort plus heureux et
plus conscient de cette mise en scène de la vie intellectuelle. Les questions
cruciales demeurent inchangées :
- Qu'en est-il de la naissance,
du développement humain, du travail digne de ce nom, de la souffrance, de la
peur, de la liberté, de l'amour, de la vieillesse, de la mort ?
- Pourquoi sommes-nous sur cette
terre, dans quel dessein, avec quelle finalité ?
- Pourquoi y-a-t-il quelque chose
plutôt que rien ?
- Qu'appelle-t-on
"conscience" ? est-ce la "conscience de" quelque chose
ou l'être-conscience qui dépasse la singularité biologique et mentale pour
devenir transpersonnel ?
- Qu'est-ce que
l'"engagement", la responsabilité, l'éthique, dans cette époque de
l'extrême barbarie qui a inventé le "génocide" à répétition, la Shoah
et la "purification ethnique" ?
- Que pouvons-nous faire,
individuellement et collectivement, pour construire ensemble une autre
civilisation digne de l'être humain ?
- Sommes-nous condamnés à subir
la "géopolitique du chaos" (Ignacio Ramonet), le laminoir de la
mondialisation "communicante" avec son cortège d'exclusions et de
pollutions ? Les citoyens peuvent-ils être autre chose que des petits
robots à voter sous les grandes machineries des producteurs de mirages ?
La vie intérieure est un
"travail d'exister" comme dit Max Pagès. Elle articule paradoxalement
un sens secret de la totalité et une saisie immédiate de la fragmentation. Le
sentiment de la totalité la dirige vers les voies de la Connaissance de soi et
du monde nouménal. L'appréhension de la parcellisation l'oblige à vivre dans le
miroitement des savoirs dont certains éclairs fulgurants soulèvent cependant
des zones d'ombre imprévisibles.
L'éducation est au carrefour, à
l'interface des savoirs en actes et de la Connaissance intime. L'éducation est
le processus qui exprime la dynamique de la vie intérieure en contact avec le
monde extérieur. Elle ne saurait être définie par des "disciplines"
scientifiques ou des catégories de pensée instituées. Elle est de l'ordre du
devenir improbable pour chaque personne. Elle n'existe pas a priori, mais se
fonde dans son mouvement même. Elle n'a pas de but, ni de projet autre que dans
l'instant de la réflexion. Chez elle l'existence ne précède pas l'essence et
l'essence, l'existence. Être, c'est s'éduquer, toujours avec l'autre, et, par
là même fonder ce que nous sommes dans le cours de ce qui advient. Essence et existence
coïncident dans l'éducation. La vie intérieure met en acte l'éducation
singulière. Elle avance et éclaircit le monde des formes, mentales,
culturelles, sociales, matérielles, (l'existentialité de chaque être, comme de
chaque groupe) pour, en fin de compte, faire vivre intuitivement ce par quoi ce
monde des formes est totalement relié au sein d'une unipluralité
indéfinissable. La "reliance" (Marcel Bolle de Bal) ainsi vécue est
nommée amour ou compassion, suivant les cultures.
Un éducateur est toujours un être
relié. Pour le moins cherche-t-il à l'être. Mais paradoxalement une quête de la
reliance est une impasse. La reliance est une donnée immédiate de la conscience
sans objet.
Cette reliance conduit le
chercheur de sens en éducation vers une nécessaire transdisciplinarité. Basarab
Nicolescu définit la transdisciplinarité comme une nouvelle approche
scientifique, culturelle, spirituelle et sociale, qui concerne ce qui est à la
fois entre les disciplines, à travers les disciplines et au-delà de toute discipline.
Pour ma part, je conçois cette
transdisciplinarité comme proprement révolutionnaire sur le plan
épistémologique, notamment par l'interférence dialogique entre les domaines des
savoirs pluriels sur l'homme et le monde, et de la Connaissance expérientielle
de soi ouverte au Sans-Fond de l'être-au-monde que Cornelius Castoriadis
nommait également "l'Abîme, Le Chaos". Cette véritable "approche
transversale" met en synergie la science, l"art et la poésie, la
philosophie et la spiritualité de tous les temps et de toutes les cultures.
Elle constitue un nouvel humanisme universel au-delà de toute pensée
réductionniste et nationaliste.
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