Toutes les universités ont désormais un site Web dédié à l'enseignement
(www.universites-numeriques.fr).
La plupart ont décidé de faire en sorte que leurs ressources pédagogiques
soient de plus en plus souvent rendues publiques. Selon le ministère de
l'Enseignement supérieur, qui a financé la formation de deux mille enseignants
en la matière, le volume de cours disponibles en fichiers podcast numérisés,
vidéo ou audio, a triplé entre 2009 et 2010, passant de 12.000 à
30.000 heures. «Ce chiffre a sans doute encore doublé depuis», assure le
responsable des nouvelles technologies d'une université parisienne. Au point que
les enseignants sont régulièrement contactés par des passionnés… qui ne sont
plus étudiants depuis longtemps.
«Le profil classique, c'est le
retraité ou l'ingénieur qui souhaite accéder à des contenus scientifiques très
pointus», confie un professeur d'économie de l'université Toulouse-I. À
Paris-I, ce sont les cours de droit de Michel Verpeaux, adaptés et enregistrés
en studio, qui génèrent le plus de téléchargements. À Rennes-II, les cours en
vogue sont des vidéos sur les arts du spectacle et des cours de «narratologie
dans le cinéma» ainsi que les cours sur le tsunami d'Hervé Régnauld, professeur
de géographie physique. «Les sujets d'actualité attirent beaucoup de curieux en
quête d'explications approfondies», explique-t-on.
Cette pratique de la mise à
disposition des contenus pour tous est inspirée de la célèbre université
américaine Massachusetts Institute of Technology (MIT),
pionnier, il y a plus de vingt ans. «On part du principe que plus les
ressources sont diffusées et plus les enseignants vont proposer des cours de
meilleure qualité», souligne Benoît Roques, directeur adjoint des nouvelles
technologies (Tice) de l'université Paris-I. Les documents de cours sont de
plus améliorables régulièrement par leurs auteurs. Autre avantage, l'image de
l'institution profite de cette ouverture. L'École centrale de Lyon a récemment
décidé de mettre en valeur les travaux de ses professeurs et chercheurs en
s'inspirant du modèle des conférences californiennes TED diffusées sur Internet.
D'excellente qualité, chacune est regardée par des millions d'internautes. «Une
conférence podcastée peut rapporter une visibilité internationale à nos
enseignants, elle ouvre sur un lectorat qu'ils n'auraient peut-être jamais
atteint, mais aussi sur une forme de notoriété personnelle», confie Carole
Nocéra, responsable des Tice pour le pôle de recherche et d'enseignement
supérieur de Bretagne occidentale.
«L'idée de partager mes cours me
plaît»
A l'université
Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI), Claude Aslangul fait partie de ces
professeurs qui diffusent une grande partie de leurs cours sur Internet depuis
maintenant quinze ans. Régulièrement, il se voit contacté par mail par des
curieux qui lui posent des questions sur tel ou tel point ou le félicitent. «Ce
sont des scientifiques, bien sûr, des ingénieurs de tous les âges, mais aussi
souvent simplement des gens curieux qui ont gardé une passion pour leurs études
scientifiques et qui veulent progresser pour le plaisir, explique ce professeur
qui partira bientôt à la retraite. L'idée de partager mes cours me plaît, car
je trouve que l'université ne fait pas encore suffisamment de choses en
direction du grand public.» Les «mentalités évoluent», estime-t-il, mais
certains de ces collègues sont encore un peu réticents en raison du travail
supplémentaire que demande une mise en ligne: «La présentation doit être
soignée, attrayante, régulièrement mise à jour, etc. C'est beaucoup de
travail», détaille-t-il.
«Une aventure positive»
Claude Aslangul n'a «jamais eu de
stratégie de notoriété» en diffusant ses cours, même si, remarqués par un
éditeur, ces derniers lui ont permis d'être publié et d'écrire trois livres sur
les mathématiques et la mécanique quantique. «Cette aventure a été très
positive pour moi», reconnaît-il. Mais son but reste de «permettre à qui veut
d'en profiter. J'ai avant tout le souci du service public, car c'est selon moi
l'une des tâches premières des universités.»
Économiste financier dans une
banque parisienne, Philippe Trazit, 35 ans, s'est pris de passion pour les
cours du physicien en surfant sur Internet: «Je cherchais un cours de mathématiques
appliquées pour me perfectionner dans ce domaine et je suis tombé sur son
cours, remarquablement bien fait, de mathématiques pour physiciens.» Ancien
lettré, l'auteur écrit à «la manière des traités mathématiques du
XIXe siècle», explique-t-il: «C'est très littéraire, très plaisant à lire
avec beaucoup de volonté d'explications par rapport à un cours standard.» Après
avoir échangé quelques messages avec le professeur pour le remercier et lui
poser des questions sur son parcours, il a fini par acheter l'un de ses livres,
qui trône désormais en bonne place dans sa bibliothèque scientifique…
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