« C’est l’intérêt des
élèves, de tous les élèves, qui doit être au cœur des réflexions et des
réformes du système éducatif. Cela implique de prendre en compte leurs besoins,
leurs droits et leurs devoirs non seulement comme élèves, mais également en
tant qu’enfants, pré-adolescents ou adolescents. »
Cette phrase est extraite
du site du
rapport sur la refondation de l’école, sous le titre de
« Les élèves au cœur de la refondation ». Elle semble ne laisser
aucun doute sur la haute importance que cette démarche estivale semblait
accorder à éclairer la réflexion de tous les chantiers à l’aune des attendus de
ces prolégomènes. Et pourtant…
Oui, et pourtant… À l’exception
de la consultation formelle des syndicats étudiants, de la trilogie des
syndicats lycéens, de quelques bien rares consultations des lycéens çà et
là, élus sortants dans les CAVL¹ ou élus CVL², les élèves n’ont pas
globalement été, à titre individuel ou de manière collective, concernés ni
consultés sur la refondation de l’école qui s’adresse pourtant bien à eux, si
l’on en croit les lignes supra, de manière prioritaire.
Et pourtant, disais-je, pour
avoir travaillé pendant plusieurs années en appui du CNVL³, je peux témoigner
que ce ne sont pas les idées qui leur manquent, aux lycéens ! Ils en
auraient presque même trop, m’ont parfois dit les cadres du ministère qu’ils
consultaient ou entendaient porter le dossier qu’ils avaient en charge. On
pouvait leur demander leur avis sur l’orientation, sur les programmes, sur les
rythmes scolaires, sur le numérique, sur la réussite, sur le handicap, sur la
valorisation de l’enseignement professionnel, sur le baccalauréat, sur les
discriminations, sur la valeur de l’engagement… ils répondaient et répondent
toujours présents ! Oh ! Bien sûr, les idées présentées, voire les
projets élaborés sur les chantiers ci-dessus, n’étaient pas toujours ni très
raisonnables ni très aisément réalisables — ils restaient à discuter et à
négocier, à adapter aux réalités aussi — mais ils avaient au moins le mérite de
la rupture et de l’innovation. Une manière de rompre avec un certain dogme
ronronnant, avec le coconnage très
tendance mais bien réel de « la grande maison ».
Pourquoi les lycéens n’ont-ils
pas été massivement consultés ? C’est vrai que la dernière grande
consultation des lycéens sur la réforme du lycée, en novembre 2008, à
l’initiative de Xavier Darcos,
alors ministre, avait été un échec notoire, se terminant dans la fureur et
l’agitation à l’École polytechnique à Palaiseau.
Était-ce une raison pour ne pas
recommencer ? Les lycéens des organes de la vie lycéenne, à tous niveaux,
sont tous résolument engagés, de manière personnelle parfois, ou collective
aussi dans des syndicats ou des partis politiques, mais leur engagement, concernant
le moment qu’ils vivent dans l’école, est toujours au profit de
l’innovation — j’insiste ! —, de la réussite de tous, de l’égalité,
de la solidarité, dans une perspective d’accès pour tous à plus d’autonomie et
de responsabilité enfin.
Un lycéen engagé est, le plus
souvent, un lycéen responsable. Au-delà des promesses de l’engagement
individuel, c’est toute l’école, au sens large, qui tire profit de la vie
lycéenne. Il est d’ailleurs bien temps, en 2012, de cesser de considérer les
élèves comme de seuls acteurs subsidiaires dont on prend l’avis de temps en
temps, pour faire semblant de jouer à la démocratie. Les missions
assignées aux différents niveaux de la représentation lycéenne, délégués de
classe, maisons des lycéens, élus CVL, CAVL et CNVL, doivent être notablement
et profondément renforcées et élargies. Les élèves, et je pense d’abord bien
sûr, aux plus grands d’entre eux, doivent être maintenant en situation de
pouvoir décider d’un certain nombre de choses qui les concernent au premier
chef. Certains éléments du règlement intérieur doivent pouvoir aisément
être discutés et négociés avec eux, sans contredire la loi bien sûr, de telle
manière à adapter les pratiques citoyennes, dans le lycée, à la réalité de
leurs usages personnels. Je pense en particulier aux pratiques sociales et
numériques, personnelles ou en classe, qui doivent aussi pouvoir trouver toute
leur place dans l’école.
Les modalités mêmes
d’enseignement, programmes, horaires, rythmes, contenus, lieux doivent pouvoir
être aussi discutées, si besoin, pour les rendre plus souples, à l’éclairage de
l’avis des lycéens. Il est temps de sortir des carcans d’un enseignement dont
les principaux ressorts sont plus que centenaires pour adapter l’école à la
société et aux jeunes tels qu’ils sont.
Soyons très clairs : il n’y
a pas grand chose à attendre d’une consultation de seuls notables et entités
conservatrices. Il va falloir chercher du côté des jeunes, lycéens et aussi
collégiens, l’enthousiasme, l’initiative, l’innovation, la modernité
nécessaires à la refondation de l’école. Et, pour compléter un propos récent
qui me fait passer pour un extrémiste, cette refondation sera pédagogique,
numérique et nourrie de l’imagination des élèves ou ne sera pas. Voilà, c’est dit
à nouveau.
Mes propositions pour un
élargissement conséquent de la démocratie lycéenne, à définir en concertation
avec la prochaine mandature d’élus, doivent s’accompagner de propositions
identiques pour les plus jeunes des élèves.
Au collège, il doit être possible
d’organiser, sur le modèle des aînés, un dispositif de vie collégienne continue
qui fasse réellement participer des élus à la vie du collège, décider —
pourquoi pas ? — de ce qui les concerne directement ou donner leur avis
sur les dispositions qui touchent la collectivité ou les enseignements au-delà
de la présence symbolique au Conseil d’administration.
À l’école du premier degré, Célestin
Freinet doit se retourner dans sa tombe à observer ce que sont
devenues ses théories sur la responsabilisation du jeune écolier dans la
coopérative scolaire ou le journal d’école. Il n’en reste plus grand chose,
sous la pression des programmes disciplinaires et d’une hiérarchie franchement
réactionnaire. Tout est à recommencer (à refonder ?).
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