"Lorsqu'on nous demande : Quelle est la ligne de notre
Mouvement ?, nous devrions sans doute répondre : nous sommes le mouvement qui
déplace les lignes." Formule de Freinet longtemps en exergue de la revue
L'Éducateur.
Henri Peyronie, Célestin
Freinet: Pédagogie et émancipation. 1999. Ed. Hachette
Lorsqu'on parle de pédagogie coopérative, c'est Célestin
Freinet qu'on présente comme figure de proue. Freinet, gravement blessé aux
poumons lors de guerre de 1914-1918, a donné les raisons qui l'ont à l'origine
poussé à une pratique dans laquelle, l'enseignant ne tient pas la première
place dans la relation pédagogique, mais remplit le rôle du facilitateur, du
médiateur, de celui qui organise les conditions favorables à l'apprentissage.
Dans cette démarche, c'est l'apprenant qui devient le centre du processus
d'apprentissage.
Freinet raconte :
"Quand je suis revenu de la guerre 14-18, j'avais été
assez sérieusement blessé et, notamment, je ne pouvais pas parler longtemps,
surtout pas dans une salle de classe. Lorsque vous êtes en train d'expliquer
quelque chose : "Tu vois, mon petit, ça c'est…", un gosse laisse
tomber un crayon, donc il vous interrompt. Vous reprenez le fil et puis il y en
a un autre qui fait taper sa table. "Ah ! tu n'as pas fini de nous
embêter ?" Alors on reprend et c'est un autre encore (...) Bien
souvent, ils le font même exprès de trouver une occasion pour un peu se
dégourdir les jambes et les bras. Lorsque j'avais parlé pendant dix minutes, un
quart d'heure, comme cela je n'en pouvais plus. Et alors, j'ai cherché des
solutions : ou bien je quittais l'enseignement à ce moment-là, ou bien je
trouvais d'autres techniques de travail qui m'auraient permis de faire ma
classe de façon intelligente, efficiente aussi, de m'intéresser à ma classe
mais que je puisse tenir le coup. Alors j'ai cherché."
À ces raisons pratiques s'ajoute un engagement militant. En
1944, Freinet fonde l'École Moderne française. Ses innovations pédagogiques ne
sont acceptées qu'à la marge, le système éducatif français les rejette et
empêche leur diffusion. Freinet va donc, d'une part, ouvrir une école privée,
d'autre part, constituer un mouvement pédagogique, connu sous le nom d'Institut
Coopératif d'École Moderne (I.C.E.M) qui est intégré dans la Fédération
Internationale des Mouvements de l'École Moderne (F.I.M.E.M). Une
vaste littérature couvre les avancées, les techniques et la vie de ce mouvement
pédagogique. Il faut ajouter que les pratiques Freinet ne font pas seulement
partie de l'histoire des idées et des pratiques pédagogiques. Actuellement, de
nombreux enseignants et un certains nombre d'établissements se réclament de
Freinet ou de l'École Moderne. Les sites Internet de ces écoles donnent une
nouvelle diffusion à leurs idées.
Freinet a développé toute une série de techniques que les
adhérents du mouvement pratiquent de façon cohérente et intégrée, mais que l'on
peut observer, parfois détachées de leurs fondements philosophiques et
politiques, dans les classes ou des écoles, qui ne prétendent pas pratiques une
pédagogie Freinet et parfois ne savent même pas d'où viennent ces techniques.
On peut évoquer le conseil de classe (au début nommé " conseil de
coopérative", le " Quoi de neuf ? " ou la causette (moment
de parole), un fonctionnement par ateliers, un " plan de travail " ou
" contrat de semaine", la fabrication du journal, l'imprimerie, la
radio à l'école, la correspondance scolaire.
Chez Freinet, toutes ces techniques sont reliées les unes
aux autres dans une organisation globale cohérente de la classe. Le
développement de cette pédagogie est fortement marqué par le contexte
historique et supporté par une idéologie empreinte d'une vision du travail non
aliénant ou robotisant mais vivant et émancipateur, fortement inspirée par le
courant marxiste. "C'est la pédagogie d'en bas" dit Freinet. C'est
une pédagogie centrée sur l'enfant comme membre d'une communauté éducative.
(source)
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