Edgar Morin, sociologue et
philosophe français, entre autre, inventeur de la pensée ou de la connaissance
complexe, qu’il définit comme le lien entre des savoirs séparés et certains
instruments cognitifs, voit en l’enseignement une fonction d’éveil. Alors que
dans l’Emile de Rousseau, le maître veut apprendre à vivre à son élève, Edgar
Morin préfère voir dans l’enseignement une stimulation à l’apprentissage de sa propre
vie.
L’enseignement doit avoir une
fonction d’éveil, et la curiosité est l’un des traits majeurs de la psychologie
d’un enfant. La curiosité est ce qui pousse à explorer son propre monde, le
problème est alors de savoir dans quel mesure notre système d’enseignement
endort-il la curiosité ou au contraire l’aide et le stimule, dans quelle mesure
la curiosité enfantine est-elle inhibée dans certains domaines, « ça ça ne
te regarde pas, c’est pas ton affaire, c’est pas ce qui est écrit dans le
programme scolaire etc » et dans quelle mesure l’enseignement, s’il
n’accomplit pas sa tâche véritable d’auto-hétéro-didactie n’est pas quelque
chose qui, finalement, tue un certain nombre de curiosités fondamentales : qui
sommes-nous, d’où venons-nous, où allons-nous…
« Ces questions fondamentales sont désintégrées dans toutes les
matières enseignées. Et pourquoi ? Parce que ce sont des disciplines,
évidemment, qui s’imposent, avec des professeurs différents selon les
disciplines qui en plus ne communiquent pas entre eux, enfin bon… et il est
frappant d’entendre certains qui disent mais comment enseigner la complexité
aux enfants ? Et bien en essayant de se faire enseigner par eux le pourquoi
! »
Le vrai problème n’est-il pas de
développer une intelligence capable de connecter ce qui est séparé ? L’école
désintègre le mode de connaissance spontanée, et il faut essayer de voir
comment on peut, non pas y remédier, mais commencer à penser le mode qui
permettrait d’y remédier.
L’enseignement est une mission
fondamentale, mais qui tend à se désintégrer. Il y a beaucoup de trous noirs
dans les programmes d’enseignement, qui ne peuvent être traités séparément dans
des disciplines, mais qui relèvent de la demande de la conjonction des savoirs
qui proviennent de différentes disciplines. On enseigne des connaissances sans
jamais se demander ce que c’est que la connaissance, alors que des
connaissances qui semblaient évidentes par le passé, y compris dans le domaine
des sciences, sont aujourd’hui illusoires ou erronées.
« Donc le problème de l’illusion et de l’erreur que nous voyons
très clairement pour le passé, pourquoi ne le voyons nous pas pour le présent ?
Pourquoi sommes-nous aveugles pour le présent ? Partout le risque de l’erreur
et de l’illusion se glisse. Un enseignement peut faire comprendre que le risque
d’erreur et d’illusion est tapi dans le phénomène de la connaissance. »
L’importance de la prise en
compte de la représentation, en tant que synthèse cognitive, dans la
construction des savoirs, ne saurait être négligée.
« La représentation se construit à partir de la perception, des
schèmes mémorisés, mais aussi de l’imaginaire de chacun, qui, une fois projetée
sur le réel, forme une boucle sélective, additive, et forcément
hallucinatoire, qui achève de nous mettre en relation avec le réel. »
Partisan d’un enseignement à la
compréhension humaine, d’une éducation à la civilisation, il prône une vision
de l’élève dans sa globalité, en relation avec l’univers qui l’entoure et
auquel il participe.
« Est-ce qu’on nous enseigne ce que nous sommes nous même, êtres
humains ? Pas du tout. Ah oui nous avons des sciences humaines, des
compartiments en sciences sociales, en psychologie, histoire etc. Nous sommes
des êtres vivants, mais aussi des machines thermiques, si l’on tient compte des
atomes etc, nous sommes les produits d’une histoire cosmique… Il faut nous
situer dans l’univers, c’est très important.
Enseigner la compréhension humaine, c’est très important, c’est quelque
chose de fondamental. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire