Grandir, vieillir, mais également
l'indifférence qui se creuse, jour après jour, entre les anciens amants, sans
qu'ils s'en aperçoivent ; comme aussi les révolutions se renversant, sans crier
gare, en privilèges ; ou bien encore le réchauffement de la planète : autant de
modifications qui ne cessent de se produire devant nous, mais si continûment
qu'on ne les perçoit pas. Mais on en constate soudain le résultat - qui nous
revient en plein visage. Or, si cette transformation continue nous échappe,
c'est sans doute que l'outil de la philosophie grecque, pensant en termes de
formes déterminées, échouait à capter cet indéterminable de la transition. De
là l'intérêt à passer par la pensée chinoise pour prêter attention à ces "
transformations silencieuses " : sous le sonore de l'événement, elles
rendent compte de la fluidité de la vie et éclairent les maturations de
l'Histoire tout autant que de la Nature. De notion descriptive, on pourra en
faire alors un concept de la conduite, stratégique comme aussi politique : face
à la pensée du but et du plan, qui a tant obsédé l'Occident, s'y découvre l'art
d'infléchir les situations sans alerter, d'autant plus efficace qu'il est discret.
*
Il montre en effet combien
"les transformations silencieuses" constituent ce que la métaphysique
européenne a le plus de mal à saisir, alors que la culture chinoise leur
accorde, au contraire, une attention soutenue...
Comme toujours avec François Jullien, il ne s'agit nullement de proclamer la supériorité globale d'une culture sur une autre, de valoriser ou bien de déprécier soit l'Europe soit la Chine. Le geste de ce philosophe est différent : discerner des écarts entre univers mentaux, souligner des évidences dissemblables et faire bouger, par ce détour, nos conceptions ossifiées...
Ce court volume incite donc, une fois de plus, à cette réflexion nouvelle que François Jullien poursuit de texte en texte. Mais c'est avec une souveraineté à la fois désinvolte et allègre qu'il y parvient désormais. Car ce livre appartient à l'espèce, somme toute assez rare, des textes à la fois limpides et pourvus d'un contenu. Certains auteurs les engendrent, à maturité, quand ils ont assez lu, assez pensé, assez peiné pour pouvoir poursuivre leur chemin d'un pas net et sûr. Heureux effet des lents processus. (Roger-Pol Droit - Le Monde du 2 avril 2009 )
Comme toujours avec François Jullien, il ne s'agit nullement de proclamer la supériorité globale d'une culture sur une autre, de valoriser ou bien de déprécier soit l'Europe soit la Chine. Le geste de ce philosophe est différent : discerner des écarts entre univers mentaux, souligner des évidences dissemblables et faire bouger, par ce détour, nos conceptions ossifiées...
Ce court volume incite donc, une fois de plus, à cette réflexion nouvelle que François Jullien poursuit de texte en texte. Mais c'est avec une souveraineté à la fois désinvolte et allègre qu'il y parvient désormais. Car ce livre appartient à l'espèce, somme toute assez rare, des textes à la fois limpides et pourvus d'un contenu. Certains auteurs les engendrent, à maturité, quand ils ont assez lu, assez pensé, assez peiné pour pouvoir poursuivre leur chemin d'un pas net et sûr. Heureux effet des lents processus. (Roger-Pol Droit - Le Monde du 2 avril 2009 )
François Jullien, Les transformations silencieuses. 2010. Ed. Le Livre de Poche.
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