Vincent Berger est le
rapporteur général des Assises de l'enseignement supérieur et de la
recherche. Certaines propositions de son rapport, rendu le 17 décembre à
François Hollande, recommandent la fin du cours magistral à l'université. Une
« institution » qui, à l'ère du numérique, doit selon lui être repensée.
Explications.
Un article d’Emilie Salvaing pour
http://www.vousnousils.fr , 21.12.12
Vincent Berger, Lors des Assises, la pertinence
du cours magistral a été remise en question, pourquoi ?
L'émergence des technologies
numériques change la donne. Le numérique, ce n'est pas seulement un outil,
c'est aussi un bouleversement de notre rapport aux savoirs. La
connaissance est partout, disponible en permanence, sur Internet, sur les
téléphones... Cela modifie forcément le rapport à l'enseignant. Il n'est
plus le seul dépositaire de la connaissance. Il n'est plus là pour délivrer
le savoir mais pour enseigner à « savoir savoir ». Dans ce contexte, le cours
en amphithéâtre, qui est unidirectionnel, parait désuet, voire
anachronique.
Par quoi seraient alors
remplacés ces cours magistraux ?
Il ne faut pas imaginer que le
numérique puisse résoudre tous les problèmes et que, par son utilisation,
on ne vise que la réalisation d'économies ! Rien ne remplace le contact
humain. La valeur ajoutée de l'université aujourd'hui c'est l'humain. Nous
préconisons une double approche, avec d'un côté le développement des
cours en ligne et de l'autre une nouvelle relation au savoir entre
l'enseignant et l'étudiant avec plus de temps consacré au suivi des études. On
peut imaginer davantage de travaux dirigés, de travail en petits groupes
et d'échanges directs avec les enseignants. C'est une transition qui se fera
sur plusieurs années, la transformation des pratiques sera longue.
Comment imaginez-vous cette
université en ligne ?
Les Etats-Unis développent déjà
l'université en ligne. Ce pays a un modèle d'université qui selon moi n'est pas
tenable en France. Aux Etats-Unis l'enseignement supérieur est un marché et
où les frais d'inscription sont très élevés. En France, c'est un service
public. Cela doit le rester. Mais l'université et l'école en ligne à la française
sont à construire. Tout est imaginable, à commencer par une coopération
entre les établissements d'enseignement supérieur, avec la mise au « pot
commun » de certains cours. Toutes les universités auraient ensuite le
droit d'utiliser ces cours. Dans cette configuration, on demanderait aux
étudiants de suivre en ligne tel cours avant une date donnée. Bien sûr, cela
représenterait un investissement de départ important et un énorme
travail de fabrication du « matériau premier » et de réalisation des
supports adéquats.
C'est donc l'avenir de nos
universités ?
Les universités et les écoles
françaises s'ouvriraient à tous, sur le territoire national comme à
l'étranger. Tout étudiant motivé pourrait suivre les cours et décrocher un
diplôme, qu'il soit malade et dans l'incapacité de se déplacer, qu'il s'agisse
des étudiants empêchés, c'est-à-dire en prison, ou encore des élèves
francophones basés à l'étranger, en Afrique par exemple. Si l'université
française rate ce virage, des structures étrangères s'engouffreront dans la
brèche. Lors des Assises nationales de l'enseignement supérieur et de la
recherche, beaucoup de collègues, qui n'avaient pas vu venir ces
changements, en ont pris conscience. C'est devenu un sujet d'indépendance
nationale.
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