Publié : 31 août 2012
par TETRA – source : Le journal des chercheurs de René Barbier
Le Chef Joseph au Grand Chef Blanc.
Si nous ne possédons pas la fraîcheur de l'air et le
scintillement de l'eau, comment pourriez-vous les acheter ? Chaque parcelle de cette terre sacrée pour mon peuple.
Chaque aiguille luisante de pin, chaque pente sablonneuse, chaque brume dans
les bois sombres, chaque clairière et insecte bourdonnant, est sanctifiée dans
la mémoire et l'expérience de mon peuple. La sève qui coule à travers les arbres porte la mémoire de
l'homme rouge. Les morts de l'homme blanc oublient le pays de leur naissance
quand ils vont marcher parmi les étoiles. Nos morts n'oublient jamais cette
belle terre, car elle est la mère de l'homme rouge.
Nous faisons partie de la terre et elle fait partie de nous.
Les fleurs parfumées sont nos soeurs, le daim, le cheval, le grand aigle, ce
sont nos frères. Les crêtes rocheuses, les essences des prairies, la chaleur
corporelle du poney et de l'homme, font toutes partie d'une même famille.
Aussi, quand le Grand Chef à Washington nous fait savoir qu'il veut acheter
notre terre, il demande beaucoup de nous. Le Grand Chef nous fait dire qu'il
nous fera réserver une place afin que nous puissions vivre confortablement
parmi les nôtres. Il sera notre père et nous serons ses enfants. Nous
considérons donc votre offre d'acheter notre terre. Mais ce ne sera point chose
facile car cette terre est sacrée pour nous.
L'eau brillante qui coule dans nos ruisseaux et nos rivières
n'est pas seulement de l'eau, c'est le sang de nos aïeux. Si nous vous vendons
de la terre, vous devrez vous rappeler qu'elle est sacrée. Et vous devrez
enseigner à vos enfants qu'elle est sacrée et que chaque reflet spectral de
l'eau claire des lacs conte des évènements et des souvenirs de la vie de mon
peuple. Le murmure de l'eau est la voix du père de mon père. Les rivières sont nos frères, elles assouvissent notre soif.
Les rivières portent nos canoës et nourrissent nos enfants.
Si nous vous vendons cette terre, vous devrez vous rappeler
et enseigner à vos enfants que les rivières sont nos frères et les vôtres, et
vous devrez dorénavant montrer aux rivières la bienveillance que vous
montreriez à n'importe quel frère. Nous savons que l'homme blanc ne comprend
pas notre façon de vivre, pour lui une partie de la terre est la même qu'une
autre, car il est un étranger qui vient dans la nuit et prend de la terre ce
dont il a besoin. La terre n'est pas son frère mais son ennemie, et quand il
l'a conquise, il poursuit son chemin. Il laisse derrière lui les tombes de ses
pères, il ne s'en soucie point. Il kidnappe la terre de ses enfants, il ne s'en
soucie point. La tombe de son père et le droit inhérent de ses enfants sont
oubliés et il ne s'en soucie point. Il traite sa mère la terre, et sa mère le
ciel comme des objets à acheter, à piller, à vendre, comme des moutons ou des
perles de verre brillant. Son appétit dévorera la terre et il ne laissera
derrière lui qu'un désert que je ne connais point
Notre façon de vivre est différente de la vôtre. La vue de
vos cités fait mal à l'oeil de l'homme rouge. Mais, c'est peut-être parce que
l'homme rouge est sauvage et ne comprend pas. Il n'y a pas d'endroit tranquille
dans les cités de l'homme blanc, pas d'endroit pour entendre les feuilles
s'ouvrir au printemps ou le bruissement des ailes d'un insecte. Mais c'est
peut-être que je suis un sauvage et ne comprend pas. Le vacarme semble
seulement insulter l'oreille. Et qu'est la vie si un homme ne peut entendre le
cri solitaire de l'engoulement ou les discussions des grenouilles autour d'un
étang la nuit ?
Je suis un homme rouge et ne comprend pas. L'Indien préfère
le doux son du vent glissant rapidement sur la surface d'un étang et l'odeur
même du vent, lavée par une pluie du midi ou parfumée par le pin pignon. L'air
est précieux pour l'homme rouge, car toutes les choses partagent le même
souffle, la bête sauvage, l'arbre, l'homme, tous partagent le même souffle,
l'homme blanc ne semble pas s'apercevoir de l'air qu'il respire.
Comme un homme mourrant depuis plusieurs jours, il est
inconscient de la puanteur. Mais si nous vous vendons notre terre, vous devrez
vous rappeler que l'air est précieux pour nous, que l'air partage son Esprit
avec tout ce qu'il fait vivre. Le Vent qui donna son premier souffle à notre
grand-père reçoit également son dernier soupir. Et, si nous vous vendons notre
terre, vous devrez la séparer et la consacrer comme un lieu où l'homme blanc
peut aller goûter le vent parfumé par les fleurs des prairies.
Si nous décidons d'accepter, je poserai une condition :
l'homme blanc devra traiter les bêtes sauvages de la terre comme ses frères. Je
suis un sauvage et ne comprend aucune autre façon de vivre. J'ai vu un millier
de buffles pourrissant sur la prairie, abandonnés par l'homme blanc qui les a
tirés d'un train qui passait. Je suis un sauvage et ne comprend pas comment le
cheval de fer fumant peut être plus important que le buffle que nous ne tuons
que pour survivre. Si toutes les bêtes sauvages venaient à disparaître, l'homme
mourrait d'une grande solitude de l'esprit. Car ce qui advient de la bête
sauvage advient bientôt de l'homme.
Toutes choses sont liées. Vous devez apprendre à vos enfants
que la terre sous leurs pieds est la cendre de nos aïeux. Afin de leur faire
respecter la terre, dites à vos enfants que la terre est riche de la vie de vos
parents. Enseigner à vos enfants ce que nous avons enseigner aux nôtres - que
la terre est notre mère. Ce qu'il advient à la terre advient aux fils de la
terre. Si les hommes crachent sur la terre, ils crachent sur eux-mêmes. Ceci
nous le savons, toutes choses sont liées comme le sang qui unit une famille.
L'homme n'a pas tissé la toile de la Vie, il n'est qu'un fil de cette toile. Ce
qu'il fait à la toile il le fait à lui même.
Même l'homme blanc, qui marche avec son Dieu, qui parle avec
lui d'ami à ami, ne peut échapper à la destinée commune. Peut-être sommes-nous
frères après tout. Nous verrons. Il y a une chose que nous savons, et que
l'homme blanc découvrira peut-être un jour, notre Dieu est le même Dieu. Vous
croyez maintenant que Dieu vous appartient comme vous désirez que notre terre
vous appartienne, mais cela ne se peut pas. Dieu est le Dieu de l'homme et sa
compassion est la même pour l'homme rouge que pour l'homme blanc. La terre Lui
est précieuse et nuire à la terre c'est mépriser son Créateur.
Les blancs aussi viendront à passer, peut-être même plus tôt
que toutes les autres tribus. Contaminez votre lit et la nuit vous suffoquerez
dans vos propres immondices. Mais dans votre mort même vous resplendirez, mis à
feu par la force de Dieu Qui vous a mis sur cette terre et Qui, pour quelque
dessein particulier, guide votre domination sur cette terre et sur l'homme
rouge.
Cette destinée est un mystère pour nous, car nous ne
comprenons pas que tous les buffles soient massacrés, tous les chevaux sauvages
domptés, les coins secrets de la forêt lourds de l'odeur d'une multitude
d'hommes et la vue des collines fleuries bloquée par les fils parlants. Où est le
fourré ? Disparu. Où est l'aigle ? Disparu. La fin de la Vie et le
commencement de la survivance...
Je découvre votre blog et je vous remercie de me permettre de découvrir de si jolis textes...
RépondreSupprimerCe qu'il dit est beau, et vrai... ils avaient une telle relation à la nature, que je pense nous avons perdu...