D’une expérience d’apprentissage
libre et des réflexions qu’elle m’a amené à construire: Le témoignage d’un déscolarisant
Alors que la grande majorité des
occidentaux sont scolarisés dès leur plus jeune âge, j’ai vécu les seize
premières années de ma vie en dehors de l’institution scolaire. J’ai ensuite
rejoint le lycée où j’ai passé trois ans. Je crois ainsi avoir vécu une
expérience intéressante que je me propose de partager avec vous. Je voudrais
tout d’abord témoigner de mon parcours, puis vous faire part de quelques
réflexions sur l’école et la déscolarisation que j’ai eu l’occasion de
construire progressivement au cours de ces dernières années.
Mon parcours
Jusqu’à l’âge de 16 ans, j’ai
vécu ce que j’appellerai un apprentissage libre (« unschooling » en anglais) :
je n’ai suivi aucun cours, ni en classe, ni par correspondance. Bien que peu
connue, cette pratique est tout à fait légale en France, où, si l’instruction
est obligatoire, l’école ne l’est pas (loi du 28 mars 1882 modifiée et
ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 relative à l’obligation scolaire).
Mes parents ont simplement déclaré à l’Inspection Académique que j’étais
« instruit dans la famille ». Un inspecteur venait alors plus ou
moins régulièrement vérifier que je possédais des connaissances acceptables.
Lorsque j’ai vécu cette expérience, il était censé me visiter durant les années
de CP, de sixième et de troisième. Depuis peu, il est supposé effectuer ses
contrôles chaque année. Cependant, ses visites se font plutôt selon son bon
plaisir, lorsqu’il en prend le temps.
Au début, ce choix de ne pas me
scolariser fut celui de mes parents, et en particulier de ma mère, titulaire
d’une licence d’allemand qui a beaucoup lu et réfléchi sur l’éducation,
notamment lors d’une année de fac de psychologie au cours de laquelle elle
avait suivi des cours de sciences de l’éducation et de psychologie de l’enfant
et avait travaillé sur Pour une société sans école d’Ivan Illich. Lors de ma
naissance, elle s’intéressait à la pensée de Maria Montessori selon laquelle
les enfants sont capables de faire comprendre à leurs parents ce dont ils ont
besoin. Or mes parents n’avaient pas ressenti de ma part de signes montrant que
je souhaitais aller à l’école. L’expérience de professeur de français de mon
père, maître ès lettres modernes a dû aussi contribuer à ce choix : il a
en effet démissionné de son poste lorsqu’il s’est rendu compte que ses élèves
n’avaient aucune envie d’apprendre : il ne considérait pas que son rôle
était de les forcer à s’intéresser à quelque chose qui ne les intéressait pas.
Cependant, mes parents me demandaient chaque année si je désirais aller à
l’école.
J’étais ainsi « instruit
dans la famille » et je ne subissais aucune contrainte quant à
l’instruction. Je veux dire par là que l’on me m’imposait ni matière à
travailler, ni horaires durant lesquels travailler. C’était donc ma curiosité
naturelle qui me poussait à m’intéresser aux choses. Enfant, je me suis ainsi
passionné pour les trains : je lisais des revues sur ce sujet, dessinais
des trains et calculais leur échelle... Mes passions étaient les moteurs d’un
processus d’apprentissage dont j’étais maître.
C’est dans ce contexte qu’à l’âge
de dix ans environ, j’ai décidé de rédiger un journal à l’attention des autres
jeunes qui ne fréquentaient pas l’école, mais aussi de ma famille et de nos
amis. C’est principalement à travers cette activité que j’ai travaillé ce que
l’on a coutume d’appeler le français, mais aussi la plupart des autres
disciplines scolaires comme l’histoire, la géographie, la biologie ou encore la
physique. En effet, au fur et à mesure que je grandissais, mon journal évoluait
avec moi, et je suis passé progressivement du récit de mes journées et de la
description de l’univers imaginaire que j’avais inventé avec mes frères et ma sœur
à la rédaction d’un journal plus scientifique. Ainsi, vers douze ans, j’ai
parlé de la l’invention des nombres. Plus tard, je me suis intéressé à des
thèmes comme l’Arménie et la Chine, l’histoire de la tomate, la migration des
oiseaux ou encore, à quinze ans, l’astrophysique.
Le traitement d’un tel thème me
prenait environ deux mois, à raison de trois à quatre heures de travail par
jour. Je faisais tout d’abord des recherches documentaires, principalement à la
médiathèque de ma ville. Je lisais ensuite trois à cinq petits livres ou
articles d’encyclopédie sur le thème que j’avais choisi tout en prenant des
notes. Je rédigeais alors des articles de vulgarisation sur différents points à
l’intérieur de ce thème. Prenons l’exemple du numéro sur l’astrophysique.
J’avais alors traité de l’Histoire de la découverte de la théorie du Big Bang,
de l’Histoire de l’univers selon le modèle standard, de la composition de la
matière, de la question de l’infini dans l’univers et enfin de l’énigme de la
nuit noire (puisqu’il y a un nombre très important d’étoiles, la nuit devrait
être aussi claire que le jour) pour un total de quatorze pages. Ma dernière
tâche était la recherche d’illustrations, principalement dans des encyclopédies
électroniques et sur Internet, puis la mise en page et enfin la relecture.
Parallèlement, vers l’âge de
douze ans, j’ai aussi décidé de faire régulièrement des mathématiques, que je
travaillais à partir d’un livre scolaire avec ma mère et mon frère cadet d’un
an et demi, puis de l’anglais. Ainsi, à l’âge du collège, voici globalement à
quoi pouvait ressembler pour moi une journée ordinaire :
2/4 9 h lever 10 h
11 h 30 travail sur mon journal
11 h 30 - 12 h 30 mathématiques
14 h - 17 h balade en vélo à travers ma région avec mon frère, bibliothèque, sorties ou visites diverses
17 h 30 - 18 h 30 parfois un peu d’anglais
18 h 30 - 20 h 30 travail sur mon journal
2/4 9 h lever 10 h
11 h 30 travail sur mon journal
11 h 30 - 12 h 30 mathématiques
14 h - 17 h balade en vélo à travers ma région avec mon frère, bibliothèque, sorties ou visites diverses
17 h 30 - 18 h 30 parfois un peu d’anglais
18 h 30 - 20 h 30 travail sur mon journal
Ainsi, je
« travaillais » globalement cinq heures par jour. Mais je tiens à
souligner que c’est moi qui décidais de mes occupations. Ce qui semble
s’apparenter à du travail scolaire n’était en général pas pour moi une
contrainte (sauf quand j’étais en retard pour mon journal et que j’avais décidé
de le finir rapidement, mais ça faisait partie du jeu...) et que lorsque je
voulais partir quelque part ou que nous visitions d’autres familles qui
pratiquaient l’instruction dans la famille, je pouvais très bien décider de ne
rien faire de tout cela.
Voilà pour le côté « scolaire » de ma vie hors du circuit
éducatif ordinaire. Qu’en est-il sur le plan relationnel ?
Lorsque j’étais enfant, je
fréquentais comme tout le monde les autres enfants de mon quartier au bac à sable
ou au terrain de jeu, tandis qu’avec mes deux petits frères et me petite sœur
tous trois instruits « à la maison », j’avais toujours des compagnons
de jeux, de balade, de bricolage ou de travail. J’ai ensuite fréquenté beaucoup
d’adultes, mais aussi d’autres déscolarisants alsaciens - nous devions être une
demi-douzaine de familles à nous voir très régulièrement. Je ne me sentais donc
pas en manque de fréquentations.
Cependant, lorsque j’ai atteint
l’âge de l’adolescence, j’ai ressenti que la plupart de mes fréquentations
étaient moins âgées que moi : à l’âge du collège, les autres jeunes de ma
ville passaient de plus en plus de temps au sein de leur établissement, si bien
que j’ai fini par ne plus les voir alors que les autres déscolarisants alsaciens
étaient presque tous plus jeunes que moi. Je me suis alors inscrit dans un
mouvement de jeunesse pour l’initiation à l’environnement, où j’ai pu me faire
quelques copains, puis au club de canoë-kayak.
Cependant, là encore je ne voyais
tous ces gens que le week-end. Dès lors, au début de l’adolescence, je manquais
de vrais amis de mon âge avec qui « sortir » et discuter de tous les
problèmes existentiels qui se posent à un jeune à cette période. Je suis ainsi
devenu un solitaire dans la Nature.
C’est pourquoi, à l’âge de 14
ans, j’ai décidé de rentrer au lycée. J’ai donc pris une année pour préparer
l’examen qui permet aux jeunes qui ne suivent pas les programmes de l’éducation
nationale (par exemple ceux scolarisés dans des établissements privés hors
contrat) de rentrer au lycée. J’ai aussi profité de cette année pour voyager -
afin de voir du pays, mais aussi de nouvelles têtes. J’ai notamment passé
quelques semaines en Angleterre, où j’ai contribué à l’organisation d’un
festival de musique.
J’ai obtenu mon examen - premier
contact avec l’enseignement académique - avec des notes assez originales (8 en
maths et 18 en français, alors que j’étais persuadé d’être bon en maths, mais
beaucoup moins en français, puisque si je savais écrire, je ne maîtrisais pas
le vocabulaire de l’analyse grammaticale !) qui ne m’ont malheureusement
pas permis de rentrer au lycée agricole où mon intérêt pour la nature et
l’environnement m’avait attiré. En effet, il s’agit d’un lycée spécialisé, qui
peut donc refuser des élèves. A l’entretien d’entrée, je crois que la
conjugaison de ma note en mathématiques avec le récit de mon parcours peu
ordinaire a profondément refroidi l’équipe pédagogique plutôt conformiste du
lycée agricole.
Je suis donc rentré en seconde
dans mon lycée de secteur. Cette année fut pour moi celle des nouvelles
expériences, entre bons résultats scolaires et temps d’adaptation dans mes
rapports avec les autres lycéens : si j’avais des amis, je ne me sentais
malgré tout pas intégré.
L’année suivante, j’ai à nouveau
postulé au lycée agricole, où je souhaitais entrer en première scientifique
pour préparer un baccalauréat spécialité biologie écologie, qui diffère de la
spécialité sciences et vie de la terre de l’éducation nationale par le fait que
la géologie y est remplacée par de l’écologie (branche des sciences de la vie
qui étudie les relations des différents êtres vivants entre eux et avec leur
milieu). Étant donné mes bons résultats en seconde, le lycée agricole a été
plus ou moins obligé de m’accepter. J’ai ainsi passé deux ans très agréables en
internat. Si la mentalité de l’administration restait très conservatrice, j’ai
pu trouver une formation qui me passionnait dans un petit lycée où tout le
monde se connaissait et où je me suis épanoui. J’ai obtenu le bac cette année
avec mention très bien et je me suis inscrit en Licence de Biologie des
Organismes et des Écosystèmes.
Cependant, si à mon entrée dans
le système scolaire ma motivation naturelle m’a permis d’obtenir de bons résultats
scolaires, cette motivation n’a cessé de baisser au fil des années de
contraintes et de travail obligatoire à temps plein imposé par l’institution
scolaire.
Quelques réflexions
Mon expérience m’a donc amené à
quelques réflexions sur le système scolaire que j’aimerais partager. Il
m’apparaît deux idées importantes.
Dans le contexte de notre société
actuelle, la préservation de relations sociales suffisantes au plein
développement du jeune lors de l’adolescence en dehors du système scolaire,
pendant la période du collège et du lycée me semble un sujet très important à
considérer. Cependant, il me semble que ce système scolaire est tout à fait
inadapté à notre nature 3/4 humaine. S’il enseigne des connaissances, il
détruit dans le même temps de nombreuses qualités que possédaient l’enfant ou
le jeune. Est-il alors intéressant d’entrer à l’école à partir d’un certain
âge ? Quelles autres solutions envisager ?
Dans le contexte actuel, la
déscolarisation me semble rendre difficile la préservation des relations
sociales nécessaires au plein développement du jeune au moment de
l’adolescence. Certes, j’ai toujours fréquenté de nombreuses personnes, mais il
s’agissait en général soit d’adultes, soit de jeunes moins âgées que moi. En
effet, à partir d’un certain âge, les jeunes passent le plus clair de leur
temps dans leur établissement scolaire : c’est là qu’ils tissent des liens
d’amitié, puis d’amour... D’autre part, les autres déscolarisants de mon âge
étaient rares et habitaient souvent loin. Dès lors, en tant que déscolarisant,
j’ai vécu une période de flottement durant laquelle je n’avais pas d’amis avec
lesquels « sortir » et discuter de tous les problèmes existentiels
que l’on se pose à cette période de la vie. Certes, il est probable que la
plupart des jeunes se sentent perdus à un moment de leur vie. Mais il me semble
tout de même que vers la période de la fin du collège, si j’ai vécu des
expériences enrichissantes par d’autres côtés, le fait d’être coupé de la
majorité des jeunes de mon âge m’a fait rater une étape importante :
j’avais besoin d’être dans le monde des jeunes, et c’est pourquoi j’ai décidé
d’entrer au lycée.
La déscolarisation pose donc le
problème de la vie entre jeunes à l’adolescence. Mais l’école pose d’autres
problèmes. Le système scolaire me semble inhiber, voir détruire de nombreuses
qualités inhérentes à l’Homme et qui ne s’expriment en général dans notre
société que chez l’enfant : il me semble qu’il menace la curiosité
naturelle de l’Homme comme sa créativité et son originalité. Il me paraît
tendre au contraire vers l’uniformisation.
Notre système éducatif me paraît
tout d’abord menacer l’envie d’apprendre que l’absence de cours académique
préserve. Ainsi, lors de mon expérience de l’apprentissage libre, c’est à dire
en l’absence de contrainte, ma curiosité naturelle m’a poussé à m’intéresser à
de nombreux sujets différents. J’ai ainsi lu des livres ou des revues
scientifiques qui m’ont permis d’acquérir de moi-même les connaissances qui
sont imposées à d’autres. J’ai même pu aller plus loin et m’intéresser à
l’astrophysique à un niveau qui n’est pas traité au lycée à travers des livres
comme ceux d’Hubert Reeves. Ma curiosité et mon envie d’apprendre m’ont poussé
à me donner des obligations, comme la rédaction de ma revue à intervalles réguliers
ou la pratique quotidienne des mathématiques, objectifs qui m’ont poussé à
organiser mes journées.
Au contraire, le système scolaire
impose à l’élève de nombreuses contraintes. Tout d’abord, le savoir lui est
imposé : il est tenu de s’intéresser à la physique de 8 h à 10 h, puis à
l’histoire de 10 à 12, etc. De plus, les heures de cours me semblent trop
nombreuses : on requiert l’attention de l’élève environ huit heures par
jour, sans compter les devoirs, alors qu’à la maison je ne travaillais que cinq
à six heures dans une journée en évoluant autant sinon plus qu’un élève
scolarisé. Apprendre devient alors une contrainte dont on cherche naturellement
à se libérer. La curiosité naturelle disparaît, et le désir d’apprendre se
transforme en corvée des devoirs.
C’est mon expérience personnelle
qui est à l’origine de ces conceptions. Il me semble en effet que c’est mon
envie d’apprendre, préservée par la non-scolarisation qui m’a permis d’avoir de
bons résultats au lycée, alors que pour la plus grande partie de mes camarades
scolarisés depuis la primaire, apprendre était déjà devenu une corvée. De même,
je pense avoir personnellement vécu cette démotivation progressive. En
première, je travaillais mes cours car ils m’intéressaient. J’étais
naturellement motivé pour des révisions qui étaient pour moi agréables. En
terminale si j’étais toujours intéressé, apprendre devenait une contrainte,
d’autant plus qu’il y avait un objectif imposé à la fin de l’année : le
bac. Il m’arrivait plus souvent qu’auparavant de me dire « je n’ai pas
envie de travailler, mais je dois le faire ». Ainsi, au bout de trois ans
de cours au lycée, j’ai ressenti une certaine perte de motivation, qui s’est
encore accentuée à la fac. Dès lors, il me semble que les personnes scolarisées
depuis leur enfance, en particulier les plus fragiles, peuvent avoir perdu
toute envie naturelle d’apprendre. Elles doivent se forcer pour tenter de
comprendre ce que l’on se croit tenu de leur enseigner, et finalement se
résigner à tenter d’apprendre sans y parvenir pour finalement être amenées à
redoubler.
J’ai ainsi acquis la conviction
que notre système éducatif inhibe la curiosité naturelle de l’Homme
De plus, il me semble que
l’institution scolaire inhibe aussi la créativité qui fait de chacun de nous des
êtres différents et donc intéressants. En poussant à la recherche d’un résultat
immédiat, sanctionné par la note, elle forme à la productivité. Elle s’oppose
dès lors aux arts, à la philosophie et en général à toutes les activités qui ne
sont pas directement utiles, c’est à dire qui ne servent qu’à satisfaire le
bonheur intérieur de l’individu. Il me semble ainsi particulièrement stupide -
bien que ce soit justifié par la volonté d’initier le plus grand nombre à cette
discipline passionnante - de pratiquer la philosophie, qui demande une
réflexion personnelle poussée dans un cadre scolaire. Demander aux élèves de
réfléchir à un sujet qui ne les préoccupe pas forcément durant un laps de temps
prédéfini me semble aux antipodes d’une réelle démarche philosophique. Cet
exemple montre bien à mes yeux que le système scolaire n’enseigne qu’une
productivité qui s’oppose à une réelle réflexion. Dès lors, il est facile de se
laisser entraîner dans le superficiel et de ne plus penser profondément par
soi-même. Il me semble ainsi que la préservation d’une certaine indépendance
d’esprit et d’une certaine marginalité demande dans le système scolaire une
grande 4/4 force de volonté - force que je ne crois pas que j’aurais eu.
D’autre part, les personnes les plus sensibles pourraient ne pas être en mesure
de s’adapter à un système totalement opposé à leur nature profonde et subir
ainsi l’échec scolaire. Notre système tend donc à l’uniformisation et me semble
plus en mesure d’abrutir des individus qui deviennent ainsi de bons
consommateurs que de contribuer à créer une société riche de ses différences
Ainsi, les méthodes éducatives
académiques me semblent inhiber à la fois la volonté d’apprendre, la
sensibilité et la créativité de l’individu : en tentant d’en développer
d’autres, elles tendent à détruire certaines qualités inhérentes à l’Homme et
me semblent donc loin d’un idéal éducatif.
Si le système scolaire me semble
très imparfait, il me semble qu’à partir d’un certain âge, il est enrichissant
de sortir du contexte familial qui devient pesant à la longue pour vivre
pleinement avec d’autres jeunes.
Une solution envisageable est
d’entrer à l’école. La question qui se pose alors est celle de l’âge où
l’entrée dans le système est la moins préjudiciable pour l’enfant. Il me semble
en effet bénéfique de vivre hors du contexte scolaire pour forger sa
personnalité et devenir ainsi moins perméable à un système destructeur,
d’autant plus que c’est seulement lorsqu’ils vieillissent que les jeunes se
cantonnent à leur établissement ; à l’âge du primaire, je ne crois pas
avoir manqué de copains. Ayant vécu une période de flottement à la fin du
collège, j’ai tendance à penser qu’il peut être intéressant pour un jeune
déscolarisant de rentrer au collège. Cependant, de l’avis de plusieurs personnes
qui ont toujours été scolarisées, le collège est l’un des moments les plus
difficiles pour résister à la pression du système scolaire, notamment vis à vis
de la curiosité naturelle, car il ne demande à l’élève qu’un apprentissage par
cœur, tandis que sous le regard des autres, les jeunes encore immatures qui le
peuplent ont tendance à succomber à toutes les modes sans y consentir
profondément.
Cependant, plus qu’une simple
adaptation au système scolaire, il me semblerait intéressant de créer une communauté
éducatives où des jeunes déscolarisants se regrouperaient pour passer une
partie de leur vie et vivre des expériences éducatives ensemble, sans
professeurs ni cours. Certes, cela nécessiterait de trouver des façons de
s’ouvrir sur l’extérieur pour ne pas créer un ghetto alternatif, mais pourquoi
ne pas imaginer, par exemple, de monter des projets communs avec des
lycées ?
Conclusion
Le système scolaire me semble
critiquable à la fois du point de vue de l’apprentissage, puisqu’il transforme
la curiosité naturelle en corvée d’apprendre, et du point de vue du
développement de l’individu, puisqu’il inhibe sa créativité et son
individualité au profit de la productivité. Cependant, il se trouve que c’est
le système actuellement en vigueur dans notre société et qu’il draine tous les
jeunes. Dès lors, dans notre monde actuel, il me semble nécessaire de réfléchir
à la façon de préserver les relations sociales nécessaires à son plein
épanouissement. Cela peut passer par la scolarisation, mais il me semble plus
intéressant d’envisager un regroupement entre jeunes déscolarisants qui
souhaitent vivre ensemble des expériences différentes sans se couper du monde
Enfin, ne pourrais-t-on pas
imaginer un système éducatif dans lequel l’enseignement serait proposé sans aucune
obligation. Chacun, suivant ses désirs, sa volonté et ses projets suivrait ceux
qu’il souhaite, poussé par une curiosité naturelle qui pourrait pleinement
s’exprimer. S’il doit justifier de ses connaissances, rien n’empêcherait le
jeune de passer des certificats lorsqu’il se sentirait prêt, tandis que, le
système étant généralisé, le problème de la préservation les relations sociales
au sein d’un système marginal serait résolu de lui-même.
© Kjö Hansi Glaz, 2005 - 2006
Copyleft : reproduction totale et/ou partielle vivement conseillés.
J'ai eu grand plaisir à lire votre texte plein de réflexions intéressantes. Je suis maman de trois adolescents (16, 14 et 12 ans) qui ne sont jamais allés à l'école, mais qui suivent des cours par correspondance (pas sous contrat) avec , en parallèle , un enseignement libre, et je nous reconnait dans pas mal de choses que vous dites. J'aurai aimé faire tout en informel, car je pense qu'il y a beaucoup de choses dans les programmes officiels qui ne sont pas adaptés aux désirs de chaque individu, mais bon! Cela fait toujours beaucoup de bien de lire des témoignages sur l'enseignement libre car on doute toujours de son choix, quand on pratique ce genre de vie. Merci
RépondreSupprimerBonjour et merci pour votre témoignage vivant! :)
SupprimerIl est évident que lorsque l'on pratique l'instruction en famille, on est toujours confronté à des tensions liées aux programmes (qui pourtant sont si obsolètes!).
Les choses évolueront sans doute - espérons-le.
En attentant, tous mes encouragements, et une très belle continuation!
A bientôt!
"Reproduction Totale et/ou partielle vivement conseillés" :)
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé ce détail aussi :D
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