dimanche 17 mars 2013

La Méthode naturelle d’apprentissage de Freinet



Un texte de Nicolas Go, Laboratoire de Recherche Coopérative, ICEM.  

La puissance de vie (le primat du désir)

Il y a au fondement de la pensée de Freinet, et à la base de la Méthode naturelle, une considération strictement matérialiste, une considération de bon sens qui plonge ses racines dans la plus ancienne philosophie de la Grèce antique, celle des « physiciens », qu’on peut résumer dans une citation : « L’être humain est, dans tous les domaines, animé par un principe de vie qui le pousse à monter sans cesse, à croître, à se perfectionner, à se saisir des mécanismes et des outils afin d’acquérir un maximum de puissance sur le milieu qui l’entoure ». Freinet précise ailleurs ce qu’il entend par « la vie » : « Je prends la vie dans son mouvement sans préjuger ici de son origine, ni de ses buts. Je constate seulement que l’être vivant naît, grandit, fructifie, puis décline et meurt ». Cette vie, à l’origine de toutes les activités humaines, il la considère comme une « puissance », en s’inspirant de sa lecture de Nietzsche. Voici comment il l’exprime : « Dans la réalisation de ce processus vital pour la montée normale de l’être, l’individu mobilise un potentiel maximum de vie que j’appellerai puissance ».  

Concrètement, cela implique la chose suivante pour l’éducateur : lorsqu’il entre dans sa classe, ce qu’il voit en face de lui, ce ne sont pas essentiellement des élèves, ce sont des puissances de vie qui se manifestent et se cherchent. 

Chaque enfant est une puissance de vie singulière, prise dans une histoire personnelle, et qui cherche par tous les moyens à grandir. L’éducateur a affaire à des effectuations de puissances, qui varient par des diminutions et des accroissements. Par exemple, lorsqu’un enfant présente un texte de lui devant une assemblée qui l’apprécie et l’applaudit, il éprouve une augmentation de sa puissance, qui se traduit mécaniquement par un sentiment de jubilation. Lorsque, à la suite de multiples tâtonnements, un enfant de CM2 comme Erwan redécouvre seul la méthode de Gauss pour calculer la somme des dix-huit premiers nombres [il additionne 1 et 18, 2 et 17 et ainsi de suite jusqu’à 9 et 10, puis effectue le produit de 19 (résultat de chaque addition) par 9 (nombre d’additions)], il éprouve dans sa solitude puis devant le groupe une soudaine augmentation de puissance qui se traduit également par la jubilation. Ceci peut, éventuellement, constituer pour lui une expérience cruciale à la fois intellectuelle, affective et sociale.  

Ce sont de tels accroissements de puissance que chacun recherche, et que la Méthode naturelle vise à favoriser et à multiplier. Ceci est un autre nom pour le désir. Freinet est en accord avec Aristote qui écrit : « Il n’y a qu’un seul favorisant les accroissements de puissances. Mais il faut immédiatement ajouter : elle organise leur rencontre et leuramplification mutuelle dans un contexte coopératif.  

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