Un texte de Michel Lobrot
Au début du siècle, des penseurs
intéressés par la pédagogie - Dewey, Maria Montessori, Decroly, Ferrière,
etc - crurent découvrir une nouvelle loi de l’apprentissage, qui avait été déjà
entrevue par Rousseau, Pestalozzi et d’autres, à savoir qu’un sujet apprenant
ne peut faire des acquisitions, développer des capacités et des savoirs
que dans le plaisir, c’est à dire dans un contexte de libre choix et
d’autonomie. Cela contredisait à angle droit la pratique installée depuis des
millénaires dans les familles et dans les écoles, dont H.I. Marrou a fait une
analyse magistrale dans son livre Histoire de l’éducation dans l’antiquité (1),
pratique fondée sur la contrainte et la menace de sanctions.
Cette idée était révolutionnaire.
Elle a donné naissance à des méthodes tout à fait nouvelles, comme les méthodes
actives, la pédagogie Freinet, la pédagogie institutionnelle, etc.
Malheureusement, elle s’est trouvée compromise par le phénomène de
massification, apparu à peu près à la même époque, qui résultait de la
généralisation de l’enseignement, de son extension à des âges de plus en plus
avancés et même à toute la vie, de la multiplication incroyable des effectifs
scolaires et universitaires. Cet accroissement quantitatif ne permettait pas
les expérimentations et les tâtonnements nécessaires à l’invention d’une
nouvelle pédagogie. Celle-ci, après quelques avancées spectaculaires et
prometteuses, dans les années 60, s’est trouvée étouffée par d’autres
préoccupations.
RETOUR AU PROBLEME -
Aujourd’hui, où des inquiétudes
surgissent concernant l’intérêt que les enfants peuvent avoir pour l’école, où
on essaye de comprendre la dérive de celle-ci vers la violence, où des
méthodes, comme la “remédiation cognitive”, qui avait suscité l’enthousiasme il
n’y a pas longtemps , se trouvent critiquées par des chercheurs désintéressés
que essayent d’en mesurer les effets (2), il faut à nouveau reposer le problème
posé par les penseurs du début du siècle: quel est le contexte le plus favorable
pour apprendre? Est ce que l’apprentissage se réalise de la même manière que le
travail, c’est à dire dans l’imposition et la contrainte? Quelle place faut-il
faire au plaisir dans l’apprentissage?
Pour résoudre ce problème d’une
manière aussi scientifique que possible, il importe d’avoir une méthodologie.
Celle
qui a été utilisée le plus couramment jusqu’ici relève de ce qu’on a appelé la
défectologie, qui consiste à partir des déficiences et des troubles pour
essayer de formuler des lois. Par exemple, on part des enfants qui échouent
dans les apprentissages scolaires et on essaie de voir quels sont les facteurs
qui peuvent expliquer ces échecs.
Malheureusement cette méthode ne peut
donner les résultats qu’on en attend. L’échec, d’une manière générale, comme la
déficience et le manque, peut résulter d’une multitude de causes, car il suffit
d’une seule cause ou condition absente pour produire l’échec. Il suffit par
exemple qu’un enfant ne soit pas aidé à la maison pour qu’il échoue.
On ne
peut rien conclure de là pour expliquer un phénomène donné, comme
l’apprentissage. Du fait qu’un enfant non aidé ou qui vit dans une famille
agitée échoue à l’école, peut-on conclure que l’enfant qui réussit arrive à ce
résultat parce qu’il est aidé chez lui ou vit dans une famille calme?
Evidemment non. Les facteurs qui expliquent l’absence de quelque chose ne sont
pas les mêmes qui expliquent la présence de cette chose. Cette remarque
capitale s’applique aussi bien à la théorie de la “sélection naturelle” de Darwin,
qui explique parfaitement pourquoi des espèces ont disparu mais non pas
pourquoi elles sont apparues. Une espèce n’existe pas seulement parce qu’elle
n’a pas disparu, même si sa non-disparition est une condition de son existence.
Il existe des processus spécifiques qui font apparaitre et naitre les choses, y
compris les organes qui leur permettent de se défendre. Ce sont ces processus
qu’il faut découvrir.
Pour revenir à la pédagogie, je propose d’appeler
perfectologie la méthode complètement inverse à la méthode traditionnelle.
Cette méthode consiste à essayer d’expliquer pourquoi les sujets qui réussissent
dans les apprentissages précisément réussissent. Ce procédé pourrait
s’appliquer au moins à trois domaines:
1- A l’étude des apprentissages
qu’on pourrait appeler naturels, tels que la parole, la communication,
l’”attribution” (connaissance d’autrui), les lois de la vie sociale, les
lois du déplacement physique (conservations de Piaget), les processus
intellectuels (cognitivisme), les valeurs des actions et des situations
(expérience évaluative), etc,
2 - A l’étude des phénomènes en
jeu dans les quelques domaines où l’école réussit , c’est-à-dire là où
elle réussit (il y en a peu: les bases de la lecture, savoir compter,
quelques connaissances générales),
3- A l’étude des génies et
réussites exceptionnelles dans tous les domaines, ce qu’on a appelé la
“géniologie”, sur laquelle il ya maintenant quelques ouvrages importants.
Je
me centrerai surtout par la suite sur le premier domaine, qui est le plus
général.
LES APPRENTISSAGES NATURELS -
Ce qui frappe le plus quand on
observe les apprentissages naturels, qui concernent peut-être 90 % de la
totalité des connaissances que nous utilisons dans notre vie, en tous cas les
plus fondamentaux, sans lesquels nous ne pourrions même pas vivre, c’est leur
caractère parfaitement spontané, on pourrait presque dire non-volontaire. Ils
se font sur les objets et situations qui apparaissent au moment où ils
apparaissent, d’une manière qui échappe presque complètement au contrôle du
milieu et qui dépend presque entièrement des intérêts, des goûts, des penchants
du sujet.
Cette conclusion découle d’à peu près toutes les études qui ont
été faites ces dernières décennies sur les apprentissages naturels en question.
Qu’on regarde les études des
“cognitivistes” (Lécuyer, Pêcheux, Olson, etc) et on verra que des phénomènes
comme “la réaction à la nouveauté”, l’”habituation”, fondements de la vie
intellectuelle, sont en grande partie spontanés, immédiats, non contrôlés. De
même, les psychologues sociaux qui se sont penchés sur les phénomènes de
représentations sociales et d’”attribution” (Asch, Anderson, Kaplan, Kelley,
etc) remarquent que le savoir considérable acquis à travers eux s’acquière au
fur et à mesure de la vie, à travers les événements concrets de celle-ci et par
des processus qui ne sont pas loin de l’induction scientifique. Depuis
longtemps, on sait que le jeu permet à l’nfant de découvrir les lois du
mouvement physique et les structures de l’imaginaire. Les spécialistes de la
psychologie de l’enfant, comme Bower, Montagner, etc, qui ont étudié la
communication chez l’enfant, dès les premiers mois de la vie, observent que la
“synchronie interactionnelle” est mise en jeu par l’enfant spontanément à
partir des situations et impacts qui se présentent. L’acquisition du langage,
qui a été très étudiée, en particulier par Bruner, ne dépend en aucune manière
des efforts du milieu pour faire acquérir un “bon langage” (voir l’ouvrage
Talking to children (3 ) qu fait le point là-dessus), etc.
Tout se
passe comme s’il existait deux sortes de domaines, divisant l’ensemble de nos
activités et de nos opérations psychologiques.
D’un côté, il y a les
activités qu’on pourrait appeler endogènes, qui ne se font pas à partir
d’autres et pour satisfaire des exigences extérieures mais à partir du
sujet et pous satisfaire ses exigences. Par définition, ces activités sont non
volontaires, car la volonté est une fonction qui nous permet de soumettre une
opération psychologique à une visée extérieure, dont elle permet la
réalisation. Par exemple, je prête spontanément attention à un événement qui se
produit devant moi, sans que j’ai aucunement l’intention d’en tirer un profit
quelconque, je me souviens spontanément d’un événement passé, sans que je sache
pourquoi j’y pense, je réfléchis spontanément à un problème, sans que ma survie
dépende de la solution de celui-ci, etc. Tout cela se fait, si l’on peut dire,
naturellement, parfois avec de grands efforts, mais sans ennui et pour
satisfaire une pulsion intérieure.
A l’opposé, existent des
activités que j’appellerai exogènes, qui nous permettent de nous ajuster
au flux incessant des événements et des transformations du milieu. Les
incitations viennent de celui-ci. Il est donc souverain et fixe les normes
auxquelles nous devons nous adapter. Le contrôle externe, en particulier celui
de la société ambiante, est dans ce cas non seulement possible mais nécessaire.
Une différence importante entre les deux registres consiste dans la permanence
des informations qui surviennent dans chacun d’eux. Dans le premier, la mémoire
à long terme est possible et constitue même la règle, ce qui rend possible
l’accumulation des connaissances et le savoir proprement dit. Dans le second,
au contraire, les connaissances passent et ne restent souvent pas plus
longtemps que quelques heures ou une journée. Ce sont des milliers
d’informations auxquelles nous sommes confrontés chaque jour, que nous oublions
immédiatement et qui ne font souvent appel qu’à la “mémoire à court terme”
(“mémoire de travail” des spécialistes).
Une autre différence importante
réside dans la nature de la relation SR (Stimulus-Réponse, en théorie de
l’apprentissage). Dans le premier système, le stimulus ou, si l’on préfère, le
milieu extérieur n’est qu’un support et un excitant. L’impulsion vient de l’intérieur,
du sujet qui cherche, si l’on peut dire, des objets dans lesquels s’investir et
qui les traite quand il les a trouvés. Dans le second système, au
contraire, le stimulus est une cible c’est à dire un objet dont la
transformation est visée explicitement comme une finalité. Par exemple, dans le
premier schéma, l’homme lance une pierre au loin pour expérimenter sa capacité
de lanceur.
Dans le second schéma, il la
lance au loin pour débarrasser de cet objet gênant le champ qu’il est en train
de cultiver.
Il résulte de cela une conséquence très importante au point de
vue pédagogique, à savoir que le contrôle du milieu extérieur, par exemple
l’école, ne peut s’exercer, dans le premier schéma, que d’une manière
indirecte, c’est à dire en présentant des situations et des objets qui peuvent
ou non être acceptés. Il ne peut s’exercer directement, à partir d’un programme
ou autrement On ne peut rien faire d’autre que de ”montrer” les mathématiques
ou la musique, comme on disait autrefois. Le modèle non-directif s’impose.
LA PLACE DU PLAISIR
Il apparait clairement que
le plaisir constitue le moteur essentiel dans le premier schéma. Cela se déduit
de sa nature même. Il est par essence “autotélique”, comme disait Baldwin,
c’est à dire centré sur les besoins du sujet, sur ses exigences internes. Pour
autant que nous puissions le décrire, ce qui n’est pas facile, car il constitue
plus une expérience intérieure qu’un objet observable, il consiste dans un
mouvement intense, une rupture dans le continuum, dont l’expression la plus
pure est l’orgasme, analysé par Masters et Johnson (4).
Ce côté extatique est important,
comme nous allons le voir, pour comprendre sa nécessité.
Certains auteurs ont
essayé de le toucher, dans son rapport avec l’acte d’apprendre. C’est ce qu’a
fait Jérôme Kagan, quand il a montré, contre Piaget, que les enfants, dans la
première année de leur vie, pensent (Do infants think?) et qu’il a
mesuré, en même temps, les rythmes cardiaques. Ceux-ci se modifient au
moment de l’activité de penser. C’est ce qu’a fait aussi Goldstein, qui a
établi un rapport direct entre le sourire de l’enfant et son développement
intellectuel
Le plus important à comprendre est que le plaisir ne constitue
pas seulement un adjuvant mais joue le rôle d’un indicateur. C’est en effet lui
qui permet au sujet de repérer le moment où il est en présence d’un
élément nouveau qui va lui permettre d’opérer la rupture inhérente à
l’apprentissage.
J.D. Vincent, dans son dernier livre ( La chair et le
diable ) (6) cite une recherche américaine, dans laquelle on met des rats dans
un labyrinthe en Y, dont on ferme, dans un premier temps, la branche non
pertinente, de telle sorte que les rats ne peuvent rien faire d’autre que
d’aller directement vers la récompense Dans un deuxième temps, on ouvre
les deux bras et on observe quels sont les rats qui, bien que sachant quelle
est la route bénéfique, explorent cependant l’autre route, par curiosité.
Celle-ci n’est pas un luxe inutile.
On sait, par d’autres recherches
que ce qu’on appelle l’”apprentissage latent” est indispensable pour que
l’apprentissage utile ( par ”renforcement”) ait lieu. Autrement dit, il faut
que le rat se donne des repères, ce qu’il ne peut faire qu’en isolant des
formes et en les comparant, comme le bébé. L’activité libre est là aussi
nécessaire.
Une question cependant se pose. C’est celle de savoir
comment fonctionne l’apprentissage, quand il ne se fait pas d’une manière
que j’ai appelée “naturelle”, c’est à dire quand il est voulu, organisé,
programmé, ce qui se passe évidemment à l’école. Ne doit-on pas penser qu’alors
les incitations ou impositions extérieures exercent leur influence et sont même
indispensables.
Que serait l’école si elle n’exerçait
pas un contrôle sur le travail des enfants (la discipline est un autre
problème)?
A mon sens, le schéma est exactement le même que celui qui joue
pour les apprentissages naturels. Il faut en effet insister sur un fait, qui a
une valeur quasiment expérimentale et qui a été mis en lumière, d’une manière
éclatante, depuis que l’école a été rendue obligatoire. Il s’agit du fait que
des milliers d’enfants, sur lesquels on effectue le maximum possible de
pressions et de menaces, ne réussissent pas, malgré cela, à opérer les
apprentissages élémentaires, comme lire, écrire, compter et d’autres choses. Un
organisme européen de recherche a chiffré à 40 % en France le taux
d’”analphabétisme fonctionnel” chez les adultes (7).
Les incitations externes sont pourtant
gigantesques: punitions et récompenses à l’intérieur même des classes,
réprimandes des parents, honte aux yeux des autres élèves, menace pour la
scolarité à venir, menaces pour l’insertion sociale future, etc. Malgré cela,
les taux d’échecs sont considérables, ce que Skinner n’a pas pris en compte
dans sa théorie.
Il n’existe en fait que deux alternatives: ou bien on demande
au sujet de mettre en œuvre une opération qu’il sait faire ou bien on lui
demande d’apprendre à faire cette opération, en utilisant, dans les deux cas,
toutes les pressions externes imaginables.
Dans le premier cas, il n’y a pas
apprentissage mais seulement exécution et le sujet peut réaliser
l’acte qu’on lui demande. Il suffit que la pression soit assez forte. Dans le
second cas, au contraire, le sujet, malgré toute sa bonne volonté, tout
son désir d’obéir et d’obtenir les récompenses, ne peut pas, n’est pas capable
d’effectuer l’apprentisage qu’on lui demande. Il peut, il est vrai, faire les
actes extérieurs préparatoires, se mettre à sa table, ouvrir ses cahiers et ses
livres, lire les données du problème, mais il ne peut aller plus loin. Cela est
d’expérience courante.
Pourquoi cette impossibilité? Parce qu’on exige
de l’élève de mettre en place un processus interne qui a des exigences
intrinsèques, qui ne dépend pas de sa bonne volonté, et qui réclame
impérativement l’intervention du plaisir, c’est à dire de cette spontanéité qui
permet l’invention. Il lui manque précisément la dynamique qui induit le
passage à un autre état, indispensable pour restucturer le donné et réaliser
l’apprentissage. Il est plongé dans un état d’inertie qu’il ne faut pas lui
imputer, qui n’est pas de sa faute et qui, à la limite, ne dépend pas de lui.
Les conséquences qui découlent de
ce forcing, consistant à faire pression sur des sujets qui ne peuvent pas
réaliser ce qu’on leur demande, sont catastrophiques. Nous observons en effet
alors ce que Seligman, dans des recherches maintenant bien connues, a appelé
l’”impuissance apprise” (8). C’est le phénomène qu’on constate quand on soumet
un chien à des chocs électriques imprévisibles (aléatoitres) auxquels il ne
peut se soustraire d’aucune façon. Dans un second temps, quand on met ce
même chien sur une grille électrique chargée, en lui offrant la possibilité de
fuir en sautant par dessus une barrière latérale, il n’est même plus capable de
faire cette action, qu’effectue sans aucune difficulté un de ses congénères
placé dans la même situation.
Chez les humains qu’on a étudiés,
on constate des réactions de repliement, de désespoir et d’inertie tout à fait
comparables. Le sujet, si l’on peut dire, fantasme le malheur, dans lequel il
se complait et qu’il n’arrête pas de ruminer. On reconnait facilement dans ce
tableau la triste situation de ces enfants dits “dyslexiques” ou en échec
scolaire qu’on envoie, vers 9-10 ans, dans des centres de rééducation où ils
manifestent des blocages pratiquement irréversibles. Cela a été dûment
constaté.
UNE PEDAGOGIE DU PLAISIR -
Si la thèse que je soutiens est
vraie, que peut-on et que doit-on faire? Des difficultés considérables
apparaissent ici, car une des caractéristiques de la société moderne est
d’attacher une importance primordiale aux apprentissages et d’utiliser les
épreuves d’évaluation, censées mesurer les résultats de ceux-ci, comme des
méthodes de sélection dans l’accès aux différentes professions, selon le schéma
de Sorokin.
Comment peut-on à la fois conserver l’ouverture nécessaire et
exercer un contrôle incessant sur une activité quasiment sacralisée? Il y a là
une contradiction dont l’école est en train de mourir.
La seule chose qu’on pourrait et
qu’on devrait faire serait de repérer les activités que l’élève a envie de
faire “par plaisir” et de bâtir là-dessus une formation qui pourrait fort bien
se présenter comme un programme. Ce serait un programme individualisé,
personnalisé. Serait-ce encore un programme? Oui, en un certain sens. Plus
exactement, ce serait une intervention sur une base non-directive, ce que j’ai
appelé une “non-directivité intervenante”, que je considère comme la seule
chose possible dans le domaine pédagogique et psychothérapeutique.
Une telle
intervention était évidemment beaucoup plus facile autrefois. C’est d’ailleurs
elle qu’on rencontre à chaque fois qu’on assiste à la naissance d’une
personnalité exceptionnelle, considérée comme géniale.
Quand on étudie de près la
pédagogie à laquelle a été soumise par exemple le jeune Mozart, dès l’âge de
trois ans, de la part d’un père qui était un compositeur prolifique et un
théoricien de la musique, on tombe sur ce phénomène (9). ”Dans sa quatrième
année, écrit sa sœur Marianne en 1799, son père commença à lui enseigner au
clavecin, pour ainsi dire par jeu, quelques menuets et autres pièces: étude qui
coûtait si peu de peine aussi bien au père qu’à l’enfant, que ce dernier
apprenait une pièce entière en une heure, de façon à pouvoir les jouer,
sans aucune faute, avec la mesure et la netteté les plus parfaites.”
Les déclarations de ce genre
abondent dans les descriptions de la vie de Mozart dans les années 1760, quand
il était dans ses quatre ans. Cela rejoint les expériences d’apprentissage de
la lecture faites par Glenn Domann aux Etats-Unis sur des enfants de trois ans
ayant des troubles cérébraux.
Comment de telles expériences ou plutôt l’esprit
qui les inspire peuvent-ils être transposés dans l’école de masse, obligatoire
et généralisée, de l’époque moderne?
C’est le défi auquel nous sommes
confrontés. Saurons-nous trouver les solutions adéquates, opérer la jonction
indispensable entre le psychologique et l’institutionnel. L’avenir le dira. De
toute façon, nous n’avons pas le choix. Il faut impérativement faire
quelque chose.
Concluons de ces réflexions que le plaisir est non seulement un
ingrédient de l’apprentissage mais son moteur, l’élément sans lequel il est
impossible d’apprendre.
Les penseurs du début du siècle avaient donc
raison. Ils avaient une vision prophétique. Nous devons les écouter. Nous
pouvons même essayer d’aller plus loin qu’eux.
______________________________________
Notes
(1) H.I. MARROU - Histoire de
l’éducation dans l’antiquité. Ed. du seuil. Paris, 1948.
(2) Voir la critique par Michel
Huteau des thèses de Feuerstein. Cf. Le n° 12 de la revue Sciences humaines.
Aussi: Apprendre à apprendre: La question de l’éducabilité cognitive, de Michel
Huteau et coll. Hachette-éducation, Paris, pp. 169-178.
(3) C.S. SNOW et C.A. FERGUSON -
Talking to children Cambridge University press, London, 1977
(4) W.H. MASTERS et V.E.JOHNSON -
Les réactions sexuelles. Ed. Robert laffont, Paris, 1966.
(5) J.D.VINCENT -La chair et le
diable .Ed. Odile Jacob, Paris, 1996.
(7) Littéracie, Economie et
Société. Résultats de la première enquète internationale sur l’alphabétisation
des adultes,1995.
(8) M.E.P. SELIGMAN -Helplessness
.W.H. Freeman, San Francisco, 1975.
(9) J.et B. MASSIN - Wolfgang
Amadeus Mozart. Ed. Fayard, Paris, 1970.