« Qu’est-ce que j’entends
par Approche Centrée sur la Personne ? C’est l’expression du thème de
toute ma vie professionnelle qui s’est clarifié au cours de mon expérience, de
mes interactions avec les autres au fil de ma recherche. Je souris en pensant
aux diverses étiquettes que je lui ai données au long de ma carrière :
counseling (1) non-directif, thérapie centrée sur le client, enseignement
centré sur l'élève, leadership centré sur le groupe. Les champs d’application
s'étant multipliés et diversifiés, l’étiquette d’Approche Centrée sur la
Personne me semble celle qui la décrit le mieux.
L'hypothèse centrale de cette
approche peut être brièvement résumée :
L’individu possède en lui-même
des ressources considérables pour se comprendre, se percevoir différemment,
changer ses attitudes fondamentales et son comportement vis-à-vis de lui-même.
Mais seul un climat bien définissable, fait d’attitudes psychologiques
facilitatrices, peut lui permettre d’accéder à ses ressources.
Il y a trois conditions requises
pour qu'un climat soit favorable à la croissance de l'individu, qu'il s'agisse
d'une relation client-thérapeute, parent-enfant, leader-groupe,
enseignant-enseigné, administrateur-administré. Ces conditions sont, en fait,
applicables partout où le développement de la personne est en jeu. J'ai décrit
ces conditions dans des ouvrages précédents. Je n'en présente ici qu'un bref
résumé mais la description s'applique à toutes les relations mentionnées
ci-dessus.
A la première on peut donner le
nom d’authenticité, de réel ou de congruence. Plus le thérapeute est lui-même
dans la relation, sans masque professionnel ni façade personnelle, plus il est
probable que le client changera et grandira de manière constructive. Cela
signifie que le thérapeute « est » ouvertement les sentiments et les
attitudes qui circulent en lui au moment présent. C'est le terme transparent
qui fait le mieux saisir la saveur de cette condition : le thérapeute se fait
transparent pour le client.
Le client peut complètement voir
ce qu'est le thérapeute dans la relation ; il n'y a en lui aucune réserve que
le client puisse ressentir. Par ailleurs le thérapeute prend conscience de
l'expérience intérieure qu'il est en train de faire. Il peut la vivre dans la
relation et la communiquer s'il le juge opportun. Il y a donc une grande
similarité, ou congruence, entre ce qui est ressenti au niveau viscéral, ce qui
est présent à la conscience, et ce qui est manifesté au client.
La seconde attitude qui est
essentielle à la création d'un climat de changement est l’acceptation,
l’attention, l’estime – ce que j’ai appelé le regard positif inconditionnel.
Lorsque le thérapeute éprouve une attitude positive et d'acceptation face à
tout ce que le client est en ce moment, peu importe ce qu'il est à ce
moment-là, il est vraissemblable qu'un mouvement ou changement thérapeutique se
produira. Le thérapeute est désireux que le client soit le sentiment immédiat
qu'il éprouve au moment même, quel que soit ce sentiment : confusion,
ressentiment, crainte, colère, amour ou orgueil. Cette attention de la part du
thérapeute n'est pas possessive. L'estime qu'il a pour son client est plutôt
totale que conditionnelle.
Le troisième aspect facilitateur
de la relation est la compréhension empathique. Cela signifie que le thérapeute
ressent avec justesse les sentiments et les significations de ce dont le client
est en train de faire l'expérience. Cela signifie aussi que le thérapeute lui
communique cette compréhension. Quand il est au mieux de son fonctionnement, le
thérapeute est tellement à l'intérieur du monde de l'autre que non seulement il
peut clarifier les significations de ce dont le client a pris conscience mais
aussi de celles qui se situent juste au dessous du niveau de la prise de
conscience. Ce type d'écoute sensible et actif est extrêmement rare dans nos
vies. Nous pensons écouter mais notre écoute est rarement assortie d'une
compréhension réelle, d'une véritable empathie. Pourtant une écoute de ce type
très particulier est l'une des plus puissantes forces de changement que je
connaisse.
Comment le climat que je viens de
décrire peut-il être facteur de changement ? Brièvement je dirai que lorsque
les personnes sont acceptées et estimées, elles ont tendance à être davantage
bienveillantes vis-à-vis d'elles-mêmes. Lorsque les personnes sont entendues
avec empathie elles peuvent écouter avec plus de justesse le flot de leurs
experiencings (2) internes. Dans la mesure où une personne comprend et estime
son propre soi, le soi devient plus congruent avec les experiencings. La personne
devient plus réelle, plus authentique. Ces tendances, réciproques des attitudes
du thérapeute, permettent à la personne d'être un acteur encore plus efficace
dans l'accomplissement de son propre développement. A être vraie et totalement
elle-même la personne jouit d'une plus grande liberté.
Rogers, 1962
(1) - Le terme counseling est
couramment utilisé par Rogers en lieu et place de psychothérapie.
(2) Experiencing: terme qui n'a
pas d'équivalent lexical en français. Il signifie une expérience interne qui
est en train de se faire.
Je procède de cette manière dans l’ensemble de mes interventions (Encadrement d’équipes, de stagiaires, de groupes d’ados et d’enfants).
RépondreSupprimerAinsi, je m’efforce modestement d’en faire ressentir les fondements et les valeurs à mes proches collaborateurs.
Plus que tout, ce rapport à l'autre est un mode de vie...