L’auteur a effectué plusieurs
expéditions dans la jungle sud-américaine, et a observé notamment le mode de
vie de la tribu des Yakwanas. Elle a constaté que leur sens du bonheur, du
travail et de l’effort était très différents de nos conceptions occidentales. Elle
l’explique par le fait que cette tribu ne s’est pas éloignée, comme les
sociétés modernes, de son continuum, en particulier dans sa relation aux bébés.
« Le continuum peut être
défini comme un enchaînement d’expériences qui correspondent aux attentes et
tendances de notre espèce, dans un environnement de même logique que celui où
sont nées ces attentes et ces tendances » p.49
Jean Liedloff (source :
www.continuum-concept.org)
Autrement dit, notre
« programmation ancestrale » nous pousse à certains comportements
adéquats, et induit en nous certaines attentes. Ainsi, dès sa naissance, le
bébé s’attend à recevoir de sa mère un comportement « maternel » : son
continuum lui indique que sa place est dans ses bras, contre son corps, et
c’est là qu’il devra vivre et évoluer ses premiers mois, jusqu’à ce qu’il soit
prêt à tenter d’autres expériences.
Dans un texte poignant, l’auteur
décrit, en focalisation interne qui donne toute la puissance à son discours, la
souffrance insupportable du nouveau-né dont la mère, pourtant pleine de bonnes
intentions, ne répond pas à ses attentes, à ses besoins de contact et de
bercement (l’extrait en question est consultable ici sur le site Porter son
enfant).
La rupture du continuum dans nos
sociétés modernes a des conséquences négatives sur les individus et la société :
les attentes non comblées du bébé le restent pour toute sa vie d’enfant puis
d’adulte. Il cherchera à les combler, et à retrouver la figure maternelle et
les expériences « dans les bras » qui lui ont manquées. Son sens du
bonheur en sera profondément altéré : sa quête d’autre chose, du mieux, sera
permanente et l’empêchera de jouir de l’instant présent et donc de trouver le
bonheur dans l’instant présent. Certaines maladies, les dépendances, les
troubles de la sexualité peuvent s’expliquer par ce non respect du continuum.
En effet la route pour atteindre le bonheur doit se faire étape par étape, et
si la première d’entre elles est manquée il faut tout reprendre depuis le
début, dans une quête potentiellement infinie…
L’auteur s’attache, en parallèle,
à décrire le fonctionnement des Yakwanas. Dans cette tribu, le bébé est
constamment porté au début de son existence, dans le respect de son continuum,
jusqu’à ce qu’il manifeste le besoin de l’être moins. Pour autant, sa mère lui
porte une attention limitée : elle vit sa vie d’adulte normalement,
naturellement. Elle reste néanmoins disponible à ses sollicitations.
Une fois que la phase dans les
bras a été satisfaite, l’enfant ne réclamera d’attention qu’en cas de réel
besoin. Il ne devient pas dépendant, au contraire, il obtiendra pleine
confiance en lui et en ses semblables.
Les Yakwanas sont persuadés du
caractère sociable de l’enfant : il est un être d’imitation. Aussi il répondra
aux attentes que les autres ont de lui, sans qu’aucune pression ne soit exercée
(il n’y a d’ailleurs pas plus de pression exercée sur les autres adultes). C’est
ainsi que, par instinct, l’enfant se conformera aux normes de sa tribu. Les
Yakwanas s’attendent à un comportement adéquat de la part des enfants, qui y
répondent naturellement, « en douceur », du mieux qu’ils peuvent.
Par exemple, les adultes ne
s’attendent pas à ce que le bébé se mette en danger, ce qui irait à l’encontre
de son instinct de survie. Ainsi il n’y a pas d’interdictions ni de mises en
garde particulières vis à vis de ce que nous, sociétés occidentales,
considérerions comme dangereux (des flèches, des lames tranchantes, un puits…).
Et il n’y a pas d’accidents non plus, ou alors ils sont rarissimes… les enfants
répondent aux attentes de leurs aînés.
L’auteur constate aussi que dans
la tribu, le bonheur est la norme, c’est l’état « standard » de
chaque âge de la vie. Elle explique que cet état est possible dans la mesure où
les besoins de l’âge précédent ont été comblés.
Dans nos sociétés occidentales, on
éduque, on modèle, on élève les enfants… et nos attentes sont négatives. Alors,
contrairement à ce qui se produit chez les Yakwanas, les accidents sont bien
plus nombreux. En effet, la mère va bien souvent prendre à sa charge la
responsabilité de la surveillance de l’enfant. Celui-ci, ne la prend donc pas à
son compte…
« Ce n’est pas un hasard si,
en étant sûrement les plus protégés de toute l’Histoire, les enfants
occidentaux sont ceux dont on attend le moins qu’ils sachent s’occuper
d’eux-mêmes » p. 147
Finalement, comment tirer
enseignement de ce concept du continuum pour nos sociétés occidentales ? L’auteur
préconise de rester le plus proche possible du continuum en utilisant le bon
sens, afin que l’instinct reprenne le dessus. Il faut commencer par répondre
aux attentes du nouveau-né, en le portant constamment, en dormant avec lui,
tant qu’il en manifeste le besoin.
Jean Liedloff, Le concept du
continuum - À la recherche du bonheur perdu. 2006. Ed. Ambre.
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