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Comment ça se passe en maternelle
dans une école Steiner-Waldorf ? L’école des Capucines (35770 Vern/Seiche) propose cet article sur son blog.
Les enfants sont répartis dans
deux groupes d’âges mélangés : un de 2 ans à 3 ans et un autre de 3 ans à 6
ans. Trois objectifs sont visés au travers de l’éducation proposée. Ils se
construisent par étapes, répondant à la nature même du développement de l’enfant
:
Permettre au futur adulte
d’accéder à la liberté dans son corps, dans ses sentiments et dans sa
pensée ;
Éduquer à partir de l’égalité, en
offrant à chaque enfant la possibilité d’un développement global, suivant son
rythme, son individualité, en tenant compte des différences de chacun ;
Éveiller à la fraternité par une
vie sociale riche.
1. Les cinq grands axes qui forment nos moyens pédagogiques
a. L’enseignante
Elle est une référence, un
soutien solide donnant à l’enfant la possibilité d’une entrée sereine dans la
vie sociale et dans le partage. Elle suit les enfants durant ces trois années.
À l’écoute du groupe et de l’individu, c’est elle qui guide l’enfant dans ses
expériences à travers diverses activités ; ce qui permet l’émergence de deux
principes éducatifs : l’imitation et l’émulation des petits par les grands.
b. Le regroupement d’enfants d’âges différents
Cela offre les moyens de
travailler sur l’égalité (selon les capacités et l’âge de chacun) et faire
vivre la fraternité entre eux.
c. La manière de se lier aux activités proposées
Dessin, modelage, peinture,
chants, comptines, motricité, rondes, contes (racontés, joués, mimés, mis en
musique), donne à l’enfant des bases sûres dans ses repères spatiaux, et un
enrichissement conceptuel par l’élargissement du langage oral.
d. Le lieu
L’environnement simple et naturel
favorise les expériences sensorielles variées et permet à l’enfant de prendre
possession de son corps et d’en exercer les facultés.
Au centre de la vie de
l’école, le jeu libre, à l’intérieur duquel l’enfant expérimente, imagine,
recrée ce qu’il accueille en lui par ses sens, est un facteur essentiel et
privilégié du développement de l’individualité.
e. Les quatre rythmes fondamentaux
L’enseignante soigne les quatre
rythmes fondamentaux (annuel, mensuel, hebdomadaire et journalier), ainsi
l’enfant acquiert une sécurité de base qui l’amène à se situer progressivement
dans le temps. Le rythme donne la possibilité à chacun de se saisir de ses
propres forces et capacités.
Au cours de ces trois années, l’enfant construit,
par l’expérience, des bases et des structures solides sur lesquelles viendront
prendre appui les acquisitions conceptuelles ultérieures.
2. Moyens mis en œuvre dans chacun de ces axes
a. Une transition entre le milieu familial et l’école
Les enfants restent avec la même
enseignante durant une à trois années, suivant leur âge d’entrée à l’école.
Elle
est une référence et grâce à ce temps qui lui est donné, un réel climat de
confiance peut s’établir entre elle et l’enfant.
Elle est aussi une référence
pour les parents. Le dialogue avec les familles est lui aussi facilité grâce au
facteur de durée. Un premier entretien a lieu avant l’inscription de l’enfant,
avec les parents, l’enfant et l’enseignante pour faire « connaissance ».
L’histoire de l’enfant, ses goûts, son tempérament, ses difficultés sont alors
évoqués. Une relation de confiance s’établit entre parents et enseignant et de
réels échanges peuvent avoir lieu. Des conseils éducatifs peuvent être échangés
lors de ces entretiens pour aider les familles.
Les enseignants jouent un rôle
important dans la détection des déficiences éventuelles et dans la prévention
des handicaps et peuvent évaluer les progrès ou les difficultés dans la durée.
Ils peuvent stimuler l’enfant à travers les différentes activités proposées.
b. Les groupes d’âges différents
Les groupes d’âge différents
donnent la possibilité d’aider l’enfant sans qu’il subisse de pression trop
forte. Les petits sont stimulés par les plus grands, cela permet à ceux qui ont
des difficultés d’aller à leur rythme, sans qu’ils soient enfermés par le
jugement des autres enfants.
1. La socialisation
L’enseignante est là pour
harmoniser la socialisation de l’enfant. Elle stimule les plus petits ou les
plus timides, freine les ardeurs de ceux qui envahissent trop facilement les
autres.
2. La tolérance
Le groupe d’âges différents
développe chez l’enfant la tolérance. Le grand doit accepter que le plus petit
soit plus lent et son dessin moins élaboré. Les petits apprennent à attendre le
moment juste pour faire certaines activités telle que le tricot.
3. L’égalité
Les enfants vivent l’égalité à
travers les capacités de chacun.
Chaque matin l’accueil des enfants est très
important, un moment est laissé à chacun pour s’exprimer. Ce temps de parole
développe la confiance en soi, l’écoute de l’autre. Chaque enfant attend son
tour pour parler. L’enfant élabore des phrases, structure son récit, soigne son
langage.
Être écouté et écouter soi-même permet à l’enfant de construire sa
personnalité.
L’enseignante doit veiller à ce que tous puissent s’exprimer et
une pensée est adressée à ceux qui sont absents. Le groupe reste uni.
c. Les activités proposées
1. Le dessin
Il permet à l’enfant de
représenter sa perception du monde et des formes, mais aussi sa perception de
lui-même et de son vécu.
Les blocs de cire utilisés lui laissent la possibilité
d’aborder la forme par le trait, les aplats et la couleur. L’enseignante laisse
généralement la liberté du thème à chacun. Le dessin est en outre pour elle un
moyen de connaissance de l’enfant et de son évolution.
2. Le modelage
À travers l’activité (cire,
fabrication hebdomadaire de pain), l’enfant exerce sa motricité fine. Par le
sens de la chaleur et du toucher qui sont ici cultivés, l’enfant apprend à se
percevoir comme un tout, rempli de vie, de chaleur. Il fait l’expérience de sa
limite corporelle.
3. La peinture
La technique de l’aquarelle,
utilisée sur papier mouillé, permet à l’enfant de manier aisément les couleurs
à l’aide de pinceau large. A travers la rencontre des trois couleurs primaires
l’enfant est heureux de voir apparaître de nouvelles couleurs, s’étonne de les
voir s’éclairer ou s’assombrir. Il vit intérieurement leurs différentes
qualités, leurs harmonies.
4. Le chant
Il est pratiqué au quotidien, il
cultive le sens musical. Il crée une enveloppe chaleureuse autour de l’enfant,
dans un moment de joie partagée.
5. Les comptines et jeux de
doigts
Le développement du centre
cérébral du langage se fait parallèlement à celui de la motricité fine. Les
comptines sont un élément de choix pour y contribuer et en accroître le
potentiel, tout en exerçant les différentes sonorités de la langue.
6. La motricité
Les mouvements utilisés sont un
langage visible et permettent à l’enfant de se structurer dans son corps tout
en acquérant souplesse et mobilité. Sa sensibilité et sa présence au monde
s’éveillent. Il apprend à mouvoir ses mains et ses pieds en imitant
l’enseignante. Les mouvements sont accompagnés d’une histoire changeant au
rythme mensuel.
7. Les rondes
Elles sont pratiquées
quotidiennement afin d’amener l’enfant à développer ses perceptions
sensorielles et ses capacités psycho-motrices.
À travers cette expérience, il
prend conscience de son corps, s’en fait une image géographique intégrant ainsi
peu à peu son schéma corporel. L’enfant acquiert une bonne coordination, il
apprend à se repérer dans l’espace. La latéralisation se met en place.
En
intégrant ainsi les trois dimensions de l’espace, l’enfant construit des bases
pour une bonne orientation dans sa propre vie.
8. Les contes racontés
Les contes mettent en scène
l’être humain dans sa capacité à se dépasser, à métamorphoser ses impulsions.
L’enfant crée ses propres images. Il s’identifie au héros qui développe, au
cours des différentes épreuves qu’il traverse, ce qu’il y a de plus humain en
lui. Les contes montrent à l’enfant le sens de l’effort, éveillent ses qualités
morales potentielles comme la compassion, tout en l’aidant à développer une
confiance en l’avenir.
Ces contes peuvent aussi être joués, mimés, mis en
musique. Son activité propre s’enrichit alors de perceptions sensorielles et
l’enfant devient observateur attentif.
9. Les histoires
Elles sont pleines de vie et
font appel aux différents sens de l’enfant qu’elles nourrissent. Elles se
déroulent par exemple dans l’ambiance chaleureuse de la ferme. Joie et légèreté
en sont les deux maîtres mots. Y sont évoquées des scènes de la vie
quotidienne, proches du vécu de l’enfant.
Le temps du conte raconté ou de
l’histoire est un moment privilégié pour cultiver l’écoute active, mais aussi
pour enrichir et développer le langage chez l’enfant.
d. Les jeux libres et l’environnement de l’école
1. L’importance de
l’environnement
Simple et naturel, vivant et
chaleureux, à l’extérieur comme à l’intérieur, il favorise des expériences
sensorielles variées.
En dehors des tables servant aux activités telles que le
dessin, la peinture, le modelage…, les enfants peuvent accéder à une maison de
poupée, un coin jeux d’eau, un grand tapis de jeux, un coin cuisine, un coin
repos.
Certains éléments du mobilier peuvent être déplacés à l’occasion des
jeux pour recréer de nouveaux espaces.
Des tissus de couleurs chaudes telles
que l’orangé et le rouge ont été choisis pour rendre l’atmosphère plus
chaleureuse.
Le coin cuisine intégré à la classe permet, outre la préparation,
de percevoir les bonnes odeurs provoquées par la cuisson d’un pain ou d’une
pâtisserie.
Un décor artistique sur table est créé par l’enseignant en fonction
des éléments, des couleurs et de la nature de la saison.
2. Le jeu
Nous nous efforçons d’offrir aux
enfants des jouets simples mais de qualité et dans des matériaux naturels tels
que le bois, la laine, la soie, le coton… Certains éléments de la nature comme
les pommes de pins, les marrons, les coquillages disposés dans des paniers
permettent aux enfants de mettre en scène des paysages, de les transporter dans
des camions, de faire la cuisine... Des jeux traditionnels tels que les jeux de
construction (cubes, kapla) sont aussi à la disposition des enfants.
Un
matériel de construction « grandeur nature » (échelles, planches, chaises)
permet de « construire » un environnement ludique (cabanes, paysages, garages)
et d’en être acteur. Ce matériel à destination multiple est propice à la
création qui devient de plus en plus élaborée en fonction de l’âge des enfants.
Par exemple une planche peut devenir un toboggan, un pont, une maison ; des
tissus de couleurs peuvent délimités l’espace d’une cabane ou représenter les voiles
d’un bateau.
L’enseignante favorise et valorise les initiatives qu’elle
reconnaît en évoluant au milieu des enfants.
3. L’importance de stimuler son
imagination dans le jeu libre
Après avoir vu, perçu et
accueilli de l’extérieur toutes sortes de situations, l’enfant recrée
spontanément à partir de sa capacité personnelle d’imitation. Il laisse libre
cours à sa créativité. Il fait vivre des personnages et exprime ainsi toutes
sortes d’émotions. Par exemple, il est tour à tour princesse, jardinière, papa,
chien, conducteur de train… En s’identifiant à ces personnages, il développe sa
personnalité et éveille sa créativité. Son imagination peut aussi rencontrer un
simple morceau de bois qui devient téléphone, fer à repasser ou voiture. À
travers ses expériences sensorielles, il devient actif dans tout son corps, il
expérimente et développe sa pensée dans la mobilité.
L’enseignante n’intervient
pas, avec des intentions pédagogiques :
Moins le jeu est déterminé, guidé ou
organisé par des idées d’adultes, meilleur il est, car l’enfant est libre
d’activer ses propres forces d’imagination avec les choses, et la rencontre
avec les autres. Il exerce sa volonté et développe ainsi son individualité
profonde.
e. Les quatre rythmes fondamentaux
L’enseignante soigne
particulièrement quatre rythmes fondamentaux.
1. Le rythme
annuel
Il sécurise l’enfant en
profondeur et donne du sens à son vécu. Il trouve naturellement sa place au
travers des saisons, du lieu et de la découverte de la nature (jardinage,
observation en milieu naturel, du grain au pain, du mouton à la laine), mais
aussi lors de la préparation des fêtes qui s’y rattachent :
Automne, fête des
lanternes, fête de l’Avent et Noël, fête des rois, chandeleur et carnaval,
Printemps et Pâques, Été. Nous travaillons ici sur la mémoire profonde.
2. Le rythme mensuel
Il s’appuie sur la répétition et
l’assimilation. C’est un « fortifiant » pour les forces de mémorisation et de
croissance du jeune enfant. Chants, comptines, rondes sont répétés, métamorphosés,
pendant trois à quatre semaines.
3. Le rythme hebdomadaire
Il est marqué par l’activité,
chaque jour différente, que propose la jardinière (par exemple lundi :
peinture, mardi : modelage, jeudi : pain, vendredi : motricité)
L’enfant se
lie, grâce à ses repères vivants, au jour qui trouve un caractère propre et
régulier. Cette répétition permet un rapport objectif de l’enfant à l’activité
et au vécu. Il ne se perd pas dans ses changements d’humeur : je n’ai pas
envie, j’ai envie, j’aime, je n’aime pas…
4. Le rythme journalier
Il permet au jeune enfant
d’acquérir une sécurité de base. La vie du groupe s’organise dans un rythme de
concentration, détente.
Les activités individuelles
créent une respiration avec les activités du groupe. Les activités dirigées par
l’enseignante alternent avec les activités libres : peinture, ronde, etc. Elles
saisissent le groupe dans sa globalité, après la détente des jeux libres et
imaginatifs.
Les activités extérieures (jeux d’eau et de sable, promenades,
jardinages) succèdent aux activités intérieures :
Les rondes, les histoires mimées
demandant l’activité de la parole, du mouvement dans l’espace, alternent avec
des séquences d’écoute (histoires, contes, marionnettes) ;
Les comptines, les jeux de
doigts, le modelage, développant la motricité fine et la concentration,
répondent aux grands jeux de sable, de pétrissage de pâte à pain ou à tarte,
etc.
Le repas pris de façon
conviviale autour de l’enseignante est suivi de la sieste où le sommeil de
chacun est respecté. C’est un moment de repos qui aide à l’intégration du vécu
de la matinée.
Ces différents espaces sont ainsi crées pour le bien-être de
l’enfant et le respect de son rythme individuel. L’enseignante est à l’écoute
des exigences liées au développement de l’enfant. Le rythme de
concentration-détente donne la possibilité à l’enfant de trouver un équilibre,
de gérer ses forces de volonté et d’activité.
Le rythme journalier lui permet
de se saisir de son individualité naissante. Étant acquis, il devient autorité
en soi.
Cette sécurité objective qui se développe au travers des différents
rythmes permet à l’enfant de se saisir de ses propres forces et capacités. Il
acquiert l’autonomie dans le temps, la première étape vers la liberté.
3. Harmonisation de l’éducation des enfants entre parents et
professeurs
Sur la base de l’observation
phénoménologique de l’enfant, des rencontres individuelles ont lieu entre
parents et professeurs au moins 1 fois / an (ou sur simple demande d’une partie
concernée)
Une réunion collective
(parents/professeurs) se déroule toutes les six semaines environ (une entre
chaque vacances) où un thème pédagogique (à préciser avant) et un « bilan
général » des activités pédagogiques en cours sont exposés ; toutes les
questions préoccupant les parents peuvent être abordées.
Un bulletin sera remis à la fin
de l’année scolaire aux parents dans lequel un « tableau » dépeint le mouvement
de l’évolution de l’enfant pendant la vie scolaire écoulée (pas encore mis en
place).
Un poème individuel, destiné à
l’enfant, fruit de l’observation de l’enfant. Les parents lui lisent l’été. Ce
poème reflète des éléments importants pour son développement (1 fois par
semaine, l’enfant le récite en classe).
Il est demandé aux parents de
prendre connaissance de « la Capucine du Je Dis » qui concerne la vie de
l’école (parution le jeudi tous les 15 jours). Elle est envoyée par courriel.
Un livret d’accueil est remis, au
tout début de l’année scolaire, aux parents avec le projet d’établissement, le
projet pédagogique, le règlement intérieur.
4. Conclusion
Au cours de ces trois années, la
richesse des expériences vécues dans le groupe permet à l’enfant de trouver ou
de construire la confiance en lui et en ses propres capacités, sous le regard
de l’enseignante qui l’accompagne et tisse avec lui une relation pédagogique
adaptée à sa situation particulière.
L’enfant apprend à développer une
stabilité intérieure, une sûreté. Fort de cette confiance, moteur de la vie
sociale, il peut rencontrer les autres et exercer sa créativité.
Il a
maintenant une maturité physique et émotionnelle suffisante pour aborder les
acquisitions conceptuelles.
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