Texte improvisé - 31 août 2005, par René BARBIER
, dans le Journal des Chercheurs
Extrait des actes du
colloque : Etre, créer, connaître. Quels chemins pour une éducation
aujourd'hui ?, 18 septembre 2004, Paris, éd. Fédération des Ecoles
Steiner-Waldorf en France - Extraits
Une petite fille qui disait à son
père ! : "Les vacances, l'école, tout ça c’est très bien, mais
moi ce que je voudrais, c'est vivre !"
Pour moi cela veut dire quelque
chose d'être un éducateur. Cela veut dire, dans un premier temps, être passé
par ce processus de préparation dont j'ai parlé, avec des auteurs, avec de
l'altération provoquée par autrui, avec des modifications intérieures, quelque
chose qui fait que on s'ouvre, on va vers une amplitude plus grande. Peu à peu
on découvre qu'on est une personne. Qu'est-ce que c'est qu'une personne ? C'est
un individu intégré au processus même du cours du monde, chez qui il n'y a plus
"personne" à nommer. Et cette découverte que l'on fait à un certain
moment, va transformer totalement le regard que l'on porte sur le monde. Et la
question va se poser dans le for intérieur de tout enseignant !de
savoir !qu'est-ce qu'il enseigne. Qu'est-ce que je peux enseigner ?
Qu'est-ce que cela veut dire enseigner par rapport à ce processus de
l'éducation ? (…)
Ce qui m'intéresse, c'est plutôt
la notion de faire surgir le questionnement, le questionnement permanent chez
les étudiants (puisque je travaille avant tout avec des étudiants) sur :
qu'est-ce que vivre ? D'où la question de la petite fille... et celle
encore d'une autre petite fille, la mienne quand elle avait 4 ans : Un
jour, alors que nous étions au bord de la mer, en Bretagne, elle regardait
cette mer se retirer très loin, laissant apparaître peu à peu des rochers et le
sable, puis elle me dit ! : "Regarde papa, il n'y a plus d'eau
dans la mer !" Et ce "il n'y a plus d'eau dans la mer" est
quelque chose qui est resté chez moi comme une sorte de pensée permanente,
laquelle n'arrête pas de susciter mon interrogation, un "kôan zen",
en quelque sorte.
Effectivement, il n'y a plus
d'eau dans la mer, mais la mer est pourtant toujours là. Cependant, quelque
chose a disparu... et tant que l'on n'a pas compris ce "il n'y a plus
d'eau dans la mer", comment peut-on éduquer ? Car on pense souvent
qu'éduquer, c'est justement remplir la mer avec encore de la mer. Non. Éduquer,
c'est effectivement connaître que la mer est présente en nous, à l'intérieur de
nous, que nous sommes la mer, et qu'en même temps, il n'y a d'une certaine
façon rien dans cette mer... il n'y a donc rien non plus en nous-mêmes.
A partir de là, quelque chose
nous appelle et ce qui nous appelle c'est justement ce que je nomme le sacré
radical, celui qui va à la racine et nous fait entrer (si on a la chance de
s'ouvrir et surtout d'être réceptif à cette ouverture), dans une compréhension
du monde où peut naître ce sentiment de faire partie d'une totalité dynamique,
appelons-la : "conscience-énergie" bien que cela reste très
difficile à préciser parce que c'est de l'ordre d'un ressenti profond qui fait
que la question du sens de la vie ne se pose plus.
Du même coup, en un certain sens,
la question de la spiritualité, elle non plus, ne se pose plus. On ne pose plus
la question de la spiritualité ou du sens de la vie parce que c'est la vie qui
importe, ce n'est pas la question du sens. La vie est le sens. Nous sommes la
vie – quand nous sommes la vie, la question du sens ne se pose plus. Et je
crois que c'est vraiment une interrogation radicale que cette source permanente
que l'on a au fond de soi-même, que tout être humain, tout être vivant a au
fond de lui et qui va alimenter nos réflexions et nos pratiques, notre façon
d'être au monde, notre façon d'être avec les autres, et ici, tout à fait dans
le sens qu'a précisé Christiane Singer, c'est-à-dire au sens d'une ampleur de
plus en plus grande.
Une ouverture s'opère vers
quelque chose qui est sans limite, qui ouvre notre être à chaque instant. Mais
l'ouverture se fait par des questionnements, elle ne se fait pas par des
affirmations. Et les affirmations qui se trouvent dans les livres (et Dieu sait
si je suis quelqu'un qui lit beaucoup et qui aime lire), je sais très bien que
ce n'est pas là l'essentiel.
L'essentiel c'est plutôt la
question que je n'arrête pas de poser sur le monde avec un fondement qui n'est
pas de me demander : "Mais, quel est le sens de la vie ! ?"
Je sais que la vie a un sens, je n'ai pas besoin de me poser la question. Pour
moi c'est évident que la vie a un sens, que la vie est sens. Et par ce
fondement-là, précisément, des questions sont posées sur la façon dont on vit.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire