lundi 19 novembre 2012

Cinq idées pour un nouvel enseignement de l'art


Cinq idées pour un nouvel enseignement de l'art, Le Figaro 19/11/12



1. Jean-François Zygel, pianiste et compositeur: «Que les politiques donnent l'exemple»
L'enjeu de l'éducation artistique et plus particulièrement musicale, c'est de faire en sorte que la jeune génération ne connaisse pas que le divertissement. Qu'elle puisse aussi écouter du Bach et du Mozart, à une époque où les valeurs matérialistes préemptent tout. La musique classique est un univers, dans lequel il faut savoir entrer. Outre les parents, il me semble que les politiques devraient s'y impliquer davantage. Ils parlent bien de sport, pourquoi pas de musique classique? Ils reçoivent les équipes de football à l'Élysée, mais pas de grands orchestres. On voit les ministres partout, mais pas à l'Opéra. Leur exemple est pourtant fondamental pour une nation.

2. Yves Aupetitallot, directeur du Magasin, à Grenoble:  «Ne pas scolariser les visites de musée»
Des dizaines de classes viennent chaque année au centre national d'art contemporain de Grenoble, le Magasin. Les enfants constituent un public ouvert, sans préjugés et aiment en général ces sorties. Je remarque qu'elles réclament bonne volonté et énergie de notre part, tant les cultures portées par l'Éducation nationale et par le monde artistique sont différentes. Les circuits de décision sont trop compliqués, et l'idée récurrente est que la culture doit être soumise à l'Éducation. Pourtant, visites et rencontres avec des artistes ne doivent pas être trop scolaires. Il faut une part de plaisir ; sinon, à l'adolescence, les esprits se ferment durablement.

3. Pierre Rosenberg, académicien, président du Louvre de 1994 à 2001: «Créer un Capes d'histoire de l'art»
Ce qui me frappe, c'est que le message, bien que répété depuis des décennies, n'est toujours pas passé: on n'apprend pas à voir à l'école. En Italie, l'enseignement des arts est obligatoire. Du coup, les touristes italiens sont à l'aise devant les œuvres d'art, contrairement à bien des petits Français. Lorsque j'étais au Louvre, je le voyais tous les jours. Aujourd'hui, l'enjeu n'est pas de développer la créativité des enfants, ni même leurs talents. Il faut leur donner un langage, de manière à leur laisser la possibilité de regarder autrement les œuvres. Cet apprentissage, selon moi, doit être fait par des professionnels, des enseignants spécialisés, ayant un Capes ou une agrégation d'histoire de l'art. On va créer 60.000 postes d'enseignants, c'est peut-être le moment de franchir ce cap.

4. François de Mazières, député maire de Versailles: «Laisser l'art envahir la ville»
Versailles a créé un festival de théâtre autour de Molière, il y a dix-sept ans, qui a un succès considérable. C'est devenu une locomotive dans tous les établissements scolaires. Le Off est d'ailleurs tenu par les spectacles joués par des lycéens. La ville a donné un cadre, et a laissé le théâtre et la musique envahir ses rues. Ensuite, chacun en fait ce qu'il veut. Il faut laisser la créativité prendre ses droits, et ne pas trop encadrer les choses: l'éducation nationale a parfois du mal à comprendre cela, mais c'est impératif. On ne fera pas entrer les arts dans les classes à l'aide de circulaires écrites dans un bureau.

5. Didier Lockwood, violoniste: «S'appuyer sur les artistes»
L'école n'est pas là pour faire émerger des nouveaux talents artistiques. Elle doit permettre aux élèves de développer leur libre arbitre face au goût. Les artistes doivent se donner un rôle de modèle, et s'impliquer dans les établissements: qu'ils se fassent connaître d'eux, qu'ils poussent les portes des écoles, qu'ils deviennent des icônes pour les jeunes. On pourrait imaginer que chaque académie soit parrainée par un grand artiste. Les artistes incarnent des valeurs positives, celles de la création intellectuelle, de la recherche sur soi-même, de l'intuition, de l'expérimentation. Ils doivent apprendre à les transmettre.

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