Au XIXe siècle les références
concernant l’éducation de la petite enfance ont pris deux orientations
différentes. L’une donne comme modèle la mère éducatrice. Dans l’autre
référence, l’éducatrice très respectueuse de la dynamique de l’enfant,
intervient le moins possible. Deux femmes pédagogues sont représentatives de
ces courants :
D’une part, Pauline Kergomard
(inspectrice des écoles maternelles, 1838-1925) auteur de « L’éducation
maternelle à l’école » présente comme référence « la mère
intelligente et dévouée » ; elle représente plutôt la dimension
« soin ». D’autre part, Maria Montessori (pédagogue italienne, 1870-1952)
auteur de « La pédagogie scientifique » va peu à peu imposer ses
idées basées sur le fait que l’enfant possède les qualités nécessaires pour
grandir par lui-même. Nous la considérons comme représentant le concept
d’éducation fruit d’une méthode. Notre propos est de nous servir de
l’analyse de ces deux orientations pour dévoiler combien les soins
sont indispensables à la qualité de l’éducation même.
Extraits
Dans son ouvrage sur la
philosophie de l’éducation, Olivier Reboul nous dévoile que, contrairement
à ce que l’on croit, l’étymologie du terme : éducation vient de éducare,
c’est à dire élever les animaux ou les plantes et par extension avoir soin des
enfants. Alors qu’on aurait prétendu, toujours d’après lui, qu’éduquer vient de
educere : faire sortir, mettre dehors. Nous voici, avec la première
interprétation, devant un lien évident entre éducation et avoir soin, prendre
soin de. Par contre la seconde compréhension du terme, faire sortir, nous
confronte à une dynamique bien différente. Elle évoque une séparation
nécessaire pour grandir et « sortir » d’un stade où l’on est pour
accéder à un autre. D'où viendrait cette déviation du terme, ou plutôt cette
autre orientation? On peut constater que peu d'articles sur l'éducation
actuellement, parlent de soin. Il y est plus souvent question de développement,
d'apprentissage ou de didactique.
Les soins, le soin et la création d'un environnement de qualité
Prendre le corps de l’enfant en
considération est essentiel ! Le toucher, le masser, le contenir, le
laver, lui donner des soins qui provoqueront un bien-être immédiat, sont des
moments de relation intense qui s’intègrent dans son histoire, qui s’impriment
dans son psychisme. Ces gestes liés à une relation positive, joyeuse, attentive
de la part de l'adulte qui lui parle à ce moment là, l’aident à se construire,
à prendre conscience de son corps et à le connaître. L’hygiène de vie
individuelle et collective met l’enfant dans un contexte protégé dont il a
besoin, mais aussi l’imprègne de bonnes habitudes qu’il va acquérir peu à peu.
Ces gestes qui s'adressent non
seulement aux petits mais aussi aux écoliers, aux adolescents, dans d'autres
formes, font-ils partie de l'éducation? Oui dans la mesure où ils signifient à
l’enfant que l'on veut qu'il vive et qu'il vive bien. C’est son corps.
Peu à peu il va le
connaître, apprendre à s’en servir, à en être le maître, un jour il saura le
vêtir, le soigner, le respecter et aussi par conséquent le faire
respecter ! Le soin corporel à une place particulière, commençons par
cela, on abordera l'éducation à proprement parler après.
Quant à la justification du
milieu de qualité, de "l'ambiance" pour reprendre le terme de Maria
Montessori, il est vrai que cela peut être interprété comme un lieu protégé et
irréaliste, un peu comme un laboratoire. "La vie n'est pas comme
cela" peut-on entendre. Alors que font les adultes? Ne sont-ils pas là
pour penser à l'enfant, pour lui faire un rythme de vie où il a sa place?
Au moins que l'adulte soit là
pour lui présenter ce monde, pour l'aider à le comprendre. Il mettra l'enfant
dans des circonstances où celui-ci pourra voir que c'est possible de se faire
de bons souvenirs qui lui donneront des fondations positives et que dans les
actes simples de la vie, il y a autre chose que le quotidien ennuyeux.
Le soin dans le regard
Ce qui est important dans la
façon dont ces deux éducatrices parlent de l'enfant, c'est qu'elles savent le
voir. C'est cet enfant là, unique et aussi l'Enfant, qui fait partie de
l'humanité, de cette parenté dont parle Max Scheler. Elles le
regardent avec soin, avec attention, il est là dans son environnement, son
histoire, son futur. Ce n'est pas le regard inquisiteur de celui qui a un
objectif à atteindre et qui cherche dans l'enfant ce dont il pourra se servir
pour aboutir à ses fins pédagogiques, ou le regard de celui qui cherche à faire
coïncider l'attitude de l'enfant avec une grille de développement!
Elles le saisissent, avec sa
vulnérabilité et son dynamisme propre. Il y a une création lorsqu'elles
décrivent un enfant, elles en acceptent l'inattendu, ce qui n'est pas prévu. Ce
n'est pas non plus de la condescendance: elles croient toutes les deux à une
vie intérieure de l'enfant, une vie spirituelle, une dignité qui entraîne le
respect.
Peut-on parler de soin sans respect?
Elles sont sensibles aux détails,
ceux par lesquels un enfant s'exprime, ceux que l'on ne peut voir sans
imagination, sans cette démarche de compréhension qui permet de voir l'autre
dans son intégrité, dans un tout unique.
Ce regard relève du soin parce
qu'il relève de prendre soin à bien voir l'autre. Le regard précède
l'éducation, l'empêchant d'être mécanique ou destructrice. C'est tout un art
grâce à la création et l'engagement spirituel qu'il implique. Percevoir une
situation éducative dans toute sa complexité, décrypter les interactions qui
s’y déroulent, comprendre le comportement d’un enfant, prendre la décision adéquate
sont autant de compétences qui sont le fruit de ce regard. Savoir voir, savoir
reconnaître, avant l’interprétation consiste en un apprentissage toujours
renouvelé, celui de la réflexion. Les réajustements sont les dynamiques, qui
viennent après la mise en place de l'acte éducatif.
Mais avant tout contemplons
l'enfant.
Bernadette Moussy, Entre Pauline
Kergomard et Maria Montessori, Le Portique [En ligne], 4-2007 | Soin et
éducation (II), mis en ligne le 14 juin 2007, Consulté le 31 décembre 2012.
URL : http://leportique.revues.org/index891.html
très belle article! J'ai commenter ton article sur ton mon blog et j'y ai écrit le lien vers ton blog.
RépondreSupprimerj'espère que ca ne te dérange pas?