lundi 11 mars 2013

La musique au coeur du développement de l'enfant



12 novembre 2005 | Chantal Gosselin  - Le Devoir

Quoi de plus naturel que de fredonner une berceuse à un enfant pour l'apaiser. Un geste simple qui traverse le temps et les cultures. La musique communique à l'enfant l'amour que ses parents lui portent et canalise les émotions intenses de colère ou de joie. Et si elle était plus qu'une simple forme artistique, mais un réel outil permettant à l'enfant de se développer sur le plan moteur, cognitif et émotionnel? La musique en tant qu'instrument d'éducation et de thérapie.

Pour la musicothérapeute Guylaine Vaillancourt, qui vient de publier aux Éditions de l'hôpital Sainte-Justine le livre Musique, musicothérapie et développement de l'enfant, il n'y a pas de doute, la musique est un merveilleux prétexte pour apprendre. Par exemple, illustre la musicothérapeute, un enfant qui apprend à marcher, ou qui commence à produire des sons, fait ses apprentissages en intégrant des rythmes dans l'alternance de ses pas ou dans ses gazouillis.

Au coeur du développement de l'enfant, il y a tout d'abord la voix humaine. Celle de la mère qu'il connaît déjà bien avant sa naissance, ayant été bercé au son de sa voix et au rythme de ses battements cardiaques. Pour un très jeune enfant qui se fait chanter une berceuse, ce qu'il ressent, «c'est l'amour qui est transmis à travers le chant... même si le parent fausse», souligne Guylaine Vaillancourt.

Ouvrir des portes

En dehors du milieu familial, dès l'âge de trois ans, les tout-petits peuvent débuter en groupe des cours d'exploration musicale où la découverte sonore et le mouvement sont en vedette. L'éveil musical, quant à lui, s'adresse à des enfants de quatre ou cinq ans. Des méthodes comme Orff ou Kodály, qui sont bien adaptées au développement de l'enfant, sont utilisées. Les petits apprennent à jouer du xylophone et des instruments de percussion — tambour, tambourin, triangle — tout en s'accompagnant par le chant. Dans ce contexte de groupe, la musique devient un élément de socialisation; l'enfant doit écouter l'autre et chacun doit prendre sa place dans cette minisociété. En tant que parent, précise Guylaine Vaillancourt, il faut garder l'esprit ouvert et laisser l'enfant être créatif. C'est-à-dire qu'il ne faut pas s'offusquer si un enfant tente de reproduire des sons sur le contour d'un xylophone ou invente des chansons sur ce qu'il vit.

Apprendre la musique, poursuit-elle, «c'est comme une gymnastique du cerveau. Les deux hémisphères travaillent vraiment ensemble pour se coordonner». Par exemple, un enfant qui apprend à jouer d'un xylophone doit coordonner le mouvement de sa main avec son oreille pour reproduire un rythme. Il développe aussi la coordination psychomotrice, la latéralisation gauche-droite, car il doit jouer avec ses deux mains. La mémoire aussi est mise à contribution lorsqu'une pièce de musique est apprise, puisque les mouvements sont répétés, un trajet se déploie dans le cerveau et s'y encode.

De plus, par la musique, «on développe une partie du cerveau qui dort, souligne Guylaine Vaillancourt. Quand on donne l'occasion à un enfant de s'exprimer par la créativité, le mouvement, les arts, il développe la faculté de créer et il la gardera toute sa vie. Il peut travailler dans un bureau plus tard, mais il aura déjà pratiqué cette faculté d'ouvrir toutes les petites portes que l'on a dans le cerveau et que l'on ne visite pas souvent».

La musique en guise de thérapie

Pour profiter pleinement des bienfaits que procure la musique, il faut toutefois, précise la musicothérapeute, éviter de tomber dans le piège de la performance. C'est que, explique-t-elle, elle exerce une pression inutile sur l'enfant. «Pour que les enfants puissent se développer à leur rythme, exprimer ce qu'ils sont vraiment, on veut que la musique [soit le reflet] de leur propre identité. En fait, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon en musique. L'enfant doit développer ses propres aptitudes, ses façons de s'exprimer.»

L'équation est d'autant plus vraie pour les enfants qui éprouvent des difficultés, que ce soit d'apprentissage ou émotives, et qui sont souvent soumis à des échecs, explique Guylaine Vaillancourt. «Dans un contexte de créativité, cela peut être la musique, le mouvement, les arts, chacun s'exprime avec sa propre couleur, son propre son. Il n'y a pas de barème comme "il faut que cela sonne de telle façon". Les arts peuvent remettre en vie des enfants, les stimuler, les motiver et leur permettre de vivre des moments de réussite et d'être ce qu'ils sont. Pour plusieurs, la musique représente une soupape, c'est leur façon de survivre parce qu'ils sont dans des milieux difficiles.» Les enfants en difficulté peuvent d'ailleurs bénéficier de l'accompagnement d'un musicothérapeute, professionnel formé et accrédité par l'Association canadienne de musicothérapie et portant le titre de MTA. Par des objectifs thérapeutiques, cet intervenant utilisera la musique pour améliorer le bien-être physique et psychique des enfants, en plus de mettre à contribution leur créativité et sensibilité.

«Tous les enfants peuvent être initiés à la musique en tant que matière d'éducation, et tous devraient y être initiés par des activités rythmiques et apprendre à la lire, insiste Guylaine Vaillancourt. C'est un plus. Une école sans musique, cela devient une école stérile; une école sans arts, c'est une école triste. Avec la musique, on fait appel à une faculté qui est préservée, qui vit dans chaque enfant. Même si un enfant est malade, même s'il ne se sent pas aimé, il peut se sentir bien avec la musique, se sentir beau.»

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