À l'école Saint-André-Apôtre, dans l'arrondissement
d'Ahuntsic à Montréal, Marthe Tremblay intègre à son enseignement quotidien de
courtes séances de méditation qui aident grandement les enfants à retrouver
leur calme et leur concentration.
«Dans le noir, on s'assoit par terre en indien, on fait des
boucles avec nos doigts et on dit "Om" pendant quelques minutes»,
témoigne Julien Groulx, un jeune élève de la classe de maternelle de Mme
Tremblay. «Ça me fait du bien», lance spontanément le garçonnet débordant de
vie, qui apprécie ces moments de détente à l'instar de tous ces autres
camarades âgés de cinq et six ans.
«On joue à méditer pendant quelques minutes. Je ne leur
apprends pas de mantra particulier et ne les oblige pas à fermer les yeux. Mais
cela est très efficace pour calmer les enfants quand ils sont énervés. Cela les
aide à se recentrer, à retrouver leur concentration avant de faire un travail»,
précise l'institutrice, qui affirme consacrer tous les jours, après le retour
du dîner, un bref moment à des activités de relaxation qui peuvent prendre la
forme d'exercices de yoga, de respiration ou de séances de visualisation, lors
desquelles «on peut s'imaginer être une petite étoile qui brille dans le
firmament». «Ces exercices qui doivent être brefs et agréables peuvent même
aplanir les problèmes de comportement», ajoute Mme Tremblay.
Soleil Guérin, qui enseigne le yoga aux élèves des première,
deuxième et troisième années à l'école Nouvelle-Querbes, confirme l'engouement
des enfants pour cette activité apaisante. Les élèves sont de plus en plus
nombreux à assister aux séances qu'elle offre à cette école alternative
d'Outremont. «Par des postures d'animaux — chat, chien, serpent, lion — et des
séances de visualisation qui font appel à leur imagination dans leur espace
intérieur, j'amène les enfants à ressentir qu'ils ont un pouvoir sur
eux-mêmes», souligne Soleil Guérin, qui grâce au yoga a pu fournir de bons
outils de contrôle à son fils, particulièrement actif.
«Tout le monde peut faire de la méditation et on peut la
pratiquer à tout âge, affirme le moine bouddhiste Matthieu Ricard. Les enfants
adorent cela. C'est tout simple, on leur demande de garder l'attention sur une
fleur, un caillou ou l'image d'un papillon. C'est unanimement quelque chose qui
aide les enfants.» M. Ricard voit même la pratique de la méditation comme un
antidote efficace à la violence scolaire. Et ses convictions reposent notamment
sur des études menées auprès d'étudiants universitaires par le professeur
Richard Davidson, de l'université du Wisconsin à Madison, qui ont déjà montré
que la pratique de la méditation promeut l'empathie, la compassion et accroît
la concentration.
Sous les auspices de la Mind and Life Institute, une
organisation sans but lucratif qui vise à rapprocher scientifiques et
bouddhistes afin de confirmer et de populariser les effets bénéfiques de la
méditation, des chercheurs américains, parmi lesquels figure John Dunne, de
l'université Emory à Atlanta, amorcent en ce moment une série de projets de
recherche scientifique qui visent à évaluer chez les élèves de niveaux primaire
et secondaire «l'effet de la pratique quotidienne d'une forme de méditation sur
l'habileté à se concentrer à une tâche, sur les problèmes de comportement et sur
l'aptitude à ne pas se laisser bouleverser par les émotions». Parmi les
pratiques de méditation que les chercheurs ont retenues pour leur
expérimentation, John Dunne mentionne des techniques qui s'enseignent
facilement, comme le yoga, la «pleine présence fondée sur la réduction du
stress» (mindfulness based stress reduction) et une technique inspirée de la
méditation de la compassion pratiquée par les moines tibétains, dont fait
partie Matthieu Ricard.
Une attention accrue
Des études récentes d'imagerie par résonance magnétique
fonctionnelle ont permis de trouver dans le cerveau de moines tibétains ayant
médité plus de 40 000 heures durant leur vie l'empreinte de leur faculté
exceptionnelle à maintenir une attention soutenue sans se fatiguer. En fait, lorsque
ces moines amorçaient leur méditation, les régions du cerveau jouant un rôle
dans le contrôle et la régulation de l'attention, telles que le cortex
préfrontal, s'activaient intensément — beaucoup plus que chez les individus
qu'on avait récemment initiés à la méditation — mais retrouvaient rapidement
une activité de base, explique le professeur Davidson.
Autre signe de leur concentration accrue, les moines
arrivaient à discerner sans peine toutes les images différentes et consécutives
qui avaient été insérées au sein d'une série homogène, et même si elles étaient
présentées très brièvement. «Habituellement, quand vous reconnaissez une
première image différente au sein de la série d'images, votre attention demeure
collée sur cette image et ne s'en désengage pas suffisamment rapidement pour
voir celle qui suit et qui vous échappe alors. Or les méditants les plus
expérimentés voyaient toutes les images, car ils possèdent la faculté de
discerner des choses extrêmement subtiles», explique le moine et scientifique
Matthieu Ricard.
Selon le neuropsychologue Richard Davidson, les circuits
cérébraux dédiés à l'attention qui sont affectés par la méditation sont
vraisemblablement les mêmes que ceux qui interviennent dans les troubles de
déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité chez les enfants.
Conséquemment, «il pourrait peut-être être possible d'entraîner les enfants
souffrant de ces problèmes de comportement à l'aide de méthodes découlant des
pratiques de méditation», a affirmé le chercheur.
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