Annie Kahn - LE MONDE | 14.01.2013
Un brillant, mais néanmoins
discret, entrepreneur de l'est de la France, affirmait que ses meilleures idées lui venaient à l'esprit à la messe
du dimanche, au moment du sermon. Nouveaux produits et astuces techniques pour
améliorer un procédé de fabrication s'affichaient alors dans les lobes
cérébraux de ce polytechnicien avisé.
L'homme, aujourd'hui décédé,
était très pieux. Mais les sermons du prêtre de son village étaient sans doute
assez ennuyeux.
Deux chercheuses britanniques en psychologie de
l'université du Central Lancashire - Sandi Mann et Rebekah Cadman - viennent de
confirmer
cette hypothèse. L'ennui est propice à la créativité, assurent-elles. Elles en
ont fait la démonstration le 9 janvier, à Chester (Royaume-Uni), lors de la
conférence annuelle du département de psychologie du travail de la British
Psychological Society.
Deux expériences les ont menées à
cette conclusion. Elles ont d'abord demandé à 40 personnes de recopier
les numéros de téléphone d'un annuaire, tâche particulièrement fastidieuse,
pendant un quart d'heure. Puis elles leur ont fait réaliser un travail plus
créatif, consistant à proposer
différentes façons d'utiliser
des tasses en plastique. Il s'est avéré que leurs réalisations étaient plus
astucieuses que celles d'un groupe témoin de 40 autres personnes qui n'avaient
pas eu de travail rébarbatif à faire
avant.
À PRATIQUER
AVEC MODÉRATION
Pour confirmer
leurs dires, elles ont mené une seconde expérience, en demandant à 30
personnes, non pas d'écrire, mais de seulement lire
à voix basse, les listes de numéros. Cette équipe-là était non seulement plus
créative que le groupe témoin, mais aussi davantage que le groupe des copistes.
Ce qui tendrait à prouver
que les activités non seulement ennuyeuses, mais aussi passives, comme d'assister
à une réunion, stimulent encore davantage l'imagination.
Pour s'ennuyer,
rien de tel que de n'avoir
pas assez de boulot à faire,
ou d'être trop qualifié pour le job, a observé Mme Mann.
Certes, tout comme l'alcool, l'ennui ne doit néanmoins être
pratiqué qu'avec modération. Trop d'ennui nuit à la santé.
Il conduit à faire
davantage d'erreurs, a également prouvé Mme Mann, accroît le stress, provoque
des accidents, pousse à la démission. Pour en compenser
les effets, les gens boivent, grignotent, du chocolat en particulier, que
d'aucuns jugent néfaste quand il est absorbé en trop grande quantité.
A noter
: Mme Mann eut l'idée d'étudier ce sujet, non pas à la messe, mais en étudiant
les comportements de salariés d'un supermarché... temple de la consommation.
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