Le Point.fr par Aurélie Darbouret
- Publié le 15/11/2012
Cours à la maison et devoirs en
classe, un collège de Saint-Brieuc teste la classe inversée depuis la rentrée
2012.
"Cela fait trois mois que je
fais la grève du tableau", plaisante Pascal Bihoué, professeur du collège
Sainte-Marie, à Saint-Brieuc, un établissement privé "comme on en trouve
en Bretagne", avec 17 nationalités, des assistants de vie scolaire dans
les classes et des élèves provenant de milieux sociaux très hétérogènes.
"J'en avais marre de voir les élèves dormir pendant que je grattais au
tableau", confie-t-il à Sipa. Ce professeur a donc décidé de tester une
nouvelle façon d'enseigner. Les leçons de physique sont étudiées à la maison
sur Internet, via des animations et des vidéos postées par le professeur, alors
que les heures de classes sont entièrement consacrées aux exercices et travaux
pratiques.
Une expérience de la 5e à la 3e
À la dernière rentrée, il a
décidé d'arrêter les cours magistraux avec ses deux classes de 3e et a mis en
place des "classes hybrides" (le cours est fait en classe et des
documents complémentaires sont à consulter en ligne) pour les classes de 5e et
4e.
Sur une plate-forme internet
"bidouillée avec du code html", il met ses cours de physique en ligne
et laisse les élèves potasser chez eux. Dans la base de données, on trouve de
courtes vidéos (1 à 2 minutes) où le professeur s'est filmé dans le laboratoire,
des animations importées, des dossiers interactifs et des liens vers d'autres
sites pour les plus curieux. Les élèves travaillent chez eux, à leur rythme, et
doivent généralement laisser un résumé dans leur cahier. "C'est mieux de
travailler comme ça. Ce sont nos mots, nos phrases", explique Lucie, en
classe de 3e. "Ensuite le prof relit tout pour vérifier si c'est
juste", ajoute Noeline, sa voisine de bureau. "C'est moins ennuyant,
c'est plus motivant de venir en physique", affirme Halil qui redouble sa 3e.
Les élèves travaillent à leur rythme
Globalement les élèves préfèrent
la physique nouvelle version, ils disent avoir moins de travail à la maison et
être plus actifs en classe. Il faut dire qu'à leurs yeux l'ambiance a changé.
Finies les rangées de tables, les paillasses sont désormais rassemblées en
îlots pour permettre le travail en groupe.
Pascal Bihoué, enseignant depuis
quatre ans dans l'établissement, encourage les discussions et les échanges
entre les élèves, quitte à laisser passer des discussions d'ordre privé. À la
fin de chaque séance, il donne les consignes sur les documents à consulter. À
la maison, les élèves naviguent à leur rythme, regardent les vidéos une ou
plusieurs fois et laissent messages et questions sur un forum, dont l'accès est
réservé au professeur.
Des PC disponibles sur le
bureau du prof
"En classe, parfois quand on
pose des questions, les autres, ils disent tu comprends rien. Là on est plus
libre et plus autonome", confie Martin, bon élève, un peu joueur.
"J'estime qu'un tiers ne travaille pas. Mais dans une classe ordinaire, il
y a toujours des élèves qui ne font pas leurs devoirs," estime le
professeur.
Parmi les récalcitrants, il a
noté quelques très bons éléments, un peu feignants, qui n'avaient pas pour
habitude d'ouvrir un classeur à la maison. Ce jour-là, les élèves étudient
l'atome, son histoire et ses caractéristiques. Pour ceux qui n'ont pas allumé
l'ordinateur entre deux séances ou n'ont pas d'ordinateur chez eux, il y a des
PC disponibles sur le bureau du professeur durant la classe. Le professeur n'a
plus de bureau, il se déplace de table en table et s'adresse différemment à
chaque élève, en prenant en compte les messages reçus sur le forum. Dans les
cahiers, les restitutions sont personnelles: certains ont fait des frises
chronologiques pour représenter les différentes théories sur l'atome, d'autres
des résumés de textes. "Lundi prochain, je ramasse les cahiers pour
vérifier que toutes vos notes sont justes. La semaine suivante, vous
enregistrerez un résumé oral de ce que vous avez retenu", avertit Pascal
Bihoué qui pratique depuis des années une évaluation hybride, par compétence et
par note. "On ne sait pas toujours ce qu'il y a à apprendre", regrette
Lorena, élève de 3e. Bérenger, bon élève au cahier impeccable, reconnaît aussi
quelques difficultés: "Au début, je ramais un peu. Je trouvais ça plus
compliqué pour apprendre, mais finalement ce sont mes mots", dit-il, tout
en reconnaissant avoir "plus l'habitude d'internet pour les jeux vidéo que
pour l'école".
Twitter est également
devenu un moyen de communication entre le professeur et les élèves. Certains
ont des comptes, pour les autres, celui du prof défile sur la plate-forme.
"Les 3es : évaluation la semaine prochaine (...) Au travail !"
rappelle-t-il sur le réseau social.
Webclasseur
Dans le collège de Pascal Bihoué,
la direction a tout de suite accepté le principe de l'expérimentation.
L'établissement vient d'ailleurs de se doter du webclasseur, une plate-forme de
partage de documents en ligne où les professeurs archivent des documents ou des
corrigés à destination des élèves. "Bizarrement, ce n'est pas l'Éducation
nationale mais Intel
et Microsoft qui s'intéressent à ce que je fais", ironise l'enseignant,
qui est régulièrement contacté par des collègues intéressés. "J'ai
découvert le mouvement des 'flipped classroom' (classe inversée, NDLR) sur
Twitter et je suis toujours en contact avec des profs des États-Unis ou du
Canada.
En France, il y en a d'autres qui
expérimentent, mais c'est davantage dans les études post-bac", conclut
Pascal Bihoué. Vendredi prochain, l'enseignant présentera sa classe inversée au
salon Educatec-Educatice, à Paris.
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